vendredi 19 décembre 2008

Merci, la vie!

 

AVIS ou… AVEU : Cette p’tite tranche d’optimisme à deux sous flirtant dangereusement avec le cucul, oui! ce mien épanchement « youppe-di-laille » que vous allez vous farcir avec un appétit pas nécessairement pantagruélique, j’ai bien failli me laisser aller à l’intituler « Sexe extrême… »!?! Et cela, même s’il n’y est pas du tout question de bagatelle coquine. 

Pourquoi diable aurais-je usé d’une aussi vilaine tromperie? Mais pour aller chercher le max de lecteurs, c’t’affaire! Car mon p’tit doigt – ou plutôt mon index droit, le « cliqueur » – me dit que ces deux mots, sexe + extrême, lorsque soumis à un moteur de recherche genre Google, génèrent pas mal plus de réponses que les deux principaux mots constituant mon titre coté G (« pour toute la famille »), à savoir merci + vie. Pourtant, que je sache, sans vie, il ne saurait y avoir de sexe, ni soft ni hard… Qu’en dites-vous?  

Pensez ou passez vite à aut’ chose… et bonne lecture!

 

Ça y est! C’est fait! J’ai soixante ans, très bien comptés et, surtout, trop vite passés : merci, la vie! Pourtant, il me faut l’avouer, le matin même de mon anniversaire, je suis resté figé un long instant devant le lavabo de la salle de bains, me demandant si je devais vouvoyer ce bonhomme dont l’image inversée m’était renvoyée sans ménagement par une glace pas très indulgente. J’étais, ma foi, intimidé – apeuré presque – par ce reflet de sexagénaire à la barbe 98 % sel et 2 % poivre blanc… 

Bien sûr, quand votre « sexagénat » s’amorce le jour de la fête du Travail, alors que vous êtes un tout récent retraité-malgré-soi, vous saisissez vraiment le sens profond du mot ironie, en même temps que vous en mesurez l’incroyable portée. Mais cela n’a pas à faire ombrage à tout le reste : la vie, mon vieux! 

Pour s’encourager, ou s’autojeter de la poudre aux yeux, on peut toujours se dire que, dans le mot de « sexagénie », il y a sexe et génie. C’est peut-être vrai – et même vérifiable – pour certains, plus « gâtés par la nature » que d’autres, mais ces boutades de vieux mononc’, ça ne fait rire personne. 

L’œil pas trop clair et le pied un peu moins agile, c’est néanmoins allègrement que j’entame ma quatrième et ultime tranche de vie de 20 ans digne d’être qualifiée de « vraiment active ». En optimiste tout ce qu’il y a de plus occasionnel, je ne dirai point que le verre est aux trois quarts vide, mais plutôt qu’il me reste un bon quart à écluser, de préférence en agréable compagnie! Donc, j’ai bon pied, mauvais œil (à cause d’une ô combien héréditaire, dégénérative et irréversible rétinite pigmentaire, chiante réalité avec laquelle je compose plutôt bien que mal… pour l’instant : j’arrive encore à me débrouiller seul presque partout, et fort bien! – merci, la vie!), j’ai bon pied, mauvais œil, disais-je, et continue de cheminer avec plaisir dans l’étroit sentier que je me trace dans l’existence. 

Curieux, tout de même, de constater que, selon la langue française, on descend toujours plus bas (« dans le 36e dessous ») qu’on ne monte (« au septième ciel »)… Curieux, oui, et un brin déprimant, non? Faut lutter contre ça, et c’est ce à quoi, personnellement je m’emploie, jour après jour… après jour. 

Bien qu’elle soit un brin en porte-à-faux, puisse cette modeste intervention de ma part ne point tomber à plat dans l’océan d’indifférence où l’on envoie surnager les « vieux », cette grise armada mal équipée dont je m’apprête à grossir les rangs, un peu à reculons, je l’avoue! 

En tout cas, malgré mon handicap visuel et quelques autres faiblesses somme toute bien humaines, malgré les écueils et le naufrage final que me laisse appréhender ma jeune vieillesse, QUEL HEUREUX GAGNANT JE SUIS À LA LOTERIE DE LA VIE!!! 

En effet, j’eusse pu naître punaise de lit ou rat d’égout… et n’inspirer que dégoût aux races soi-disant supérieures parce que bipèdes. Ou encore me retrouver gazelle fringante… et trop vite finir sous les crocs d’une vraie lionne sévissant, celle-là, ailleurs que sur les hauts plateaux… de Radio-Canada. 

Oui, m’sieu-dame, j’eusse pu voir le jour de milliards d’autres façons, dans une foultitude d’environnements hostiles, sous des cieux pas mal moins cléments… Ouais! j’aurais pu naître… 

… « manne » éphémère, et finir engloutie par une mouette dans les 24 heures… 

… tortue marine, pour me faire gober « tout rond » à mi-chemin du périlleux parcours entre mon lieu d’éclosion et la mer… 

faux golden retriever dans une usine à chiots, pour être arraché à ma vraie mère, tout efflanquée, un mois trop tôt… 

… petite chatte S.D.F., « sans foie ni laine » (l’équivalent de « sans feu ni lieu » pour un humain), contrainte de mettre bas sa portée sous une « galerie », en plein hiver, par moins 40º, Fahrenheit ou Celsius (il faut savoir que c’est à ce niveau de « frette noir », tout au bas du thermomètre, que finissent par se rejoindre les deux échelles de mesure de la température! Ça ne vous réchauffe pas le cœur d’apprendre ça?)… 

