Jeunes flammous et vieux debout ? *


Point d'ancrage  :  « Popularité montante de l'Action démocratique - Lettre à la génération de l'individualisme», par Suzanne et Pierre-André Julien, de Sainte-Angèle-de-Laval, Devoir du 11 juin 2002 ( http://ledevoir.com/2002/06/11/2864.html  )

En songeant aux Gaston Miron, aux Fernand Dumont, aux Pauline Julien, aux Jacques Brault,
aux Rosaire Morin, aux Raymond Lévesque, aux Félix Leclerc et autres Michel Chartrand

           Je m'interroge depuis quelques années à savoir s'il ne s'agit pas d'une 'nouveauté' absolue dans l'humanité. Je signale ici le phénomène selon lequel les Vieux (que les «rectitudateurs-politiques» me pardonnent ce substantif-épithète ignominieux) constitueraient désormais le creuset de la véritable jeunesse de notre société. Ainsi, en quelque sorte et par voie de conséquence, les vrais guerriers se reconnaîtraient à leur grise chevelure. Quoi qu'il en ait, le beau texte de Suzanne et Pierre-André Julien, publié dans Le Devoir du 11 courant, apporte certainement une eau fraîche et claire, détonante aussi, à ce moulin particulier des nobles filles et fils de l'Hidalgo de la Manche.  

Quand je me vois témoin d'un premier ministre qui se bat avec l'énergie du désespoir depuis trente ans pour construire un pays neuf, homme d'État qui a deux fois l'âge d'un autre chef de parti que l'on dit jeune mais qui réclame un moratoire sur la liberté (!) d'un peuple, eh bien, je regrette, la «croulance» se dandine alors sans conteste, à mes yeux, sur ces quelques dizaines de printemps qui semblent taris avant même d'avoir ne fût-ce que laissé entrevoir une quelconque ou hypothétique récolte.

Quand je vois giguer sur scène publique ce Gilles Vigneault septuagénaire, au verbe indéfectiblement franc et droit, toujours aussi convaincu de la nécessité de cette même liberté, et que je le situe ponctuellement, «juste pour rire» (jaune il est vrai), en miroir aux soi-disant jeunes députés Denis Coderre ou... Jean Charest, par exemple, eh bien derechef, et le regrette à nouveau, ce sont les puinés qui m'apparaissent - dans leurs têtes molles, sans projets et sans envergure - avoir trois fois les ans de l'énergique barde à la noble crinière.

Du changement ! s'écrie-t-on actuellement jusqu'à perdre haleine. Mais nom de nom! Du changement, est-ce le troc d'une caisse de bières pour une caisse vide? Ou de «bons d'études»...? Est-ce un noumène, une valeur-en-soi, sans égard au contenu??? La vraie jeunesse, car enfin c'est bien ce dont il s'agit, ne réside-t-elle pas plutôt, et d'abord, dans ce qu'il faut bien nommer la Volonté de liberté? Or, par-delà les âges, les générations et les nouvelles ou anciennes gueules - médiatisées peu, prou ou jusqu'à la surexposition -, il s'agit de s'interroger, chacun dans sa solitude citoyenne, à savoir où elle se niche, chez quelles femmes et quels hommes, cette fameuse volonté.

Volonté de liberté. Pour bâtir. Non pour moisir sur pied - sous couvert ou prétexte de visages peu connus tout joufflus et de sandales dernier cri.

Le Québec n'a pas besoin spécialement de vieux ou de jeunes. Il n'a rien à faire d'anciens ou de nouveaux visages. En outre, et en dernière analyse, il n'a cure d'un parti ou d'un autre. Qu'ils aient soixante-dix-neuf ou seize ans, qu'ils soient dans la bagarre depuis plus de quarante ans, à l'instar d'un Pierre Bourgault, ou qu'ils aient accès aux urnes pour la première fois à la faveur du prochain scrutin électoral, le Québec réclame avant tout des hommes et des femmes qui croient en lui. Profondément. Indéracinablement. C'est-à-dire, radicalement - à la racine.

Et qui sont prêts à se battre pour lui.

Un homme ...entre deux âges,
Jean-Luc Gouin

Petite-Rivière-Saint-François
13 juin 2002

* Flammous : Néo(.?.)logisme québécois issu de : « flancs mous ».


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vendredi 14 juin 2002