SorelTracy Magazine - Mardi, 12 novembre 2024

Lundi 28 octobre, 2024

La Soreloise Élise Turcotte récipiendaire du prix Athanase-David

(Annie Bourque) – Après une carrière de 40 ans, la romancière, poète et essayiste Élise Turcotte, reçoit mardi le 29 octobre, le prix Athanase David soulignant sa carrière remarquable et sa contribution à la littérature québécoise.

Son récent livre, Autoportrait d’une autre retrace le parcours de sa tante Denise Brosseau, morte tragiquement, dans les années 80. Voici notre entrevue avec Élise Turcotte, née à Sorel-Tracy, qui se démarque par sa grande humilité et sa franchise.

AB : Est-ce une libération d’avoir écrit ce livre que j’ai adoré ?

ET : Je me suis surtout demandé comment j’allais écrire et si j’allais le faire. C’était aussi un peu difficile avec ma famille. Ai-je le droit de m’emparer de la vie de quelqu’un ? Je ne connaissais presque pas ma tante. Je me suis libérée de quelque chose qui m’obsède. Mes lecteurs gens trouvent ça beau et poétique. Je perçois beaucoup d’amour du livre et cela me fait vraiment plaisir.

AB : J’ai aimé votre quête qui nous transporte au Mexique, à Paris. Le livre parle de vos doutes. C’est bon pour la création non ?

ET : Il y a des écrivains qui doutent alors que d’autres, pas du tout. Cela doit être rare. Moi, je doute toujours. C’est normal et quand on écrit un livre, on part de rien. J’ai demandé la permission à mon cousin (pour écrire L’autoportrait d’une autre) et il m’a dit oui. À partir de là, il fallait que je le fasse.

Née à Sorel-Tracy, Élise Turcotte a écrit de nombreux livres, maintes fois récompensées par de nombreux prix. Plusieurs sont traduits à l’international. Son talent d’écrivaine est récompensé. Crédit : Courtoisie.

AB : Quelle est votre réaction d’être récipiendaire du prix Athanase-David dans la catégorie littérature ?

ET : Premièrement, cela est un grand honneur et je me sens soulagée et réconfortée. Cela fait 40 ans que je publie des livres. C’est comme si on reconnait tout le travail que j’ai fait dans ma vie.

AB : J’imagine que vous avez un sentiment d’accomplissement ?

ET : Oui et j’observe que dans la liste des récipiendaires, il n’y a pas beaucoup de femmes qui ont reçu ce prix. Dans la liste, il y a eu Robert Lalonde, France Théorêt, Marie-Claire Blais.

AB : J’étais fâchée envers moi-même, car en septembre alors que votre livre est en nomination pour le prix des Libraires, je me dis : mais comment se fait-il que je ne connaisse pas Élise Turcotte ?

ET: Beaucoup de gens me disent la même chose. Au Québec, on dirait qu’il y a un système de vedettariat qui fait que ce sont toujours les mêmes personnes dans les médias. Ici, il n’y a pas beaucoup de place pour les vedettes littéraires. Mon but ce n’est pas de devenir une vedette non plus.

AB : Vous me faits pensez à la célèbre phrase : Y’a pas de place, nulle part pour les Ovide Plouffe du monde entier.»

ET : Je reçois beaucoup de messages à propos de mon récent livre. Des lecteurs qui m’écrivent et me suivent depuis mes débuts. Je ne suis pas une écrivaine populaire. Je veux être dans la recherche, trouver une forme qui me mène ailleurs et je ne veux pas surtout pas répéter les mêmes choses. C’est cela mon but. Je ne pense pas aux lecteurs quand j’écris, je pense au livre.

AB : Au fait, quel est le plus beau compliment que vous avez reçu ?

ET : Le plus beau compliment que j’ai reçu vient d’une amie Facebook. Elle a dit qu’elle avait tellement aimé mon livre et qu’elle l’avait annoté qu’il était devenu son propre manuscrit.

AB : J’imagine qu’écrire vous libère à chaque fois.

ET : Cela me libère d’une image et je peux passer ensuite à autre chose. Cela me permet de dire aussi ce que je pense de la société. Il y a toujours un aspect politique et un engagement féministe assez fort dans mes livres. Souvent, il y a une enquête. Je pense qu’un écrivain, c’est comme un détective, on va chercher des détails qui va nous emmener à la résolution d’un problème ou à comprendre la vie de quelqu’un ou sa mort.

Aujourd’hui, Élise Turcotte reçoit le prix Athanase David, la haute plus haute distinction attribuée à une Personne pour sa contribution remarquable à la littérature québécoise. Crédit : Justine Latour

AB : Parlons de Sorel. Je ne savais pas que votre grand-père Joseph-Célestin-Avila Turcotte était député de Richelieu à l’Assemblée nationale du Québec (1929 à 1939) et est à l’origine du célèbre Pont du même nom qui traverse la Ville.

Son grand-père Joseph-Célestin-Avila Turcotte.

ET : C’est bien le père de mon père qui a fait construire le pont. Je suis restée à Sorel jusqu’à 2 ans. J’y retournais souvent à Noël. Cette ville m’a toujours fascinée. J’en parle dans le livre. J’ai aussi un garçon qui a étudié la guitare classique et a participé au Concours international de musique classique (organisée par Rachel Doyon).

AB : Comment écrivez-vous ?

ET : Quand j’écris, je bouge beaucoup, je me lève, je marche. J’écris 2 ou 3 heures. Je dois dire que je ne suis pas très disciplinée. Je suis une femme qui réfléchis beaucoup. Quand j’ai pris des notes et assez réfléchi, cela va plus vite. Je ne suis pas le genre d’écrivain qui va écrire 500 pages et en garder seulement 200. J’aime aussi m’isoler pour écrire. Cela m’aide beaucoup.

AB : Qui vous inspire ?

ET : Je suis fascinée par l’écriture des femmes. J’aime beaucoup les jeunes autrices québécoises très talentueuses. J’ai beaucoup aimé les 2 premiers romans de Valérie Roch Lefebvre. J’ai découvert Un chien à ma table de Claudie Hunzinger, une écrivaine française de 84 ans. Cette liste pourrait changer à chaque heure, tellement je suis entourée de bons livres.

AB : Quels sont vos projets?

ET : En ce moment, je collabore avec des gens sur différents projets. J’ai envie d’écrire pour le théâtre. J’ai plusieurs projets mais je dois m’assoir, me concentrer. Je vais faire cela après la remise du prix.

En terminant, Élise Turcotte a reçu un vibrant hommage des libraires pour L’Autoportrait d’une autre. Caroline Gauvin-Dubé de la Librairie Boutique Vénus a écrit : « Élise Turcotte dresse un portrait fragmentaire à l’image du récit de cette tante, tissé d’absences…Ces vides laissent l’espace nécessaire pour ouvrir un dialogue sur l’art, la dépression, la mémoire. Elle signe un roman d’une grande intelligence qui montre qu’à travers l’histoire de l’autre, c’est toujours soi que l’on cherche.»

 

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