Morsure ardente


« Tenter de donner conscience à des hommes de la grandeur qu'ils ignorent en eux.»
André Malraux

Mot succinct d'un simple citoyen endeuillé.

Bien que j'aie été personnellement rude à l'égard du Premier ministre (dans plusieurs textes récents notamment), je n'ai jamais un seul instant cessé d'éprouver un respect quasi inconsidéré pour cet homme. Aussi je regrette, douloureusement, que monsieur Bouchard ne se soit pas convaincu lui-même qu'il était précisément l'une desdites conditions, sinon la condition sine qua non à la Libération du peuple québécois.

Attentiste déçu à l'égard des signaux susceptibles de stimuler et enfin d'enclencher à nouveau l'appareil référendaire (expression raffinée, ultime, de la Démocratie), et qui manifestement ne se matérialisaient pas, il semble que le chef du gouvernement québécois n'ait pas cru profondément à sa propre capacité motrice (inhérente à son immense crédibilité auprès de la nation, et au respect qu'il imposait à tous pour ainsi dire sans partage) à inspirer et à aiguillonner ­ voire à générer de lui-même, de par sa propre puissance de conviction ­ ces conditions improprement désignées comme «extérieures».

Je suis défait. Car si le Québec se déleste du meilleur des siens quant à la réalisation, nécessaire, du pays, que reste-t-il alors? Que nous reste-t-il ­ nous, espéreurs de pays et maçons dépossédés de leur architecte?

Je suis profondément triste. Aux larmes. Inconsolable même. À vrai dire, je suis en deuil.

Il ne me reste plus qu'un souhait à formuler à l'égard de notre citoyen patriote. Qu'il sache sans détour que nous l'estimions d'autant plus puissamment que nous ­ nous, parmi les présumé/es «purs et durs» de la Cause (comme si l'«impureté» et la «mollesse» constituaient des vertus) ­ le critiquions avec vigueur et conviction.

Seuls les êtres d'exception se révèlent dignes ­ morsure ardente ­ d'être aimés de pareille façon.

Jean-Luc Gouin
Courriel
Québec en Capitale
Vendredi le 11 janvier 2001


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