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jeudi 10 octobre 2013

DJEMILA ET DALILA

Par Roger Léger

Vous avez vu comme moi ces jeunes maghrébines à l’émission TLMEP de Radio-Canada, dimanche dernier, où l’on a abordé la grande question du projet d’une Charte des valeurs québécoises, dont on ne connaît pas encore tous les détails. On applaudissait à ceci, on applaudissait à cela.

Les applaudissements ne sont pas des raisons ou des arguments.

J'ai bien aimé quand Dalila affirmait que comme musulmane québécoise elle n'avait pas à porter le poids de tout ce qui se passe dans le monde.

Est-elle dangereuse quand elle dit qu'elle porte le voile depuis l’âge de 13 ans, dans une famille qui ne le portait pas? Et ce n'est pas pour des raisons religieuses ou politiques, mais par fantaisie personnelle qu’elle arbore ce voile qui lui va à merveille.

Ne cherchez point à gêner les cœurs et tous les cœurs seront à vous, disait le vieux Voltaire dans son Traité sur la Tolérance dont j'ai repris la lecture. Tolérons les fantaisies innocentes; ce n'est que lorsqu'elles deviennent dangereuses que le bras de la justice doit intervenir. Il faut appliquer le principe de la proportionnalité et celui de la prudence. Si vous voulez éduquer il ne faut pas brusquer, disait le grand Charles (pas Charlemagne mais de Gaule).

La police s'occupe des criminels factieux et l'école éclaire les esprits. Alors pourquoi tolérer le Cours d'éthique et de culture religieuse pendant que l'on veut créer un État laïque, maintenir le crucifix à l'Assemblée nationale alors que l'on veut affirmer la séparation de l'Église et de l'État, permettre aux élus de porter des signes religieux sous le faux prétexte d'avoir été le choix de la population lors d’une élection générale, mais refuser ce droit aux employés de l'État, instaurer un droit de retrait de cette charte des valeurs québécoises et penser qu'il ne sera que temporaire?

On n'est pas en Algérie, en Turquie ni en France. Le voile n’est pas taché de sang de ce côté-ci de l’Atlantique. Combien de jeunes filles vivent sous la menace et la contrainte et craignent pour leur vie, ici même au Québec. Sait-on combien de demandes d’excisions ont été faites au Québec alors qu’il y en a eu 5000 en Ontario ces dernières années? Comment protéger toutes les jeunes Shaffia du Québec ? Là, le « sang a coulé », il y a eu mort de femmes. Gouverner c'est prévoir et légiférer à partir de notre réalité qu'il faut connaître. Où sont les études préalables à cette démarche hâtive du Gouvernement ? Est-ce que le sophisme, l'illogisme, le populisme et le manque de courage et la pleutrerie seraient devenus des valeurs québécoises sous la houlette de Drainville et de Marois ? Ils n'ont pas eu le courage - comme les Libéraux ne l'ont pas eu non plus - de proposer d'enlever le crucifix de l'Assemblée nationale sous le faux prétexte encore, qu'il est un élément du patrimoine religieux québécois, alors que Duplessis l'y avait accroché en 1936 pour affirmer au monde entier l'indéfectible union de l'Église et de l'État. Et il faut se rappeler que ce geste de Duplessis ressemblait fort à celui de Franco à la même époque lorsque ce dernier prenait les armes pour l'imposer à l'Espagne. Il faut relire les journaux de l'époque.

M. Drainville prêche la laïcité de l'État québécois, mais maintient au salon de la race le symbole qui en est la négation.

Djemila, je T'AIME BIEN, IL FAUT ÊTRE FERME SUR LES PRINCIPES SANS DOUTE AUCUN, MAIS SOUPLE ET GÉNÉREUX ENVERS LES PERONNES DANS UNE SOCIÉTÉ DE DROITS OÙ LES LIBERTÉS SONT GARANTIES ET PROTÉGÉES PAR LES COURS DE JUSTICE. C'EST LE VIEUX CONFUCIUS QUI AFFIRMAIT IL Y A TRÈS LONGTEMPS DE CELA : NE FAITES PAS AUX AUTRES CE QUE VOUS NE VOULEZ PAS QU'ON VOUS FASSE À VOUS-MÊME. Faire aux autres comme à soi-même, est un grand principe confucéen.

Ne cherchez point à gêner les cœurs et tous les cœurs seront à vous, Djemila. Bien oui, Djemila, il y a les fanatiques, dont la police doit s'occuper, que les cours de justice doivent condamner, dont les cœurs peuvent être adoucis et les esprits, éclairés, dans une société tolérante qui enseigne et pratique « l’amour du prochain ». Il faut être bon envers les bons et bon aussi envers ceux qui ne le sont pas, disait le vieux Lao-tseu, car ainsi on obtient la bonté même; et c’est la plus grande des habilités. Tous les cœurs seront à vous.

La neutralité de l'État ne sera pas niée si Dalila porte son beau voile. Gouverner c'est prévoir et éduquer; la persuasion sera toujours supérieure à la coercition. Le même vieux Lao-tseu pensait que la souplesse était la compagne de la vie et la rigidité et la dureté, les compagnes de la mort. Tous les conservateurs ne sont pas des cons mais tous les cons sont des conservateurs, ai-je lu quelque part.

Que va-t-on proposer à la fin de cette comédie-tragédie ? L'opinion publique est prête, me semble-t-il, à accepter le retrait du crucifix de l'Assemblée nationale comme le rapport de la Commission Bouchard-Taylor l’avait d’ailleurs proposé; on va imaginer une période de transition, ce qui ne règlera pas le problème, tout Montréal ne va pas l'accepter, rien ne sera transitoire. Va-t-on concocter un droit acquis des employés de l'État pour les signes religieux, pour celles et ceux qui sont à l'emploi des écoles, des garderies et que sais-je encore? Vous voyez ça, des fonctionnaires qui auront des droits et d'autres pas?

Il nous faut une Charte de la laïcité avec des balises; on doit féliciter le Gouvernement pour sa volonté de doter le Québec d’une telle Charte. Mais pourquoi tant de contradictions et d’illogismes, et tant de rigidité inutile?

Il y aura des élections le 9 décembre, selon la rumeur. Et moi, je vais terminer la lecture du Traité sur la Tolérance de Voltaire

Roger Léger
30 septembre 2013

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