« En passant... »

Le seul mot d’ordre à Loto-Québec :
traire et laisser braire…

 (Voir un texte antérieur s'intitulant :
Objet : Loto-Québec et l'autocensure)

« Ça doit rester un jeu! » – D’entrée, une mise au point paraît dans l’ordre : c’est un secret de polichinelle que, au fond, le grand Argentier de la Province ne doit pas tenir tant que ça à ce que les chalands de Loto-Québec, c’est-à-dire les amateurs de loteries, jeux et courses de toutes sortes, circonscrivent leur activité à l’innocemment ludique, s’y «encarcanent» d’eux-mêmes par la seule force de leur volonté, toujours soucieux de ne point déborder le cadre du socialement acceptable. Ah ça non! notre ministre des Finances ne peut logiquement souhaiter pareille retenue de la part des contribuables «volontaires», car ce serait pas mal moins payant pour Lui, pas vrai?! 

            « Ça doit rester un jeu! » : avertissement susurré du bout des lèvres qui exhale un parfum de fausses bonnes intentions – du genre de celles dont serait pavé le royaume surchauffé de vous savez qui –, parfum aux relents d'un rance à vous filer des haut-le-cœur. 

            Cette noble recommandation que nous sert parfois «La Crêterie[1]» devenue «Le Frigo» (un frigo qui ne laisse personne froid, soit dit en passant), oui! ce conseil d'ami (?) que nous glisse subrepticement l'ancienne «Crêterie» entre une pub de 6/49 et une autre de Super 7, eh bien! il se perd hélas dans le néant, comme la plainte étouffée du futur pendu dans le roulement de tambour annonçant… le lancement d'un nouveau «gratteux» multisuperextra. C’est à se demander : « Quel message, au fait? », car sitôt passé, sitôt occulté qu’il est, le message! Il s’agit malheureusement  d’un appel à la «raisonnabilité» à effet zéro. Voilà qui, pourtant, n’a rien d'étonnant aux yeux de celles et de ceux qui ne sont pas dupes, qui savent la préoccupation unique de Loto-Québec (L-Q) : traire le «client» jusqu’à la toute dernière goutte, en laissant braire aux quatre vents ses trop sensibles congénères outrés par semblable gloutonnerie. 

            Depuis une couple d'années, les journaux ont publié un nombre impressionnant d'articles et de lettres dénonçant la voracité de L-Q. Or, tous ces cris du cœur  qui se veulent autant de «pavés dans la mare» de notre grand détrousseur national ont plutôt l’effet de petits cailloux bien ronds jetés dans une mer d'indifférence : pas la moindre éclaboussure, et encore moins de vagues pour troubler la surface ultratranquille. Jusqu’ici, en effet, il semble bien qu’aucune de ces interventions, toutes plus fondées les unes que les autres, n’ait réussi à provoquer ne serait-ce qu’un léger tic capable d’imprimer un rictus d’agacement sur la face lunaire de Dame Chance… 

            M'sieu Frigon et consorts, votre petite phrase neutre censée nous inciter à ne pas « flauber not' paye d'une shot », elle rassure on ne sait trop qui, endort encore plus les indifférents, et file la dose minimale de bonne conscience à votre armée d'idéateurs de génie qui planchent sans arrêt sur leurs prochains «attrape-monde», permettant ainsi à la vie de poursuivre son petit bonhomme de chemin (lire : à la roulette de continuer de tourner comme si de rien n’était)… et au gouvernement de persister dans son obsessif souci d'engranger, vite et sans effort, une «pleineté» de huards.  

Une séance intensive de «remue-méninges» s’impose donc pour nous trouver quelque chose de plus convaincant, de mieux senti en fait de mise en garde. Ah! si seulement vous consentiez à consacrer ne fût-ce que le dixième de cette belle énergie[2] qui est la vôtre à nous pondre un holà! digne de ce nom[3]! Et n’allez surtout pas nous objecter qu’à votre connaissance personne encore n’avait jamais eu l'outrecuidance d'exiger d'un futur guillotiné qu'il affutât lui-même la lame destinée à le «raccourcir»! 

  Pensez-y à deux fois avant de nous sortir cet argument à double tranchant qui risquerait fort de se retourner contre vous; en effet, ça pourrait donner à quelqu'un l'idée de confier la rédaction du message idoine aux ayatollahs de Santé Canada, vous savez? comme pour les paquets de cigarettes (l'avertissement en question serait accompagné comme il se doit d'une photo très explicite, genre coupe transversale du cerveau lessivé d'un joueur compulsif – le croiriez-vous? ça ressemble à s'y méprendre à une corne d'abondance, mais une corne tout à fait vide de fruits, ceux-ci ayant tous été réquisitionnés pour «révolutionner» à la fois séparément et côte à côte, trois par trois ou cinq par cinq, dans les gobe-sous de la Belle Province… ad vitam aeternam!)… Or, mon p'tit doigt me dit que cette perspective ne vous sourit guère… Me trompé-je?           

            Comme l'indiquait fort à propos (fin février 2001) un expert interrogé au Point de Radio-Canada, le problème, c'est que le gouvernement accuse désormais une forte dépendance au pactole loto-québécois; oui! ne le voici-t-il pas soi-même devenu indécrottablement «accro» aux profits astronomiques que génère sa «créature»! Aussi se prend-on à espérer que notre premier ministre, qui, on a déjà été à même de le constater, préfère accepter « les mains dans le dos » tout ce qui lui est dû ou qu'il considère comme tel – le versement de péréquation d’un milliard et demi provenant du fédéral, par exemple –, on en vient à souhaiter, disais-je donc, que M. Landry sache se montrer aussi intransigeant, aussi cavalier avec Loto-Québec. 

 Dites, est-il encore permis de rêver sans devoir cracher un p'tit deux? 

Jean-Paul Lanouette
jplanouette@sympatico.ca


[1] «La Crêterie»? Il ne s'agit de rien d'autre que Loto-Québec, usine à rêves en tous genres sur laquelle, depuis des lunes, régnait en maître quasi absolu un bien prospère pédégé du nom de  Michel Crête (d'où «La Crêterie»… Excusez-la!), et cela, jusqu'à ce que vînt le remplacer Gaétan «SAQ» Frigon, qui voit grand, très grand pour… «Frigo»-Québec – et, dans son cas, cela n'a rien d'un jeu, oh! que non!

[2] Quelle énergie? Celle que vous déployez sans restriction et avec un talent indéniable pour nous «plumer»…

[3] Désolé, mais elle n'est guère convaincante, la jolie jeune femme à l'air un peu pincé et faussement sévère qui, après chaque appel au rêve plaqué or lancé par L-Q, nous regarde droit dans les yeux pour nous rappeler, presque en murmurant, que : « […] les jeux de loterie sont réservés aux 18 ans et plus. »

 

 

samedi 04 janvier 2003