SorelTracy Magazine - Vendredi, 26 avril 2024

Mercredi 6 octobre, 2021

L’itinérance peut frapper n’importe qui

(Stéphane Martin, 6 octobre 2021) Dans le cadre de la Nuit des sans-abri qui aura lieu le 15 octobre, le SorelTracy Magazine vous propose quelques articles en lien avec l’itinérance. Dans ce premier ouvrage, l’auteur de ces lignes a rencontré Richard qui raconte son histoire après avoir passé plus de 7 ans dans la rue.

« Je suis arrivé dans la rue à 50 ans. J’ai eu divers métiers avant d’aller à l’université à 43 ans pour devenir intervenant en toxicomanie. J’ai travaillé quand même plusieurs années là dedans. Mais je suis un alcoolique, c’est une rechute qui m’a tout fait perdre suite à une séparation d’avec ma blonde de l’époque. Nous étions ensemble depuis 12 ans. J’ai rechuté en 2009 et en 2010, j’étais à la rue. J’ai tout perdu, mon appartement, mon travail, ma voiture, mes meubles, etc. Ç’a été un an de rechute à fond la caisse. À l’époque, j’habitais à Sorel. Je n’étais pas capable d’aller travailler, car je n’étais pas capable d’arrêter de boire. Je faisais quelques jours à jeun et je repartais sur la brosse », raconte Richard qui se sera retrouvé à Montréal pour vivre sa vie d’homme sans domicile fixe.

« J’avais de l’aide sociale puisqu’il y avait un organisme qui nous permettait de recevoir notre courrier gouvernemental. On retrouve ce même service à La Porte du Passant ici. J’étais dans l’alcool à journée longue. Je me suis mis à quêter au coin de Guy et Sainte-Catherine. Je faisais minimum 100$ par jour. Tout ce que je faisais était de me promener avec un verre vide en souhaitant bonne journée aux passants. Une mauvaise journée pour moi, c’était un total de 70$ à 80$. J’ai fait des jours de 200$ à 300$. Je dépensais tout à la Société des Alcools. »

L’itinérant de l’époque a connu un grave problème de santé qui ne l’aura pas convaincu de se sortir de la rue.  « J’ai fait un AVC et j’ai été 4 mois à l’hôpital. Le docteur m’a dit que j’étais considéré mort pendant 15 minutes et que j’ai été réanimé 5 fois. Je suis un miraculé. Pour vous dire à quel point c’est fort l’alcoolisme, j’ai paralysé du côté gauche et j’ai travaillé fort pour m’en remettre. La seule chose que je voulais était de me rétablir au plus vite pour sortir de l’hôpital et me taper une méchante brosse. J’avais soif et je suis retourné dans la rue. J’ai toffé comme ça jusqu’en 2017. »

L’appel à l’aide

« Je fréquentais un endroit où l’on avait accès gratuitement à internet. On s’y réchauffait l’hiver. J’avais un compte Facebook et j’ai écrit un message où j’envoyais promener tout le monde en disant que j’allais mourir dans la rue. Il y a des gens de la Maison la Margelle qui étaient en contact avec moi parce que j’avais déjà fréquenté l’endroit à l’époque où je demeurais à Sorel-Tracy. Une intervenante m’a écrit en privé en me demandant de l’appeler. Au téléphone, elle m’a dit qu’ils allaient m’aider à m’en sortir, que je devais piler sur mon orgueil et ils sont venus me chercher directement à Montréal. Quand je me suis assis dans l’auto et que nous avons traversé le pont Jacques-Cartier, je savais que je venais de quitter la rue. J’ai passé 10 mois à la Margelle où je me suis rebâti et j’ai appris à réintégrer la société. J’ai réappris à manger aussi parce que dans la rue, tu ne manges pas beaucoup, tu te nourris à l’alcool. »

L’histoire de Richard se termine bien et ce dernier est catégorique sur les possibilités qu’il existe afin de se sortir de l’itinérance.  « Quand tu es dans la rue, tu es pris dans un confort malsain. Tu as un cercle social, tu travailles parce que tu quêtes, tu sais qu’il y a des endroits pour dormir et manger au chaud, etc. Il faut beaucoup d’effort pour te sortir de ça, mais il faut le faire parce que sinon, tu peux en mourir. Quelqu’un qui veut vraiment s’en sortir n’a pas de raison de rester dans la rue. Il faut le vouloir, car il n’y a rien qui va te tomber du ciel. Tu ne fais pas pitié parce que tu es dans la rue. Il faut faire simplement faire les démarches et persévérer. »

 

L’ancien mendiant a un message à passer à ceux qui donnent ou hésitent à donner de l’argent aux itinérants.  « Quand tu donnes quelque chose, fais-le avec ton cœur ou ne le donne pas. Le gars dans la rue, ce qui va faire avec l’argent que tu vas lui donner, ce n’est pas de tes affaires. La personne va faire ce dont elle a besoin avec l’argent que tu lui donnes. Si son besoin est de boire ou de prendre de la drogue, c’est ce qu’il va faire. Je peux témoigner que si le monde n’avait pas été généreux avec moi, j’aurais volé plus souvent pour obtenir ma boisson. En quelque sorte, donner à un itinérant évite qu’il commette des méfaits. »

Il y a 4 ans que Richard est sorti de la rue et il demeure positif pour la suite des choses. « Avec ce que j’ai vécu, il n’y a plus rien qui ne peut m’ébranler. J’ai déjà tout perdu et maintenant, quand il m’arrive une bad luck, je me dis qu’il n’y a rien d’insurmontable. Si je me remets à boire, je sais que vais retourner dans la rue, mais mon intention est d’être bien dans ma peau », conclu-t-il.

L’itinérance ne touche pas que les gens dans les grands centres. Le phénomène est présent à Sorel-Tracy. Prochainement, les Portes du Passant vont ouvrir un refuge à raison de 3 jours par semaines afin d’accueillir des gens pour une bonne nuit de sommeil. Le projet pilote représente l’aboutissement de 20 ans de travail. Les prochains mois serviront à évaluer les besoins de la région et l’horaire d’ouverture sera éventuellement ajusté.

Richard et le journaliste Stéphane Martin

Publicité

Publicité