« En passant... »

Une page d'accueil pas très invitante

 Je suis à la fois triste, déçu et en beau maudit… Ouais! fini le contenu intéressant gratuit dans Cyberpresse. C'était sans doute trop beau pour durer. Adieu donc, portail invitant et riche, et bonjour placard publicitaire digne d'être porté par un homme-sandwich! Car, c'est bien à cela que fait désormais penser la page d'accueil de Cyberpresse : une grosse annonce! 

À sa façon, Pierre Foglia s'en désole lui aussi dans sa chronique de jeudi dernier – mais pas trop, tout de même (faut pas mordre la main qui vous nourrit). Le texte qui suit se veut une réflexion sur le nouveau visage «payant» que s'est donné La Presse version électronique. 

Version revue et corrigée d'un courriel expédié le vendredi 28 février 2003 à Pierre Foglia, chroniqueur vedette à La Presse

Monsieur, 

Je désire par le présent courriel réagir à votre... réaction originelle (il y a de cela deux ans) à la gratuité des chroniques dans Cyberbresse

Eh bien! vous aviez le pif sans le savoir! Votre réflexe tout épicier de vieil Italoche était fondé : « [...] s'ils me lisent gratos sur le Net, il n'achèteront pas le journal. » Le courriel de félicitations que vous aviez adressé à vot' grand boss d'alors n'avait sûrement pas dû manquer de faire rire celui-ci, fût-ce in petto. En tout cas, il eût fait rire aux éclats ze big boss véritable : la Power Corporation, qui se passe fort bien de présentations, n'est-ce pas? 

Le plan n'était pas quinquennal, hélas non! Deux ans suffiraient amplement. D'abord fidéliser, accrocher, appâter ou «ferrer» (à vous de choisir le terme idoine!) le lecteur en ligne... puis le priver de son ver quotidien. « Quins toué! »

Comme vous, j'étais un peu surpris par cette gratuité; en fait, j'étais plutôt jaloux des «cheapos» qui n'avaient pas à payer leur Presse. Voyez-vous, c'est que, faisant partie de la ligue des «abonnés de père en fils à vot' journal», je n'ai jamais pu me résoudre à me passer de la version papier... pour aller grossir les rangs des freeloaders. Sans compter que ma femme aime bien le contact avec le papier (entre autres), et elle préfère de beaucoup le plan horizontal au vertical, que ce soit pour la lecture, le travail ou… le plaisir et la simple détente (« t'sais veux dire, chose! »). 

La décision de faire payer tout le monde devrait donc me réjouir, faire fondre ma jalousie comme neige sur cul de vache en chaleur. Or, il n'en est rien. On bouscule mes habitudes, et ça, j'aime pas. Très souvent, je lisais mes chroniqueurs fèves-au-riz (Boisvert, la Petrow, la p'tite Elkouri et vous-mêgne) à l'écran pendant mes breaks et à l'heure de midi... J'aimais bien. Le papier, c'était pour le soir en prenant une p'tite «broue», et aussi pour le week-end en petit-déjeunant en vot' accorte compagnie. Maintenant, je vais être obligé de traîner «ma grosse épaisse» dans ma serviette ou, moindre mal (pour le sac), en retirer la A-5, la C-3 et la E-1... au grand déplaisir de ma tendre mosquée, qui n'appréciera guère que son mecque la laisse seule à la maison avec, au mieux, une Presse «déviargée», cavalièrement dépouillée de sa substantifique moelle par yours truly

Ben voyons! Pour parler comme écrit la (de) Beauvoir : tout cela n'a rien que de très normal! C'était couru d'avance que cette bonne chose aurait une fin. J'eus la naïveté de la croire plus lointaine, cette fin. L'insatiable faim «capitalisse» a fait gargouiller le gros veventre «desmaresque» (Cf. gargantuesque) – l'appétit de la famille Desmarais n'étant tout de même en rien comparable, il est vrai, à celui, tout «péladique» (Cf. pantagruélique), de l'inénarrable Pierre-Karl. Quoi qu'il en soit, peut-être que le profit n'est pas le name of the game, mais c'en est, en tout cas, la raison première, de ladite – disons plutôt la maudite – game... 

Sachant que tout message a pas mal plus de chances de se rendre à destination s'il émane de vous, j'ose vous prier de faire la commission suivante à vos boss de toutes les grosseurs : le nouveau portail (tiens donc, ça rime avec bétail!) de Cyberpresse est à chier. Il convient de féliciter à nouveau vos patrons. On n'aurait pu concevoir meilleur repoussoir pour inciter les gens, non pas à s'abonner à la version dite en ligne, mais à retourner au plus crisse à leur bonne vieille «gâzette» non virtuelle. 

Je vous laisse. Ma rousquine de femme est en train de me passer un savon au téléphone : elle vient de tomber sur l'objet par moi déplumé, et elle n'est pas aux oiseaux, elle – « La chronique de Boisvert, t'en as fait quoi, mon pit?! »

Bien le bonjour!

Jean-Paul Lanouette
jplanouette@sympatico.ca

mardi 04 mars 2003