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mardi 05 février 2013

Quand Pauline Marois parle en anglais…en Écosse

par Robert Barberis-Gervais

J'ai enseigné deux ans dans le Theology Department du Loyola College (devenu Concordia University), en anglais, évidemment, dans les années 1966-68. J'ai donné un cours sur l'athéisme contemporain, Marx, Freud, Nietzsche, Sartre. Je peux écouter Hamlet au cinéma et comprendre ce qui se dit après en avoir lu la traduction d'André Gide.

Je n'ai donc rien contre la langue anglaise au contraire. Je considère comme une richesse d'être bilingue et même d'avoir l'italien dans l'oreille puisque j'ai vécu les quatre premières années de ma vie chez mes grands-parents italiens sur la rue Wolfe à Montréal.

Incidemment, les Jésuites n'ont pas renouvelé mon contrat malgré une "student evaluation" très favorable. Sans doute parce que j''étais "séparatiste". Peut- être ai-je fait l'erreur de demander en classe à mes élèves pourquoi y avait-il un drapeau de l'Angleterre (un Union Jack) dans la chapelle catholique des Jésuites du Loyola College. C'était sur le sujet des rapports entre politique et religion dans un cours sur la sécularisation.

Ma conjointe Marcelle Viger, quand elle était étudiante à l’Université de Montréal, est allée faire un stage à Vancouver en 1961-62, en diététique. Les livres qui étaient utilisés à l’Université française de Montréal dans sa discipline étaient en anglais. Elle a dû travailler pas mal fort. A Vancouver, elle parlait anglais avec « a charming accent », un accent charmant. Elle disait « retain », « obtain » dans un anglais livresque et un peu archaïque qui ravissait son entourage mais c’était quand même de l’anglais.

Ce n’est pas toujours le cas quand Pauline Marois essaie de parler anglais. On l’a vu quand elle a donné une entrevue à la BBC-Scotland. Trois exemples ont attiré notre attention. Voulant dire qu’en rencontrant le premier ministre de l’Ecosse, elle a voulu partager des expériences, elle a utilisé le mot « split » comme on le dit d’une danseuse du Moulin rouge quand elle fait la split, le grand écart, ou comme on dit de Moïse qu’il a « splitté » la Mer rouge en deux comme le raconte la Bible.

Voulant dire sa déception devant la défaite au référendum de 1995, elle a employé le mot anglais « deception » qui ne veut pas dire déception mais qui veut dire tentative de tromperie, fraude, supercherie, ce qui est pas mal trouvé mais involontaire pour parler du non-respect de la loi québécoise des référendums sur la limite des dépenses autorisées.

Enfin, elle a parlé de la "strange" identité des Écossais, l'étrange identité: elle voulait dire "strong", une identité forte. Ce n'est pas du tout la même chose.

Ça fait penser à ce que le poète Gaston Miron appelait « le traduidu ». Pauline Marois n’est pas bilingue comme l’étaient René Lévesque ou Claude Ryan ou comme l’est Jacques Parizeau. Et je ne crois pas qu’elle a un don pour les langues. Alors, dans sa tête, elle traduit du français à l’anglais. Cela donne « split » au lieu de « share » (un mot qui lui donne depuis toujours du fil à retordre) « partager » et cela donne « deception » au lieu de « disappointment ». Et elle prononce mal le mot "strong" ce qui donne "strange", "étrange".

Quand Pauline Marois parle anglais, elle est comme une acrobate du Cirque du soleil qui marche sur un fil. Or, contrairement à l’acrobate, elle tombe régulièrement du fil ce qui provoque le rire puis un malaise.

Ce que les Écossais ont dû rigoler ! Pauline Marois est la première ministre du Québec. Comment expliquer que malgré son anglais plus qu’approximatif elle continue à donner des entrevues en anglais. Dans l’esprit de la Grande allée, la rue célèbre de la ville de Québec, veut-elle se montrer ouverte ? Il me semble qu’elle fait preuve d’une grande naïveté et d’une candeur qu’il faudrait se forcer pour trouver charmantes. On aura beau dire avec bienveillance que son anglais s’améliore, aller faire du traduidu en Écosse, ça me semble politiquement contestable. Et au Québec aussi quand elle s’entête à répondre aux questions des journalistes anglophones (qui savent très bien le français, d’ailleurs) pendant les conférences de presse à l’Assemblée nationale contrevenant ainsi à la loi 101 qui proclame que le français est la langue commune et la langue de travail au Québec.

Le fabuliste Jean de La Fontaine a écrit :
Ne forçons point notre talent,
Nous ne ferions rien avec grâce
Jamais un lourdaud, quoiqu’il fasse
Ne saurait passer pour galant.

Jamais, je le crains, quoiqu’elle fasse, Pauline Marois ne saurait passer pour bilingue. Comme porte-parole de l’Etat du Québec qui proclame que le français est sa langue officielle, sa langue commune et sa langue de travail et qui aspire à l’indépendance comme elle aime à le répéter, elle devrait se concentrer sur le français et se faire accompagner d’un ou d’une traductrice là où c’est utile ou nécessaire. Et ainsi s’épargner le traumatisme d’avoir à marcher sur un fil, de trahir sa pensée ou de frôler le ridicule. Ce qui ne devrait pas être permis quand on est la première ministre du Québec. Je le dis sans agressivité et même de façon amicale dans son intérêt et dans l'intérêt du peuple qu'elle représente.

Robert Barberis-Gervais, 5 février 2013

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