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NÉCROLOGIE

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Robert
Barberis-Gervais

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jeudi 23 janvier 2014

Les bizarreries de Richard Le Hir

par Robert Barberis-Gervais

Dans un article récent où il affirme la pertinence du Bloc québécois, Richard Le Hir annonce qu’il se présentera comme candidat du Bloc dans Papineau, le comté de Justin Trudeau, aux prochaines élections fédérales qui auront lieu à l’automne 2015. Après avoir été député et ministre, il affirme donc son intention de revenir à la politique.

En janvier 2012, à l’époque où il contestait Pauline Marois, il avait justifié ses analyses contre Claude Blanchet, le mari de Pauline Marois, à travers le dézonage agricole sur l’île Bizard, en disant qu’il voulait prévenir les attaques des fédéralistes et singulièrement de « La Presse » contre Pauline Marois. Attaquer Pauline Marois en passant par son mari Claude Blanchet, c’est une mode comme on vient de le voir à la Commission Charbonneau. Selon de l’écoute électronique, Jean Lavallée en conversation avec Michel Arseneault souhaitait qu’une pression soit faite sur Pauline Marois, chef de l’opposition, pour qu’elle s’oppose à la création d’une commission d’enquête sur l’industrie de la construction. Un « deal » aurait été fait avec Blanchet. Avec sa rigueur habituelle, Radio-Canada a transformé cela en « un deal avec le PQ ». Selon Isabelle Richer, le « deal » serait un investissement de 3 millions de la SOLIM dans Capital BLF, compagnie de Claude Blanchet dans l’immobilier. Tout le monde sait que l’opposition péquiste a demandé la commission d’enquête deux cent fois en trois ans. Mais revenons à notre sujet. Le 5 janvier 2012, Le Hir écrivait:

« Pauline Marois occupe une fonction stratégique pour les indépendantistes québécois. Nous avons tous beaucoup investi dans le Parti Québécois, et il ne faudrait pas qu’au moment où il deviendrait possible de passer enfin aux actes, le tapis nous glisse en dessous des pieds parce qu’un média quelconque, la grosse Presse par exemple, ressorte des vieilles affaires pour discréditer notre démarche. Vous savez fort bien qu’ils en seraient parfaitement capables et qu’ils ont en mains des dossiers complets sur tous ceux qui aspirent à des postes de commande au sein de notre mouvement, et même sur ceux qui n’ont pas de telles aspirations mais qui « occupent » de l’espace. Il est donc nettement préférable que nous fassions le ménage nous-mêmes. Et puis, il ne faudrait pas se résigner à accepter l’inacceptable parce que nos adversaires font bien pire."

Le propos paraît sincère et convaincant pourtant dans une partie de la philosophie qui s’appelle « la logique », ce serait un extraordinaire exemple à donner de sophisme : on attaque soi-même quelqu’un pour prévenir les attaques des adversaires... C’est une première bizarrerie.

Soyons sincère à notre tour, suivons son exemple et appliquons-lui le raisonnement qu’il a fait à l’époque où il souhaitait le départ de Pauline Marois (« Bye bye Pauline »…) et la traitait de « pusillanime », de « chochotte », de « pouliche de Desmarais » ou de quelqu’un qui dit des « niaiseries de garderie ». Comme vous voyez, il n’y allait pas de main morte. Il faut savoir que le mépris et la condescendance sont naturels à quiconque a un complexe de supériorité.

Faisons-nous historien et rapportons des faits.

En 2010, l'ex-avocat a participé sur Vigile, avec d’autres, à une tentative de putsch avec Bernard Landry et Gilles Duceppe en coulisse. Ils ont raté leur coup et Pauline Marois est première ministre du Québec. On se souvient des démissions, en juin 2011, de Louise Beaudoin, Lisette Lapointe, Pierre Curzi et Jean-Martin Aussant. On ne sait pas exactement quelle influence politique ont joué ces manoeuvres et ces démissions, mais ce qui est sûr, c’est que ça n’a pas aidé et que le résultat fut un gouvernement minoritaire.

Revenons en arrière et parlons de « vieilles affaires ». Richard Le Hir est connu pour son rôle négatif lors du référendum de 1995 comme responsable des études qui devaient rassurer la population puisqu’elles devaient démontrer que « nous avions pensé à tout ». Ce n’est pas aussi pire que l’affaire des Yvettes de Lise Payette en 1980 qui vient de nous être rappelée par un documentaire sur la féministe qui fut ministre dans le gouvernement de René Lévesque suite à la victoire du 15 novembre 1976. Mais ce n’est guère mieux.

Richard Le Hir est sorti de l’ombre comme président de l’Association des manufacturiers puis comme ministre responsable des études sur la souveraineté dans le gouvernement Parizeau dans le contexte du référendum de 1995. Tous les gens bien informés affirment que ce fut une grave erreur de Jacques Parizeau d’être allé le chercher dans le secteur privé et, pire encore, de l’avoir nommé ministre des études sur la souveraineté. Cette dernière fonction ne lui a pas réussi. L’expérience a été, il le dit lui-même à Antoine Robitaille du Devoir en octobre 2010 « énorme et difficile ». Les études devaient informer et rassurer la population et elles ne l’ont pas fait. Certains disaient même qu’à chaque fois que le ministre apparaissait à la télévision, le camp du OUI perdait des votes car il n’inspirait pas confiance.

