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Barberis-Gervais

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mardi 17 février 2015

Le radicalisme et l'amalgame selon Philippe Couillard
par Robert Barberis-Gervais

L'événement que constitue la publication dans le« Journal de Montréal», le vendredi 13 février, d'une lettre ouverte écrite conjointement par Bernard Drainville et Pierre Karl Péladeau nous a donné l'idée de rassembler certaines déclarations de Philippe Couillard sur le radicalisme en partant de l'hypothèse que cela sera révélateur. Avant d'aller plus loin, voici la référence à la lettre ouverte: Démocrates: lettre ouverte de Bernard Drainville et Pierre Karl Péladeau, 13 février, 2015, «Journal de Montréal».

Alec Castonguay le 23 mai 2014 a publié un article dans «L'Actualité».

"À la télé, la co-porte-parole de Québec solidaire, Françoise David, adresse un discours combatif à ses militants en ce soir d’élection du 7 avril. Vers la fin de son allocution, elle interpelle Philippe Couillard et demande qu’une charte de la laïcité rassembleuse soit adoptée. « On a quatre ans pour le faire », lance le chef de cabinet de Couillard, Jean-Louis Dufresne, debout à l’arrière de la petite suite du cinquième étage de l’hôtel du Jardin, à Saint-Félicien, au Lac-Saint-Jean, où est réunie la dizaine de proches collaborateurs du chef libéral.

« Non », le reprend immédiatement Philippe Couillard, avec un air grave qui surprend son équipe. « On va faire ça rapidement, dès le début du mandat. » Les résultats électoraux continuent de s’afficher à l’écran, que sa première décision de chef de gouvernement est déjà prise. (…)

Plus tôt dans la journée, lors d’un déplacement en voiture entre Saint-Félicien et Dolbeau-Mistassini, où il se rendait saluer ses bénévoles au local électoral, le chef libéral m’avait confié avoir souffert du débat sur la charte des valeurs et vouloir tourner la page. « Nous allons légiférer sur ce qui fait consensus. On va mettre des balises aux accommodements religieux, les services seront donnés et reçus à visage découvert, on va inscrire la neutralité religieuse de l’État dans la Charte des droits et lutter contre l’intégrisme. On va régler ce dossier une fois pour toutes ! »

Attentat à St-Jean-sur-Richelieu, 20 octobre 2014. Un militaire est mort; le suspect qui a été abattu s'était «radicalisé». Voici ce que le Premier ministre du Québec a déclaré:

« Ce genre de phénomène, s'il se confirmait, de radicalisme qui éclot spontanément, est très difficile à contrôler. Ça nous rappelle encore une fois que le Québec n'est pas une île séparée du reste du monde. Que ces phénomènes peuvent éventuellement nous toucher.»

Le 21 octobre 2014, attentat à Ottawa. Un militaire est tué. Lors d'une mêlée de presse à l'Assemblée nationale, Philippe Couillard a fait des commentaires publiés par Tommy Chouinard dans «La Presse».

«Le Québec n'est pas à l'abri de ce type de «menace», selon lui. Il a d'ailleurs rappelé qu'il déclarait récemment que le Québec «était potentiellement visé». La «radicalisation domestique» est «malheureusement la forme de terrorisme la plus difficile à détecter et à prévenir parce qu'il s'agit d'individus dont la motivation croît à l'écart des groupes et qui agissent de façon spontanée».

Le groupe armé État islamique: «Vous avez vu les communications qui viennent de ce groupe armé. Il appelle littéralement les gens à attaquer les représentants des forces militaires et policières dans nos pays. Alors, c'est malheureusement ce qui s'est produit», a affirmé M. Couillard. (…)

Cet attentat «peut avoir un lien» avec la décision d'Ottawa de se lancer dans la lutte contre l'EI, mais «foncièrement, c'est la haine de ces groupes envers la notion même de société démocratique qui est en jeu ici», a-t-il ajouté. Philippe Couillard appuie l'intervention militaire d'Ottawa contre l'EI, qui prend la forme de frappes aériennes pour l'instant.

Lors d'une marche en faveur de la liberté d'expression tenue dans le Vieux-Québec suite aux attentats de Charlie Hebdo, Martin Ouellet de la« Presse canadienne» le 11 janvier 2105 rapporte les propos de Philippe Couillard.

