SorelTracy Magazine - Mardi, 16 avril 2024

Jeudi 18 mai, 2023

Par Mario Bellavance

Repose en paix Steve !

Bien sûr, il y a les guerres d’Irlande
et les peuplades sans musique…
Bien sûr, il y a nos défaites
Et puis la mort qui est tout au bout…
Mais voir un ami pleurer

J’ai connu Steve durant la période où Bobby Sands faisait la grève de la faim. L’Irlande et l’appel à la liberté nous interpellaient. Nous étions plein de vie, de rêves et jamais nous ne pensions à la mort. Pourtant, ce soir comme Jacques Brel le chante, je chante aussi. Je pleure.

Je pleure mon ami Steve. Son fils Jakov vient de me l’apprendre : « Papa va mourir. » Du coup, je me rappelle les meilleurs moments passés en sa compagnie, l’espoir d’un monde meilleur. Combien de manifestations avons-nous fait ensemble? Avec lui, j’ai passé une partie de ma jeunesse. Des images défilent dans ma tête. Notre voyage à Vancouver. Il y avait moi, Steve, sa femme et Jakov, son fils, qui n’avait pas un an alors. Il en a plus de quarante maintenant. Nos idéaux étaient grands : la liberté, la Paix. Il y a eu la grande marche pour l’emploi également. Plein de gens sur notre chemin pour nous encourager à poursuivre notre marche qui nous conduira de Sorel à St-Charles, plus de quarante kilomètres de marche. Un chauffeur descend de son camion, un camion de bières. Il nous offre deux bières et nous dit : « Je vous comprends les gars. » Nous étions jeunes et pleins de vie. Voilà maintenant Steve, au bout de la sienne. Le fil de sa vie est tendu. Il n’attend qu’à être rompu.

Le lendemain, je le visite à l’hôpital. Il gît sur son lit, inconscient. Intubé, je vois sa poitrine se soulever à chaque mouvement de pompe. Steve est en bien mauvais état. Son visage est enflé et brûlé à plusieurs endroits. Jamais, je n’aurais cru le voir ainsi. Il était grand et fort de sorte que jamais je n’aurais osé me mesurer à lui. Je ne l’ai jamais fait d’ailleurs. Puis le voilà sans vie ou presque. Comment cela se fait-il? Je l’ignore. Un jour, nos chemins se sont éloignés. Le sien se termine. Le mien se poursuit.

Quelques heures après ma visite, je reçois un appel. C’est son fils Jakov. Il me dit : « Mon père a été débranché au début de l’après-midi. Il est mort. » Du coup, je sens qu’il emporte avec lui nos souvenirs, mes confidences. Je voulais qu’il garde de moi, l’image d’un ami fidèle, de quelqu’un qui l’accompagne jusqu’au bout. Dieu aura permis qu’il en soit ainsi.

Jakov m’informe que son père avant de mourir a fait don de ses organes. Pour nous qui avons embrassé le monde ensemble, n’est-ce pas un ultime cadeau que Steve offre à l’inconnu qui souffre? Son geste d’une précieuse générosité ne porte-t-il pas la signature d’un ultime détachement? Mon ami ayant perdu tout espoir de vivre offre à celui qui espère un foie, des yeux, un coeur et je ne sais quoi qui lui apportera la joie de vivre comme en aura décidé la science.

Jakov ajoute : « Mon père n’aura pas de funérailles. Il n’était pas très religieux. » Qu’à cela ne tienne, Steve laisse en mourant le témoignage d’un engagement sans pareil durant sa jeunesse et, à la fin, celui d’un amour sans borne. Ste-Thérèse de Lisieux ne dit-elle pas? « Aimer, c’est tout donner, c’est se donner soi-même. » N’est-ce pas ce que Steve vient de faire? Rappelons-nous les bons moments de sa vie! Célébrons sa grande générosité!

Adieu Steve!

 

Par Mario Bellavance

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