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vendredi 21 mai 2004

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« Coupez! »

        Je ne sais pas si c'est parce que je vieillis ou quoi, mais disons que de récentes images de « mon » Téléjournal m'ont rappelé que je ne suis pas blindé, loin s'en faut! 

 Je l'avoue : ces derniers temps, ma tolérance à l'horreur s'est vu éprouver au-delà de la zone dite de confort (il serait sans doute plus juste de parler de zone d'habitude, non?). Après tant d'années à me farcir plus ou moins consciemment le ciboulot d'images toutes plus « graphiques » (lire explicites) les unes que les autres – de l'Holocauste à l'Irak, en passant par le Vietnam, sans oublier l'incontournable Hollywood –, je me croyais bien à l'abri derrière la façade de mon écran de télé. 

Ça, c'était jusqu'à ce qu'on me « garroche » à la face des carcasses calcinées, puis, quelque temps plus tard, une exécution ku-klux-klanesque, le tout entrecoupé de photos-à-la-une où l'on voit l'homme (et même sa fiancée, comme dirait Foglia) se ravaler lui-même au rang de la bête – dans certains cas, on l'a vu, l'animal n'était pas celui qui se trouve à l'extrémité sud de la laisse… Y'a pas à dire, ces manifestations d'« hommerie » dont on me martèle les prunelles sans ménagement ces jours-ci témoignent on ne peut mieux de « l'insoutenable lourdeur de l'être ». 

Tout bien considéré, j'aime cent fois mieux me laisser surprendre par une parcelle de mamelle accidentellement (?) dévoilée en plein « Super Boule », pas vous?! 

J'ai la désagréable impression qu'on en donne plus que le client n'en demande. La quotidienneté de l'horreur à la télé et dans nos journaux ne risque-t-elle point, en fin d'émission, de faire de nous des zombies, c'est-à-dire des citoyens blasés jusqu'à l'os, que dis-je? jusqu'à l'âme? 

Que m'apporte-t-on vraiment en me montrant tout sans restriction? De quelle résistance veut-on repousser les limites? Craindrait-on que toute retenue ne vienne frustrer l'incurable voyeur qui sommeille en moi d'un seul œil? 

        Moi, vous savez, quand il est question de l'intolérable ou du full choquant, je sais me contenter des mots. En effet, si Bernard (Derome) m'en parle en me regardant droit dans les yeux, ça me suffit : pas besoin de le constater de visu. Est-ce faire l'autruche que de vouloir décrocher d'une escalade d'images qui conduit tout droit à l'« enfer sur terre »? Vivement le sevrage, donc : je n'en perdrai aucunement mon sens critique, soyez-en assurés, chers communicateurs « à tout prix ». 

        J'en ai plus que marre de ce cinéma « réalité » qui, à l'image des émissions de télé du même nom, ne me fait aucunement « grandir » et favorise plus les discussions de brasserie que la vraie réflexion! Aussi, est-ce sans la moindre retenue que je me permets de crier : « Coupez! » – on voudra bien excuser, ici, la cruelle ironie dont je fais involontairement preuve par mon choix de terme… 

        Une image vaut mille mots, vous dites? Envoyez les mots, je préfère, du moins par les temps qui croulent.

 
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