Le Mouvement DesJardins

Par le temps qui court, il n’y a pas que chez Fer et Titane où l’on utilise le mot Fusion, nous l’avons entendu, dans les commissions scolaires, dans les cités et villes et voilà maintenant que nos Caisses paspulaire font leur entrée dans la parade. En fait, à bien y penser, il n’y a que le gouvernement du Québec qui utilise le mot Séparation dans certaines circonstances !

Fusionner des tirelires qui se voulaient jadis indépendantes l’une de l’autre et qui seront régies par une seule administration.  Les grosses légumes Des Jardins s’unissent pour s’accaparer la Place du marché.  La Fédération deviendra-t-elle une ConFédération ?  L’idée en soit semble très intéressante, mais quelles seront les conséquences sur nous, les sociétaires à 5 $, possesseurs de bas de laine et ultra hypothéqués, auprès de cette multinationale québécoise ?

Réduction des coûts administratifs, meilleur rendement, diversité des services, pouvoir accru et ristournes substantielles, nous diront les bonzes de l’économie paspulaire qui ont jadis fait la guerre aux petits cochons des Grandes banques en leur reprochant leur frigidité et leur monopole.  Rappelons-nous simplement le vieil adage : « Nous voulons votre bien et nous l’aurons ». 

L’autre jour bien malgré moi, je me suis retrouvé tel un légume, en rang d’oignon au Mouvement DesJardins qui prenait l’allure d’Inertie, en ce matin de semaine. Une fois, n’est pas coutume me direz-vous !  Mais en cette journée pluvieuse, la seule vertu qui m’honore encore, a été durement mise à l’épreuve, quand j’ai dû patienter des longues minutes, avant de pouvoir me présenter au comptoir derrière lequel, je pourrais rencontrer un être humain.  J’ai pu prendre le temps de faire le tour du Jardin, en lisant toutes les brochures des services offerts et judicieusement placées dans les présentoirs.

J’écoutais bien malgré moi, les murmures de mécontentement des gens autour de moi.  Certains tenaient fermement entre leur main leur compte d’Hydro et d’autres leur livret de caisse pour une mise à jour.  Du coin de l’œil, je pouvais apercevoir ces robots cybernétiques virtuels ultra sensoriels interactifs, communément appelés : Guichet automatique, dont les processeurs attendaient froidement leurs clients.  De l’autre œil, je m’attardais aux réactions de ces valeureux mercenaires qui se trouvaient de l’autre côté de la barricade, constatant que les légumes poussaient à vue d’œil dans le jardin et que la plupart d’entre eux, pourraient trouver le bonheur en glissant simplement leur carte magnétique, dans la petite fente du Sain d’Esprit, donnant accès à leur compte.

Alphonse n’aurait certes pu, recevoir tous ces gens dans sa cuisine. Heureusement pour nous que notre passif transformé en actif par le Mou Vement, leur a permis d’agrandir la salle des pas perdus, pour faire face à leur virage ambulatoire des systèmes informatiques.

D’ailleurs, une rumeur circulait dans les rangs à l’effet que l’autre jour pendant l’heure du dîner, un individu serait mort étouffé, en mangeant son livret de caisse et un autre tomba par terre complètement déshydraté.  Le coroner sans toutefois blâmer qui que ce soit, recommanda fortement à l’institution d’ériger un kiosque pour vendre des beignes et du café et de recourir aux services d’Ambulance St-Jean, pour éviter de telles situations.

Une autre langue vipérine raconte qu’un individu grisonnant, sain de corps et d’esprit, en proie à une crise d’hystérie due à un manque d’oxygène, aurait brandi une arme de chasse et fait coucher par terre tous les navets sur place, avant de se présenter au comptoir et d’exiger l’encaissement de son chèque de prestation de vieillesse.  Sécur la voie officielle DesJardins, en matière de sécurité recommanda la mise en place d’un système d’apport d’oxygène supplémentaire en période de pointe et l’ajout de messages subliminaux pacifiques, à la cassette d’endoctrinement diffusée discrètement à répétition pour le bénéfice DesJardins.

Puis vient le moment tant attendu, je me présente au comptoir arborant mon plus beau sourire.  La caissière visiblement épuisée me dit en désignant un autre gadget électronique tout à côté de moi « Veuillez introduire votre carte et composez votre Nip »

« DesJardins vous offre maintenant votre signature électronique »

En bon prince, j’y introduis ma carte DesJardins.  Après quelques secondes, devant l’échec de la transaction elle me dit « Veuillez réessayer de nouveau ».