… voué, comme des milliards d’autres poulets et porcs sur terre, à une caricature d’existence, étant privé de la lumière du jour et de l’espace minimal pour pouvoir bouger tant soit peu ou simplement me retourner sur moi-même, depuis mes toutes premières respirations jusqu’à mon transport à l’abattoir… 

… morveux indésiré dans un quartier ultradéfavorisé, sans bon docteur Julien pour me récupérer au détour d’une ruelle sale et encombrée de détritus… 

… libre-penseur dans un pays avec trop de foi et de lois, pour me voir condamner à croupir à perpète entre quatre murs humides, le corps meurtri par les touchers torture et le cœur frigorifié par l’absence de touchers caresse… 

… simple citoyen dans une contrée moyen-orientale où le Bush-à-Horreur s’est substitué au bouche-à-oreille… 

… et, tant qu’à faire, fils d’ancien Premier ministre, con comme trois balais mis bout à bout… et disposer néanmoins, grâce à ma notoriété héritée, d’une vitrine aussi grande qu’imméritée… 

… Enfin, j’eusse pu voir le jour en 1812, petit paysan tranquille et sans histoire, et n’être même plus l’ombre d’un souvenir pour personne…  

Le vrai moi, dans sa vraie vie, n’est peut-être lui aussi qu’un pauvre mortel, un représentant plus ou moins digne de l’homo sapiens, mais, et c’est cela qui compte, il respire encore, s’accrochant résolument à cette chance merveilleuse qu’il a de pouvoir mordiller dans la vie avec les dents qu’il lui reste! 

Ah pis encore, j’y pense… Le tout nouveau sexagénaire que je suis – comme le prince Charles, tiens donc! – eût pu naître en Grande-Bretagne, prince de Galles en puissance, oubedon – à l’autre bout du spectre – Cockney galeux en impuissance, l’une situation n’étant pas, à y bien penser, plus enviable que l’autre. 

Être vieux – disons « moins jeune » pour ne pas heurter les susceptibilités –, être moins jeune, donc, c’est se retrouver avec des sens émoussés, mais aussi avec des sentiments exacerbés, à fleur de peau et d’âme, des sentiments qui ont le temps de macérer dans une enveloppe moins sollicitée, dans un cœur liquéfié par de solides peines et des joies incommensurables. 

Je dis merci à la vie plutôt qu’à un Être suprême. Croire en Dieu? Je n’ai las point cette chance insigne et aveugle, indécrottable agnostique que je suis. Ah… Dieu! Pour moi, Dieu est une notion plutôt noble, salement pervertie par l’homme au fil des siècles et au gré des croyances. Point final! 

Merci, la vie! Quand un type atteint les soixante piges, qu’il entre de plain-pied – fût-ce d’un pied hésitant – dans la « sexagénie », il convient de ne point parler de bourrelets, ni même de « poignées d’amour », pour décrire les confortables capitons qui lui garnissent la région médiane du corps. En effet, il s’agit plutôt de se convaincre que ce sont là muscles commodément recyclés en réserves de glycogène, réserves susceptibles de se révéler salvatrices tout plein en cas de coup dur, genre maladie tenace et vorace. 

Merci quand même, la vie! À cause de ma fichue rétinite, qui réduit les paysages en bouts de tunnel, je n’ai jamais eu le bonheur de conduire un « char »! Or, dans toute l’histoire de l’humanité, combien de personnes ont déjà pris le volant d’un véhicule automobile? Pourcentage infinitésimal, car on ne conduit que depuis un peu plus de cent ans seulement! Et, d’ailleurs, un Jacques Bertrand, animateur radiocanadien parfaitement valide sur le plan visuel, lui, ne s’est jamais assis derrière un volant, et il ne semble pas s’en porter plus mal, au contraire! 

Merci, la vie! Chez les jeunes « peaux » frais émergées de l’adolescence, tendresse et tendreté sont souvent, hélas! inversement proportionnelles l’une à l’autre. Heureusement, les ans finissent par arranger, redresser ou égaliser les choses, corrigeant cette juvénile « imperfection » mieux qu’aucun scalpel. En effet, chez les vieilles et les vieux, dont la tendreté de l’épiderme flétri et relâché a, depuis lurette déjà belle, cessé de rimer avec fermeté, oui, chez les aînés (les « zênés », comme dirait un zozoteur pour parler des timides), on compense tout naturellement l’inéluctable amollissement de la carcasse par une puissante tendresse du cœur; « entécas », c’est ce qu’on s’efforce de croire… ou de faire croire!  

Whoa back, son père! me v’là mûr pour une bonne bière bien froide! Le thé chaud peut encore attendre, ma vieille… 

Merci, la vie! Je parle de cette vie vécue en accéléré, cette vie que l’on s’efforce parfois de repasser au ralenti dans sa tête, par la mémoire, et en boucle dans son cœur, par les tripes. 

Merci, la vie! Merci de m’avoir fait… intelligent. Intelligent?!? Vraiment? Disons que je le suis « assez » – dans le sens de « pas trop » –, juste ce qu’il faut, quoi, pour pouvoir fonctionner à peu près normalement en société. 

Merci, la vie! En passant, pour le sexe extrême, faudra repasser, mon vieux…

Jean-Paul Lanouette

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