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samedi 12 mars 2005

La télé, ça s'écoute… aussi

Dans les salons littéralement branchés, on ne parle plus que de « haute définition numérique », que d'écrans panoramiques format 16:9, style cinéma… Et le contenu, lui?! N'est-il point en train de se voir proprement évacuer au profit d'un contenant désormais ultramince et… ultraplat (lui aussi[1])?

« T'as de belles oreilles, tu sais... » 

À l'heure où Sony, Toshiba, Samsung et consorts déploient des trésors de « luminosité » pour mettre au point, puis nous vendre à prix fort des images télévisuelles plus vraies et, ma foi, quasi aussi grandes que nature – images à côté desquelles le petit « rectangle allumé » de nos boîtes 4:3 de 27 pouces semble devenu tout à coup bien terne, voire un peu flou –, il y sûrement lieu de s'interroger sur la valeur de notre télévision, côté contenu, non? N'est-on point fondé, en effet, à se demander si ce fameux contenu, par sa qualité, par sa profondeur, justifie à lui seul la réalisation de telles prouesses sur le plan technique? Poser la question, n'est-ce point y avoir déjà répondu?  

 Toutes ces merveilles à cristaux liquides ou au plasma (plasma?!? – quiconque a une compréhension pratique de la notion de « fin de mois » se doute d'emblée qu'il devra se saigner aux quatre veines pour se payer un tel joujou), tous ces miroirs aux alouettes, disais-je, qu'on agite devant nos yeux écarquillés au max sont censés rendre déjà obsolètes, ou presque, les appareils coûteux – mais bêtement analogiques, plutôt que numériques COMME IL SE DOIT – qui trônent orgueilleusement dans le living… depuis quelques années à peine. Or, voyez-vous, il se trouve que le renouvellement ainsi annoncé du parc de téléviseurs et de tout le « gréement d'accompagnement » (magnétoscopes, lecteurs DVD, etc.) ne me sourit guère, d'autant moins que les émissions au menu font de plus en plus dans le médiocre, « t'sais veux dire ». Une coquille sans contenu, si brillante soit-elle, reste une coquille vide… qui nous laisse sur notre faim.  

Le vide sur grand écran… 

Par la magie déjà dépassée du câble, je suis relié à une quarantaine de « postes » ou chaînes, dont la moitié à peine sont parfois « regardables », c'est-à-dire dignes d'échapper au zapping systématique. Pourquoi diable continuerais-je de suivre la « parade  technologique », alors que j'ai peine à trouver quoi que ce soit d'enrichissant ou de simplement « intéressant » dans le télé-horaire, volumineux répertoire regorgeant d'émissions douleur? Ne parlons même pas de toute cette téléréalité insipide qui tapisse la programmation quasi « mur-à-mur », et que je refuse de me taper – quand le reflet est plus fidèle que l'original et me renvoie l'image trop nette d'une tribu de « chromés » et autres m'as-tu-vu pathétiques dont les ânonnements et borborygmes sont à prendre au premier degré, je décroche. Point à la ligne. 

En un mot comme en mille images, cet étalage monocorde et monochrome qu'on nous propose ad nauseam, ça m'incite étrangement à remonter du sous-sol la p'tite 12 pouces noir et blanc tout empoussiérée et « fil-d'araignée-isée »… bien davantage, en tout cas, qu'à passer au mirifique numérique, qui me promet : image couleur grand format claire et nette (pas l'ombre de la queue d'un flocon de neige!), son stéréo plus saisissant qu'« en vrai », capable de vous isoler le vrombissement d'une mouche égarée dans ce monde du silence religieux qu'est tout terrain de golf arpenté par le Tigre-des-bois (Tiger Woods), « artiste à casquette » suivi de son incontournable meute d'adorateurs. La vraie vie, quoi!... mais avec d'la pub, et en masse! Car, il ne faut pas l'oublier, nous v'là rendus dans le 46:14 – non! c'est pas une dimension d'écran, mais la proportion émission / pub que vient finalement d'autoriser le CRTC : 14 belles grosses minutes d'annonces par heure… Ayoye!!! 

Ouais! tout ça me file non pas le cafard, mais l'envie de me « décâbler » et de me mettre illico (rien à voir avec l'option du même nom – illico avec un i « commercial » – offerte par Vidéotron)… de me mettre en quête d'ancestrales « oreilles de lapin » qui ne manqueront pas de remettre un peu de neige dans mon écran, un peu de friture dans mes haut-parleurs stéréo et, qui sait, un peu de la satisfaction de mon regretté père sur mon visage, cette satisfaction qui irradiait « jadis » de sa personne quand il avait enfin réussi, ou à peu près, à stabiliser l'image dédoublée et souvent déformée… On prend son plaisir où l'on peut, pas vrai?

Qui donc osera décréter in la petite boîte à images, et out le maxi-écran d'à peine trois pouces d'épaisseur? À quand, messieurs-dames, une « mode raisonnable »? Hélas! tant que la juxtaposition de ces deux mots – mode et raisonnable – sera perçue comme un oxymoron[2] de la plus belle eau, il n'y a pas d'espoir possible! Et pourtant…

 « Ben voyons, chose! Faut pas aller cont' le progrès!» me fera-t-on valoir. Après les outremangeurs, voici donc les outreconsommateurs, tout aussi insatiables!

Désolé, mais la technologie à elle seule, fût-elle de pointe, ne saurait meubler le vide, encore moins lui conférer de la substance, et cela, si grands et si « performants » que soient les écrans dernier cri. Alors, s'il vous plaît, moins de look, plus de feeling… Devant mon bon vieux tube cathodique, je ne suis pas qu'en mode « regarde » : j'ai aussi un mode « écoute », vous savez!

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[1] C'est spécial, non? Émission ultraplate sur écran ultraplat…

[2] Un oxymoron, c'est ce qu'on « commet » en alliant deux mots de sens contradictoires –  comme jeune vieillard – « pour leur donner plus de force expressive », nous apprend Le Petit Robert.

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