Pendant que j’exécute scrupuleusement ses instructions, en m’assurant d’insérer correctement ma carte, un sinistre individu à la mine patibulaire, émergeant du secteur conseil, interrompt ma valeureuse bouée de sauvetage, pour l’intimer à accomplir une transaction qui semblait beaucoup plus importante que la mienne.    Entre-temps, l’engin électronique m’affiche à nouveau « Transaction invalide ».

Je ressens derrière moi la pression de cette horde de gens qui me pendrait haut et court, s’il le pouvait.  Les gouttes de sueur perlent sur mon front, alors que j’informe la tenancière du tiroir-caisse que c’est la seule carte que je possède et que je veux tout simplement encaisser un chèque personnel de 50 $.

Son côté humanoïde réagit aussitôt « Avez-vous un compte ici, une marge de crédit, une hypothèque, un prêt personnel, un dépôt à terme et une assurance-vie-habitation-automobile ?

Malheureusement Non ! Lui dis-je timidement, je ne peux répondre à tous vos critères.

« Votre carte est démagnétisée ». (Ce n’est pas la seule qui a perdu son magnétisme, selon moi mais enfin...) « Veuillez vous adresser à l’accueil »

À maux couverts d’un long regard silencieux et sous les applaudissements de la légumineuse qui attendait derrière moi, je me dirige tête basse, à pas feutrés vers la côte magnétique.

Je lui exhibe ma carte et lui fait part de ma doléance.  Elle m’invite gentiment à m’asseoir en me disant que quelqu’un s’occuperait de moi.

Il semble que j’étais le seul ce matin-là que le magnétisme de sa carte avait déboussolé, puisque très rapidement je me suis retrouvé devant un autre comptoir jonché d’équipement électronique, où j’ai dû décliner mon identité avec diverses cartes à l’appui, répondre à de multiples questions et composer plusieurs fois mon code secret, avant de finalement acquérir ma nouvelle carte.

Je remercie cette charmante personne et lui fait part de mon désir d’encaisser le chèque de 50 $. Comme la file d’attente des Jardins d’Éden s’est allongée, elle me suggère de la suivre jusqu’au guichet automatique et me donne les consignes suivantes :

« Veuillez introduire votre carte »

En se retournant pudiquement comme l’infirmière à l’hôpital qui vous demande de revêtir une jaquette, elle poursuit en me disant :

« Veuillez composer votre NIP » et ainsi de suite jusqu’au dépôt de mon chèque.

Je n’avais que 24 $ dans mon compte avant la transaction, donc au moment de retirer un montant d’argent, la machine infernale refuse de me donner plus de 20 $ étant donné que ma cote de sécurité de petit épargnant est à 0 $ et que les fonds sont gelés pour quelques jours.

J’implore la dame de me rendre mon chèque, mais elle hausse les épaules en m’expliquant le fonctionnement de cette machine diabolique.

Je me retrouve donc sur le parvis de la Caisse avec 20 $ en poche, pour survivre jusqu’au dégel.  J’ai même eu le réflexe de retourner à l’intérieur, pour demander un prêt de 50 $, mais hélas je n’avais pas pris de rendez-vous.

Certes, la parodie est une grossière imitation d’une réalité à peine retouchée, mais son message tangible vaut parfois mieux qu’une intervention bâillonnée, au cours d’une assemblée générale de sociétaires.  Contrairement à la publicité télévisée, de fort mauvais goût, du Mouvement DesJardins, où tous les personnages portent un chapeau trois fois trop grand pour eux, celui-ci ne sied nécessairement pas à toutes les Caisses.  À vous de savoir... 

Cependant avec le temps, nous avons été amenés à adhérer et à utiliser la Carte DesJardins qui devait semblait-il, accélérer et améliorer le service.  Elle a certes des avantages indéniables, mais le contact personnel devrait toujours avoir sa place.  Les mentors du service de commercialisation ont vu juste, en nous gavant de friandises sans frais, axées sur l’utilisation de notre intimité financière plastifiée.  Mais comme rien n’est toujours gratuit en ce bas monde, portez attention maintenant aux frais reliés à vos transactions et renseignez-vous sur les forfaits offerts.  Ils sont éloquents.  Au cours de vos vacances annuelles, faites une visite à votre Caisse, pour vous rendre compte par vous-mêmes ou si vous avez mieux à faire, naviguez sur leur site Internet qui est en voie de devenir votre caissière fusionnée du futur.

Le Pendule

lependule@hotmail.com