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Jeudi 23 octobre, 2025
La démolition de la fonderie vue par Louis Laperle, témoin d’une époque familiale

Louis Laperle
(Stéphane Martin, 23 octobre 2025) – « C’est une page qui se tourne sur le terrain de jeu de mon enfance », voilà les mots qu’utilisent Louis Laperle qui observe aujourd’hui la démolition de la Fonderie Laperle, symbole d’un siècle d’histoire industrielle et familiale à Saint-Ours.
Sans amertume, mais avec une émotion palpable, il se remémore une entreprise qui a marqué sa jeunesse et laissé son empreinte dans la région. Témoin privilégié du fleuron familial que son père, Yvan, a fait grandir sur la montée de la Basse, il en parle avec une fierté sincère.
« L’histoire de la Fonderie Laperle débute en 1904, alors que mon arrière-grand-père, Louis Laperle, achète une fonderie alors située au cœur du village de Saint-Ours. À l’époque, on y fabriquait principalement des outils pour l’agriculture. Au début du XXe siècle, il y avait une fonderie à tous les deux ou trois villages. C’était une autre époque, où le fer et la sueur faisaient partie du quotidien », raconte celui qui porte le même prénom que son arrière-grand-père, Louis Laperle.

Deux des fils de Louis, Aldéric et Armand, reprendront l’entreprise et la feront prospérer. Puis, au tournant des années 1950, une nouvelle génération entre en scène en la personne d’Yvan Laperle qui insuffle un vent d’innovation à la petite entreprise familiale.
« Mon père était un visionnaire et n’était pas du genre à se laisser abattre. Après un incendie dévastateur en 1962, Yvan a tout reconstruit sur le site que l’on connait actuellement. Il a orienté la production vers les besoins des municipalités. On y fabriquait des cadres de couvercles, des grilles d’égout et d’autres pièces de voirie. »
En 1968, Yvan Laperle modernise la chaîne de production en installant un convoyeur fermé acheté à General Motors. « C’était une première du genre dans la région. Il a imaginé un système de train en boucle fermée où c’est le moule qui se déplace d’une étape à l’autre. Avant, c’était les ouvriers qui devaient se déplacer avec l’équipement d’un lieu à l’autre. Mon père a inversé le concept. C’est ça qui a permis à la Fonderie Laperle, de prendre autant d’ampleur, puis de survivre aussi longtemps », explique fièrement Louis.

Sur cette photographie d’archives, on aperçoit un ouvrier à l’œuvre sur le convoyeur en boucle fermée. Une innovation qui a permis à la Fonderie Laperle de prendre de l’expansion. Crédit : SHPS – Fonds Les 2 Rives, P102, S2, SS1, SSS9, D30
Une autre innovation marquante fut l’introduction des bouches d’égout auto-ajustables, un concept importé d’Angleterre que son père avait découvert et adapté ici. « Ce système, installé pour la première fois à Boucherville, sur la rue de Mortagne, permettait d’ajuster le niveau des cadres et couvercles de bouches d’égout lors des travaux de resurfaçage. C’était complètement nouveau à l’époque. On pouvait enfin les niveler chaque fois qu’on refaisait l’asphalte. Ça a rapidement suscité l’intérêt des grandes villes, et on en installait partout. »
On retrouve encore aujourd’hui, dans les rues du Québec et même au-delà, des plaques d’égout estampillées du nom de Laperle. « Il y en a partout au Québec et même jusque dans les grandes villes américaines comme New York. Quand je voyage, j’ai toujours le réflexe de baisser les yeux. Souvent, je vois notre nom gravé dans le pavé », confie Louis.

Une photographie qui remonte aux alentours de 1963 sur laquelle on retrouve l’usine nouvellement bâtie à l’endroit actuel sur la montée de la Basse. Crédit : SHPS – Fonds La Voix, P027, S11, SS7, SSS5, D6
Ce dernier, né en 1963, ajoute que la fonderie était bien plus que le lieu de travail de son père, c’était son royaume. « C’était immense. On jouait à cache-cache avec mes cousins entre les moules et les convoyeurs. À l’époque, on n’avait pas la même notion de sécurité qu’aujourd’hui. On s’approchait du métal en fusion sans trop se poser de questions. C’était fascinant, presque magique. »
En 1983, après près de trente ans à la tête de l’entreprise, Yvan Laperle cède la fonderie à la compagnie Drolet. Au fil des décennies, l’entreprise passe entre les mains de différents groupes industriels, avant d’être finalement acquise par McWane Canada, qui en annonce la fermeture définitive en octobre 2024.
Aujourd’hui, en voyant les murs s’effondrer, Louis ressent un mélange de tristesse et d’apaisement. « Oui, c’est un deuil. Mais je ne suis pas amer. On vit une époque de grands bouleversements. Les entreprises familiales comme celle-là disparaissent, c’est vrai, mais il faut aussi laisser la place à autre chose. Le terrain sera décontaminé, d’autres projets verront le jour. Moi, je garde surtout les souvenirs, les rires, la chaleur du métal fondu et l’odeur du charbon », conclut Louis Laperle, d’un ton empreint de philosophie.

Photo : Gracieuseté de Normand Laperle
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