« En passant... » --- Textes de Jean-Paul Lanouette

« Touche pas à mon redneck! »

« La bête et le... bête »

         Ainsi donc, la CBC, soucieuse de ménager la chèvre et le chou, c'est-à-dire de préserver ses sacro-saintes cotes d'écoute tout en déplaisant au moins grand nombre de Canadians et de Canadiens possible, la CBC, dis-je, a décidé d'imposer le bâillon à son gueulard vedette, l'inénarrable Don Cherry. Précisons tout de suite qu'il s'agit cependant d'un bâillon d'un type très particulier, que l'on pourrait presque qualifier de « bâillon de Damoclès », en ce sens qu'il sera maintenu à une distance de sept secondes de l'organe de l'analyste : rien, quoi, pour l'empêcher de respirer ni de déconner sur un mode jugé « acceptable » par quelque censeur occulte.

Or, la censure – d'autres, tel le sieur Foglia, de La Presse, l'ont déjà exprimé ou expliqué plus expertement que je ne saurais le faire – est un poison insidieux qui touche, puis infecte tout le monde et sa sœur. Or, quand le remède se révèle plus drastique, plus délétère que le « mal », il vaut mieux s'abstenir de le prescrire et, a fortiori, de l'utiliser, non? 

Le col en celluloïd versus l'appa siliconé : triomphe de l'artifice ou de la bêtise? 

Entre le téton à Janet Jackson et les calembredaines fielleuses de l'ami Don, il y a à la fois tout un monde de différence et une absence totale de… différences. En effet, si n'importe quel sein – fût-il « embijouté » d'un soleil métallique comme celui de la p'tite sœur de Michael – sera certes toujours infiniment plus attirant et, n'en déplaise aux sépulcres blanchis, plus « télégénique » que les amygdales d'un analyste de hockey aux cols de chemise surdimensionnés, il reste que nous avons affaire, en l'occurrence, à deux bêtes[1] médiatiques en quête maladive de visibilité. Dans l'un et l'autre cas : n'importe quoi pour attirer l'attention, pour faire réagir, pour faire parler de soi! Et, on l'a vu, ça marche! 

Hélas! la réaction de la CBC, non point aux propos de « sa » grande gueule nationale, mais aux plaintes suscités par lesdits propos, est tout aussi risible, voire aussi pathétique que celle de CBS et de la NFL au tollé empreint de pudibonderie soulevé par la portion de mamelle découverte à la mi-temps de la « Super Boule ». Ça sent le politically correct et la sainte hypocrisie à plein pif! En un mot comme en mille, j'aime pas, mais alors là, pas du tout! 

Non mais, personne n'a remarqué que Don Cherry est un clone de clown plus vrai que nature? Pour une fois que l'habit fait le moine! Merde, depuis quand censure-t-on les caricatures? Au secours! Chapleau. 

Moi, les bouffons m'ont toujours fait rire, même quand ils me traitent de Frog ou de « pissou » à visière a mari usque ad mare (d'un étang à l'autre). Suffit de savoir de qui ça vient. Ce qu'ils font ou disent, j'ai pour principe de ne jamais le « prendre pour du cash ». Le festival Juste pour rire, lui, ne subira jamais l'odieux du bâillon, pas même à retardement; en effet, on ne laisserait pas faire ça, et avec raison! Alors, si l'on choisit de garder le beau Don à bord, qu'on lui permette de s'exprimer ouvertement, « pas attaché », comme il l'a toujours fait, sans laisser à personne le soin ni la possibilité de charcuter sa substantifique prose ou de lui retirer de la bouche ce pied énorme qu'il s'entête à y enfoncer artistement! 

Un baromètre, oui messieurs-dames! 

Tolérance, compassion ou empathie de ma part? Nenni! Plutôt vif intérêt pour la chose sociologique, sain et légitime désir de savoir, de mieux connaître mon dissemblable. C'est pourquoi je m'oppose avec vigueur à ce qu'on trafique de quelque façon ce parfait baromètre qu'est Cherry, baromètre sinon des états d'âme profonds de l'autre Solitude qui sévit de part et d'autre de mon p'tit monde, du moins de ses humeurs cachées ou honteuses. « Montre-moi un peu ce qui te fait rigoler, et j'aurai une sacrée bonne idée de ce que tu penses. » Aussi, cause toujours, cher Don : je t'écoute attentivement, que dis-je? religieusement… 

On aura compris, j'espère, qu'infliger un différé de sept secondes à un bipède drôlement habillé[2] qu'on autorise à s'ébrouer sur les ondes, c'est en quelque sorte décocher à Dame Liberté un direct sur la margoulette. Vous savez, j'aime bien pouvoir juger par moi-même de ce qui est « épais même dans le plus mince » : pas besoin d'un censeur de la CBC pour ça… De toute façon, je le répète, la censure, c'est toujours une mauvaise idée. Les imbéciles télévisuels, c'est leur accorder trop d'importance que de filtrer leur prestation verbale, généralement plus haute en décibels qu'en couleur. « Mon gugusse à carreaux du Coach's Corner[3], c'est pas touche! O. K. là? » 

À part le fric, qu'est-ce que ça te donne, Ron? 

En passant et en terminant, Ron MacLean, vous savez ce dadais surpayé pour agir (ou subir?) comme faire-valoir auprès de l'ineffable Don, eh bien! j'en profite pour préciser qu'il me pompe l'air mille fois plus que l'empesé du col, le Ron, même s'il ne dit rien de choquant, lui. En fait, s'il me hérisse à ce point, c'est peut-être parce qu'en définitive il ne dit rien qui vaille, se contentant d'empocher l'oseille après avoir téteusement relancé l'aut' « zouf » pour lui permettre de cracher son venin urbi et orbi

[1] À prendre ici au sens bassement « animal » du terme.
[2] « Des goûts et des couleurs, il ne faut pas disputer », ne manqueront point de répliquer « les ceusses » qui, comme Don, se fringuent chez Moores
[3] C'est là le nom de la capsule indigeste servie par Don « la cerise » Cherry, et cela, dans le cadre de l'émission Hockey Night in Canada.

Jean-Paul Lanouette
jplanouette@sympatico.ca

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