«Nous disons non au fanatisme, non à la violence aveugle, non à la violence inhumaine dont nous avons été témoins au cours des derniers jours, a lancé M. Couillard en point de presse après la marche. Oui à la liberté, oui à la société de droit démocratique qui affirme, ensemble aujourd'hui, qu'elle gagne par rapport à ces chevaliers de l'obscurantisme qui nous ont attaqués, qui ont attaqué le monde démocratique à Paris». (…)
Selon M. Couillard, la pire réplique à opposer à la terreur fanatique serait en effet de «retraiter dans la crainte» en sombrant dans l'autocensure.

«Si on faisait ça, on donnerait raison aux terroristes, a dit le premier ministre libéral. Il faut affirmer ces libertés et je voudrais rendre hommage aux quotidiens québécois qui la même journée, ont décidé de publier un exemple des dessins de Charlie Hebdo. C'est un geste important à poser et comme Québécois, je suis fier que nos journaux l'aient posé».
Depuis la tragédie, des voix s'élèvent au Québec pour exiger le dépôt d'un projet de loi sur la neutralité ou la laïcité de l'État. À ce sujet, le premier ministre est demeuré prudent, mettant la population en garde contre les «amalgames».

« Il ne faut surtout pas faire d’amalgame entre les deux sujets. D’ailleurs, la République française est un pays où les dispositions législatives sont, comme vous le savez, assez strictes et ça n’a pas empêché ces événements tragiques de se passer. Alors, c’est un problème qui va bien au-delà de ces questions et il faut justement éviter à tout prix de faire un lien entre la coexistence de notre communauté musulmane et de l’ensemble des Québécois et ces événements. Oui, on va agir, comme on l’a dit, à un moment où les esprits seront un peu à distance de ces événements-là pour justement éviter une autre conséquence tragique de ces événements qui seraient de glisser vers la stigmatisation ou l’exclusion d’une partie des Québécois. »

Sur Twitter, à 08:59, le 7 janvier 2015, Philippe Couillard avait écrit:
«Intolérable et inacceptable. Nous ne céderons jamais au terrorisme. Nos pensées accompagnent le peuple français.»


Bref retour en arrière. Le lundi 17 novembre 2014, Philippe Couillard rencontre des leaders musulmans. Il y avait pas mal d'intégristes dans le choix des participants ce qui est inquiétant quand on y pense. On dirait que Couillard se croit toujours en Arabie saoudite.

Sur le site de Radio-Canada, on lit:

Québec crée un groupe de travail réunissant ministres et leaders de communautés musulmanes pour contribuer à prévenir le phénomène de radicalisation, notamment chez les jeunes.

Soulignant que ce problème concerne tous les Québécois, Philippe Couillard a également dit apprécier que la communauté musulmane québécoise reconnaisse qu'elle a aussi des efforts à faire dans ses rangs sur « des concepts tournant autour de l'islam, des messages mal donnés ou mal transmis qui dévient la religion de son objectif premier qui est de favoriser les rapprochements et la fraternité entre les peuples ».

Le premier ministre a mis en garde les Québécois contre les méfaits de l'islamophobie qui est une autre forme de radicalisme qui nourrit à son tour le phénomène de radicalisation religieuse.

« Ne pas nous laisser piéger par deux extrémismes qui se nourrissent l'un et l'autre. D'un côté l'extrémisme religieux qui déforme la religion vers la violence aveugle, la radicalisation. De l'autre côté, celui de l'islamophobie et de l'intolérance. Chacun a besoin de l'autre pour exister. »

Le premier ministre avait aussi promis, avant son élection, une loi pour combattre la radicalisation religieuse, ce que son gouvernement n'a pas fait encore.»

Cet ensemble de déclarations permet de décrire la conception que Philippe Couillard se fait du radicalisme.

En guise d'introduction, rappelons sa promesse ferme de régler le problème posé par Fatima Houda-Pépin dans son projet de loi contre l'intégrisme. Le soir des élections du 7 avril, il a dit à Alex Castonguay: «on va inscrire la neutralité religieuse de l’État dans la Charte des droits et lutter contre l’intégrisme. On va régler ce dossier une fois pour toutes !»

Et la preuve qu'il s'agit d'intégrisme musulman nous est donnée par le contexte que voici. «Il dit avoir appris de l’épisode de l’ex-députée Fatima Houda-Pepin, qui a quitté le caucus libéral en janvier, après des semaines de tergiversations et de désaccords à propos de la position du PLQ sur la charte de la laïcité, position qu’elle jugeait trop molle.»

L'attentat de St-Jean, selon Couillard, c'est «un phénomène de radicalisme». L'attentat d'Ottawa. c'est de la «radicalisation domestique» et «une forme de terrorisme». Il y a un lien entre ces deux attentats et l'Etat islamique qui «appelle littéralement les gens à attaquer les représentants des forces militaires et policières dans nos pays». Cet attentat «peut avoir un lien» avec la décision d'Ottawa de se lancer dans la lutte contre l'EI, mais «foncièrement, c'est la haine de ces groupes envers la notion même de société démocratique qui est en jeu ici».