Il a quitté ses fonctions de ministre dans le désordre et, conséquence de son échec, il a gardé une certaine animosité à l’égard des péquistes. On comprend qu’il n’aime pas qu’on y revienne mais il faut assumer son passé. Le fait est qu’il a attaqué le camp du OUI (voir « Pour en finir avec 1995 » publié en en mai 2005, où il compare bizarrement les assemblées régionales du comité du OUI à des tentatives de manipulation à la Goebbels à la grande satisfaction des adversaires de l’indépendance et du Parti québécois). Il a fait une profession de foi fédéraliste en 1998 devant les « Amis de Cité libre », cet antre du fédéralisme trudeauiste. Ces deux textes signés de Le Hir datés de 1998 et de 2005 facilement accessibles sur Internet font sûrement partie de ces dossiers dont il parlait sur ceux du mouvement indépendantiste qui aspirent à des postes de commande.

Le Hir a même offert ses services à Alliance Québec qui accusait le camp du OUI d’avoir annulé des votes dans les comtés anglophones, accusation qui a été rejetée par le juge Allan Gold. Rappelons que suite au référendum de 1995, le juge Gold a été saisi d’une enquête pour déterminer si des votes avaient été annulés frauduleusement là où le NON était majoritaire. Bien qu’il soit juif et anglophone, cette responsabilité lui a été offerte sur la base de son intégrité. L’accusation a été rejetée : il n’y avait pas eu plus de votes annulés lors du référendum de 1995 que d’habitude, à chaque élection.

Ce qui permet de redire que la thèse du référendum volé soutenue par Robin Philpot tient toujours et que c’est une erreur de soutenir le contraire comme Richard Le Hir l’a fait dans une entrevue à Antoine Robitaille, du Devoir : « 15 ans après le référendum toujours « rien de réglé » » (Le Devoir, 30 octobre 2010). On peut lire : « Richard Le Hir refuse la thèse du référendum volé. Chaque côté a triché : « J’ai l’impression que ça s’est annulé. » Il a corrigé plus tard cette affirmation en admettant que le camp du NON n’avait pas respecté les lois québécoises sur le financement comme l’existence d’Option Canada et les dépenses du Love In le prouvent. Ce vacillement est bizarre. Le livre de 205 pages de Robin Philpot publié en septembre 2005 ne rapporte pas « des impressions » mais des faits. C’est un exemple du manque de rigueur de l’ex-porte-parole des manufacturiers qui dit s’appuyer sur son expérience unique de ministre pour tenter de se présenter comme non-partisan mais qui, en fait, nie la réalité. 

Ce qui vient d’être résumé fait partie du passé trouble, controversé et pas du tout glorieux de Richard Le Hir ; ce qui vient d’être évoqué est strictement exact et documenté et exprime une perception largement répandue dans les milieux indépendantistes informés.

Ce passé autorise à se poser la question suivante : l’ex-avocat et ex-ministre était-il un joueur d’équipe dans le gouvernement Parizeau ? Ses critiques ne sont pas toutes futiles mais il vient un moment où il faut choisir son camp et, sans renoncer à sa liberté de pensée, ne pas faire le jeu de l’adversaire en adoptant son point de vue entre autres sur « l’argent et les votes ethniques ». 



Depuis quelques années, l’ex-politicien qualifié par euphémisme de maladroit par maints observateurs dont Michel David, publie des textes sur le site web Vigile.net. C’est là qu’il a publié l’essentiel de son livre sur Paul Desmarais et qu’il a annoncé sa candidature pour le Bloc.  

Il est utile de savoir que deux des articles de Le Hir ont dû être retirés de la Tribune libre de Vigile après une mise en demeure des avocats de Claude Blanchet, le mari de Pauline Marois. Le sujet des l’article : l’île Bizard, le dézonage agricole et autres aménités qui ont conduit à la construction du « château » récemment vendu. Les surtitres étaient : « Les Bizard-reries de Claude Blanchet (1 et 2). » Il sont datés du 4 janvier et du 12 janvier 2012 et ont été retirés le 13 janvier 2012 par Bernard Frappier, le webmestre et fondateur de Vigile. Le Hir reprenait des accusations déjà exprimées dans le journal The Gazette en les amplifiant. On sait que le litige s’est terminé par une entente hors cour et que The Gazette a dû verser une somme d’argent non divulguée au couple Blanchet-Marois pour avoir nui à sa réputation. Le 21 janvier 2012, Daniel Breton adhérait au Parti québécois et renforçait le leadership de Pauline Marois. Ne cherchez pas la réplique aux Bizard-reries (1 et 2) intitulée : « Vigile...dans la fosse à purin » du 7 janvier 2012 : elle a été enlevée des Archives de Vigile par une main mystérieuse et la direction actuelle de Vigile a refusé de remettre le texte dans les Archives. En 2009, 30% des terres arables de l'île Bizard étaient en friche. Alors on voit mal comment le dézonage d'un terrain lui-même en friche pour construire une maison a pu nuire çà l'agriculture sur l'île Bizard. Ce qui veut dire en clair que l'histoire de The Gazette reprise par le duo Le Hir-Cloutier était de la bullshit. Il faudra y penser deux fois avant d'essayer de nuire à Pauline Marois en passant par son mari Claude Blanchet.

