« En passant... »

Stop manquant, vie raccourcie!

            L'ajout d'un nouveau panneau de signalisation serait-il de nature à faire bondir de joie les usagers du réseau routier? Il est permis d'en douter quand on sait la richesse et la variété de la panoplie dont disposent, à ce chapitre, le ministère des Transports du Québec ainsi que l'ensemble des services municipaux de voirie que compte la Belle Province. 

 Et pourtant, ce que j'ai ici le toupet de proposer à mes congénères, ou plutôt aux décideurs en la matière, c'est un autre panneau… à planter, celui-là, dans le paysage urbain! Or, ce dernier, on le sait, est déjà passablement chargé côté poteaux et tiges métalliques «agrémentés» d'avis, avertissements et interdictions de toutes sortes, formes et couleurs. Comment oser renchérir là-dessus? En effet, n'est-il pas assez difficile comme ça de s'y retrouver, dans cette orgie de pictogrammes abscons et d'indications parfois contradictoires, sans qu'on ajoute au foisonnement débridé, voire anarchique des panneaux de signalisation? 

Il faut savoir que, malgré cette multitude de panneaux à nous agresser le regard, il en est un qui fait cruellement défaut. Normal, d'ailleurs, qu'il brille par son absence dans le lot, car il reste à inventer, bien qu'il existe déjà (???). Le croiriez-vous : il y a un vide, un manque à combler… d'où mon intervention, qui, l'eussiez-vous cru, se veut marquée au coin de la seule philanthropie. En d'autres termes, je n'ai rien à gagner là-dedans, sinon la reconnaissance éternelle de mes concitoyens! 

Ce grand absent, c'est un stop… pour sens unique, oui! un vulgaire stop, à installer à l'intention des personnes roulant à contresens – en auto, à moto ou à vélo – dans un sens unique. Que de fois j'ai vu des gens en visite chez des amis habitant une rue à sens unique, que de fois, dis-je, ai-je vu des «visiteurs», en fin de soirée, ressortir en marche arrière de l'entrée de garage de leurs hôtes pour s'engager résolument dans la mauvaise direction, ayant vraisemblablement oublié qu'ils étaient arrivés dans l'autre sens, le seul «bon» en l'occurrence.  Or, au premier croisement, ces malheureux risquent de négliger de faire leur stop, car il se trouve qu'aucun panneau ne leur commande d'effectuer cette manœuvre immobilisatrice que, au Québec, on appelle «arrêt», et qui, dans tout le reste de la francophonie, n'a jamais été autre chose qu'un «stop» (mais ça, c'est une autre histoire!). 

Nul n'est censé ignorer la loi, dit-on. Je veux bien, mais est-ce là une raison suffisante pour s'abstenir d'informer celui ou celle qui, sans même sans douter, se trouve en infraction? Poser la question, c'est y répondre! La personne la plus respectueuse des lois et qui sait parfaitement qu'il est interdit – et dangereux – de rouler en sens inverse dans une voie à sens unique, eh bien! même elle, elle est  pourtant susceptible de le faire… et mérite d'être avisée de son erreur avant de ne provoquer involontairement un accident. 

Qu'on n'ait jamais pensé à cela me renverse… à moins qu'on n'y ait pensé… pour aussitôt faire marche arrière devant les frais que supposerait l'érection de milliers de ces «nouveaux» stops pour sens unique…  

Laissez-moi plutôt vous raconter une histoire «vécue» (façon de parler, vous verrez) pour bien illustrer mon propos, y ajouter du poids en quelque sorte. 

À Longueuil-d'avant-fusion, il y a de cela quelques années, une jeune Bouchervilloise participant à un «party» d'anniversaire a perdu la vie dans les circonstances que voici : désireuse d'essayer le scooter de son amie, elle a, sans le savoir, pris un sens unique à contresens. À la toute première intersection, ne voyant pas de stop, elle a poursuivi sa route sans ralentir, sans doute certaine que c'est la rue qu'elle s'apprêtait à couper qui était forcément pourvue des stops nécessaires. Arriva ce qui risquait d'arriver : la jeune fille s'est fait «ramasser» par une voiture… qui, elle, n'avait «vraiment» pas de stop à faire… 

Il eût suffi d'un simple panneau pour éviter cette tragédie. Ce que je suggère donc, c'est un stop de forme et de couleur différentes (par exemple, triangulaire plutôt qu'octogonal, et jaune plutôt que rouge) qui indiquerait à toute personne se déplaçant «à contre-courant» qu'elle a un stop à faire… en même temps qu'il l'informerait qu'elle se trouve en infraction et a alors tout intérêt – tant pour son intégrité physique que pour son porte-monnaie – à changer de rue ou de direction. Voilà!

Jean-Paul Lanouette
jplanouette@sympatico.ca

samedi 22 février 2003