Les attentats contre les journalistes de Charlie Hebdo, c'est «du fanatisme, de la violence aveugle»: c'est une attaque «contre le monde démocratique». C'est de la «terreur fanatique» faite par «des terroristes». «C'est une forme de radicalisation religieuse.»

Les déclarations qu'il a faites lors de la marche pour la liberté d'expression nous apprennent qu'il comprend bien la notion d'amalgame. Ceux qui se servent des attentats pour lui demander de respecter sa promesse d'une loi sur la neutralité religieuse de l'Etat et sur la laïcité, il les met en garde contre les «amalgames».

« Il ne faut surtout pas faire d’amalgame entre les deux sujets. Il faut éviter à tout prix de faire un lien entre la coexistence de notre communauté musulmane et de l’ensemble des Québécois et ces événements. Oui, on va agir, comme on l’a dit, à un moment où les esprits seront un peu à distance de ces événements-là pour justement éviter une autre conséquence tragique de ces événements qui seraient de glisser vers la stigmatisation ou l’exclusion d’une partie des Québécois. »

En d'autres mots, il faut éviter de faire un lien entre la communauté musulmane du Québec et le terrorisme de St-Jean, d'Ottawa et de Charlie Hebdo qui est «un phénomène de radicalisme», qui est «de la radicalisation domestique». Si vous le faites, vous faites des amalgames, ce qui pour les intellectuels français, est le comble de la malhonnêteté intellectuelle.

Et bien les candidats à la direction du Parti québécois n'ont pas la chance de la communauté musulmane. Avec des adversaires politiques, Philippe Couillard se permet de faire de l'amalgame. En effet, selon Alexandre Robillard de «la Presse Canadienne», le 12 février 2015, Philippe Couillard a dit qu'avec PKP comme chef, le Parti québécois s'en va vers une élection référendaire. Robillard résume. «Selon M. Couillard, les aspirants à la direction du PQ, dont M. Péladeau, se livrent à une surenchère de radicalisme dans leur démarche vers la souveraineté. Lors d'un échange avec la presse parlementaire, le premier ministre a affirmé que M. Péladeau vient de préciser l'enjeu de la prochaine élection de 2018.

«C'est un concours entre les candidats pour savoir lequel est le plus radical pour la séparation du Québec,» a-t-il dit.»

Le mot «radical» que Philippe Couillard utilise constamment pour qualifier les attentats terroristes est ici utilisé pour qualifier le projet d'indépendance du Québec. C'est pour dénoncer cet amalgame que Bernard Drainville et Pierre Karl Péladeau ont publié leur lettre dans le Journal de Montréal. L'amalgame entre le radicalisme des actes terroristes et la communauté musulmane et la religion de l'Islam est interdit. Mais l'amalgame entre le radicalisme islamiste et l'option indépendantiste est permis. On revient à ce qu'il y avait de plus malhonnête, de plus démagogique, de plus intolérable chez Robert Bourassa soit sa tentative de nuire au parti démocratique de René Lévesque, le Parti québécois, en l'associant aux actions violentes du Front de libération du Québec.

C'est ce genre de tactique des tenants du Canada tel qu'il est et tel qu'il ne doit jamais changer qui pollue le débat sur l'avenir du Québec. Ces gens-là sont les mêmes dont les méthodes ont été dénoncées dans le livre de Robin Philpot: «Le référendum volé». Ils n'ont aucun fair play et aucun sens de l'éthique qui sont des exigences de la vie démocratique.

En campagne électorale, le médecin Philippe Couillard habitué à dominer dans sa salle d'opération a dit qu'il détestait le Parti québécois et les indépendantistes. Et bien qu'il sache que c'est réciproque. Nous détestons ce verbo-moteur qui répète les «lignes libérales» médiocres et méprisables qui sont indignes de la haute fonction de premier ministre du Québec qui doit parler au nom de tous les Québécois. Sous Jean Charest, les Québécois ont été obligés d'endurer beaucoup de corruption pour de l'argent. Mais il n'y a pas que la corruption par l'argent. La corruption du langage par Philippe Couillard est plus grave encore. Elle corrompt la démocratie.

«Honneur des hommes. Saint langage» a écrit Paul Valéry. Philippe Couillard vit dans le déshonneur.

Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
mardi 17 février 2015
barberis@videotron.ca

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