Depuis ce temps, les élections du 4 septembre 2012 ont eu lieu et Pauline Marois est première ministre. Aux dernières nouvelles, après ce parcours controversé, Le Hir appuie le Parti québécois. Il ne s’est pas encore excusé de s’être trompé et d’avoir fait une erreur stratégique grave en essayant de débarquer Pauline Marois comme chef du Parti québécois. Parlant de Pauline Marois, son intervention rapide au lac Mégantic et son empathie pour les sinistrés lui ont valu l’éloge unanime des acteurs et des commentateurs politiques et un regain d’estime dans la population. Cette estime s’accroît à cause de la loi 60 qui donnera enfin au Québec une Charte de la laïcité. Le dernier sondage Léger Marketing le confirme. Pauline Marois et son équipe ne travaillent-ils pas actuellement, dans les conditions difficiles d’un gouvernement minoritaire, dans l’intérêt collectif des Québécois ! Certains de plus en plus nombreux pensent que tel est le cas, ce qui pourrait conduire à un gouvernement Marois majoritaire comme l’indique le gros titre du Journal de Montréal du lundi 20 janvier 2014 suite au dernier sondage.

Actuellement, Richard Le Hir a pris la place de Bernard Frappier qui est décédé en septembre 2012 et dirige le site Vigile.net. Il est apparu dans l’actualité par la publication de deux essais, l’un sur le financier Paul Desmarais récemment décédé, l’autre sur Charles Sirois, président de la banque CIBC et impliqué dans la fondation de la CAQ. Il est en train de préparer la publication d’un autre livre sur la Caisse de dépôt et placement et Henri-Paul Rousseau qui est passé directement de la Caisse à Power après une perte de dix milliards dans les PCAA. 
Un danger inhérent à sa méthode qui est utilisée dans son livre sur Paul Desmarais est une tendance à décrire des coupables par association. Par exemple, si Total ou Power sont impliqués dans Pétrolia pour l’exploitation du pétrole sur l’île Anticosti, c’est nécessairement mauvais. On doit se poser une question : est-ce que tous ceux qui sont dans le monde de la finance à la bourse, dans les banques ou dans les sociétés d’investissement comme Power sont des prédateurs ? Si oui, il s’agirait d’une critique radicale du capitalisme. Mais je doute que Richard Le Hir aille jusque là bien que son essai sur Paul Desmarais nous pousse vers cette conclusion extrême. Rappelons-nous l’éloge dithyrambique qu’il a fait de la nomination de Pierre-Karl Péladeau par Pauline Marois comme président du Conseil d’administration d’Hydro-Québec. A propos de l’intention de Richard Le Hir de se présenter pour le Bloc dans Papineau, pour moi, c’est la dernière de ses bizarreries. Si son intention se concrétise de revenir à la politique active, on ne s’ennuiera pas. On aimerait être certain qu’il a beaucoup appris de son passage désastreux dans le gouvernement Parizeau et de sa tentative ratée de déstabiliser Pauline Marois qui a répondu chez Mongrain en se référant aux Parizeau, Bouchard et Landry : « Moi, je ne démissionne pas ».

En 2005, dans son texte intitulé « Pour en finir avec le référendum de 1995 », Richard Le Hir écrit qu’il intervient « par souci de l’éthique ». Dans « les bizarreries de Richard Le Hir », je m’exprime moi aussi par « souci de l’éthique » et je combats ce qu’il appelle lui-même le manque de mémoire "qui transforme des gens intelligents en moutons et qui est un puissant incitatif à la la médiocrité »

M. Le Hir affirme aujourd’hui qu’il est indépendantiste. Que pense l’historien ? Il affirme ceci : après s’être dit souverainiste en 1995, anti-péquiste après ses déboires au gouvernement, fédéraliste en 1998, puis carrément hostile aux indépendantistes en 2005 et enfin, anti-Marois de 2010 à 2012, le voilà dans le camp du gouvernement Marois. Actuellement, ses écrits sont très critiques des fédéralistes  et sont utiles au mouvement indépendantiste. Il multiplie les attaques contre le chef du Parti libéral Philippe Couillard qui est allé en Arabie saoudite pour l’argent, qui est un ami d’Arthur Porter, qui est lâché par La Presse entre autres à cause de son choix de l’emplacement du CHUM, qui est incapable de défendre les intérêts du peuple québécois qui s’exprime dans la Charte de laïcité et qui, selon Fatima Houda-Pépiin, va perdre les prochaines élections. 

Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
jeudi 23 janvier 2014
barberis@videotron.ca

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