LE SORELTRACY MAGAZINE     *  Dernière mise à jour : lundi 20 juin 2011 13:31

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NÉCROLOGIE

NOUS JOINDRE


lundi 20 juin 2011
CLAUDE LÉVEILLÉE (1932-2011)
Mon ami, mon frère, mon père, mon compatriote
 

Re : Version originale intégrale du texte partiellement publié dans Le Devoir du 18 Juin 2011

Claude Léveillée est entré dans ma vie vers l'âge de six ou sept ans. Par les oreilles. Il n'est depuis lors jamais ressorti de mon esprit, de mon corps. De mon être tout entier. Depuis presque cinquante ans, maintenant.

Je n'ai jamais cessé, depuis cette époque, d'écouter, d'apprécier (de jouir même, par) - et par le même "canal" - les Brel, les Félix, les Vigneault, les Piaf, les Françoise (Hardy), les Ferré, Brassens, Ferland, Ferrat, Bécaud, Aznavour, ainsi que les Raymond Lévesque, Georges Dor, Clémence, Claude Gauthier, Pauline Julien, Jacques Michel, Sylvain Lelièvre, Stéphane Venne, Robert Charlebois et autres Paul Piché ou Beau Dommage. Et pardon, embrouillé par l'émotion, à/pour ceux que j'oublie pour l'instant.


Non, je n'ai jamais cessé.

Car la beauté, à l'image de la vérité (ou, pour le moins, de l'authenticité), n'a rien à voir avec les modes. Ni, en particulier, avec le diktat des goûts que celles-ci cherchent à imposer à tout un chacun par le biais de l'un des termes-instruments les plus vulgaires et les plus insidieux de la langue française, à savoir : le vocable « tendance ».

Je me nourris de l'Oeuvre chansonnière et instrumentale de Claude Léveillée, aujourd'hui encore, au même titre et habité de la même émotion que jadis... dans les années soixante, soixante-dix, quatre-vingts, quatre-vingt-dix, deux mille. Sans cesse. Je ne connus pour ainsi dire aucun « temps mort ». Jamais.

Oeuvre qui, de « Avec nos yeux » au « Rendez-Vous », par « Il n'y a pas de bout du monde » - immortelles collaborations avec le grand Gilles - ne se réduit pas, loin s'en faut, aux « Vieux pianos », à « Frédéric », aux « Amoureux de l'an 2000 », à « Emmène-moi au bout du monde », à « Par delà les âges », au « Cérémonial de l'amour », à « Que m'importe », à « Plus le temps passe », à « Elle tournera la terre », aux « Patriotes » et à « Mon Pays » (... toujours pas-encore, et qui n'en finit pas de ne jamais apparaître sur l'horizon de l'Espoir, de la Noblesse, de la Liberté), sans oublier son tendre « Je viendrai mourir... ». Et c'est là sans compter - de « Côte de sable » et « Poisson » à « Un retard » - les innombrables petis bijoux instrumentaux à savourer en permanence, demain comme hier, et aujourd'hui, à la manière de fins mets de gourmet.
 
Lesquelles oeuvres - ou enfants de l'imagination - ne constituent que les pointes d'iceberg de son génie créateur, quelque superbes que puissent être et demeurer ces pièces d'anthologie déclinées à l'instant. Et d'ailleurs devenues, au fil du temps, d'indestructibles briques d'acier de la Maison québécoise.

Aucun temps mort, en effet. Disais-je. Je l'affirme et le confirme. Le poing levé. L'autre sur le coeur.

Un Botticelli ou un Renoir, c'est magnifique.
À jamais. Ou pas du tout.
Rien à voir avec la dictature des faiseurs d'images. Ou de sons !

De vide surtout.
Pour emplir la bulle de monoxyde de carbone de l'instant.

Par nostalgie ? Non point.
Par amour de la Beauté. Simplement.
Intemporelle par définition.

Claude Léveillée était et reste l'un des grands des Arts du Québec. Et de la Francophonie mondiale. Il le demeurera. À jamais.

 

Comme Félix, Brel, Vigneault, Ferland, Ferré, Lelièvre ou Brassens.
 


Aussi est-ce encore un pan énorme de notre Histoire nationale qui s'écroule. Et ça fait mal. Très mal. Car notre époque (et ce, depuis plus d'une génération entière, sinon deux...) n'aura jamais su produire des gens de cette qualité, de cette beauté, de cette grandeur, de cette magnificence. De cette intemporalité.

Claude, ton départ me heurte, me blesse, me désarme, me tue, à la manière même de la « désertion » des Félix, des René Lévesque, des Pierre Bourgault, des Camille Laurin, des Falardeau, des Vadeboncoeur. Des Brel aussi.

Québécois, nous sommes un peuple d'orphelins.

Nous étions si beaux avec Vous.
Si beaux avec Toi, Claude.
Et si nuls sans Vous.

Et sans Toi.

Je t'embrasse comme un fils, Claude. Comme un compatriote de Février aussi, marchant vers l'Échafaud.

Du No Future.

Aussi avec André Gagnon, ton grand compagnon de la Musique, présent auprès de toi depuis quasi tes tout débuts, et également compositeur et interprète de première force (Ah !, parmi moult au fil des décennies, ce Projection de 1973 qui me turlute toujours dans la tête dessous mes gris cheveux raréfiés), je te dis à mon tour, Claude Léveillée :

« Je t'aurai tant aimé »...

Pour l'éternité.

 
 
 
       Jean-Luc Gouin,
 
Capitale nationale, le 18 Juin 2011,
Jour des obsèques (hélas non nationales) de Claude Léveillée à la Basilique Notre-Dame de Montréal, en Québécie
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