Nous
faire passer un mauvais quart d'heure :
46-14…
Parle-t-on ici de football, plus précisément d’une dégelée
qu’aurait subie nos valeureux Alouettes dans l’ouest du pays
l’automne dernier? Pas du tout! Ces chiffres aux allures de score
correspondent en fait à la proportion horaire émission / pub que les
bonzes du réseau TVA voudraient pouvoir imposer aux téléspectateurs…
avec, bien sûr, le nécessaire assentiment du Conseil de la
radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) – O.K.
non encore acquis, Dieu merci![1]
Non mais! y avez-vous pensé? Quatorze minutes de pub par
heure de télédiffusion. On ne rit plus : on crie à la pollution des ondes! Non contents de nous laver le cerveau, ces
grands penseurs devant l'Éphémère aspirent manifestement à nous le
noyer tout à fait, le cerveau!
En effet, ayant semble-t-il de la difficulté à joindre les deux
bouts (?!?), TVA est prête à assommer son monde encore un peu plus en
lui balançant à la figure deux minutes supplémentaires de réclame à
l'heure. Et moi qui croyais naïvement que, avec les douze minutes / heure
présentement autorisées, on avait déjà largement dépassé le point de
saturation du consommateur moyen! Eh bien! c’était compter sans l’appétit
gargantuesque et le manque de clairvoyance de certains diffuseurs…
Désormais, quand j’ai envie de regarder en paix un film à la télé,
je vais m’en louer un au club vidéo du coin, tout simplement, ou encore
je choisis une chaîne moins «enrichie» côté pub, genre Télé-Québec.
Force est de reconnaître que la formule adoptée par
notre télé provinciale témoigne
d’un respect certain à l’égard de son public : les pubs sont présentées
en rafale avant le film – ce
qui occupe une plage de même pas dix minutes – et, une fois commencé,
celui-ci, ô miracle! se poursuit SANS
INTERRUPTION jusqu’à la FIN, eh oui! jusqu'au défilement du générique! Or, ma façon à moi de remercier ces gens qui pensent
autrement qu’avec leur seul portefeuille, c’est de me faire un devoir
d’écouter, pas religieusement mais presque, les quelques annonces qui,
budget oblige, me sont proposées. On aura compris que cela se veut un
pied de nez magistral de ma part à ceux qui voudraient m’obliger à me
farcir près d’un quart d’heure de messages publicitaires toutes les
soixante minutes! Non, mais!!! Ailleurs,
notamment à Quatre-Saisons (TQS) et à Canal Vie, on est plus subtil, que
dis-je, plus retors, privilégiant une approche raisonnée[2]
largement inspirée des techniques éprouvées de la pêche à la ligne!? Laissez-moi vous expliquer : dans la première demi-heure[3],
pratiquement pas de pauses-pub, histoire d'appâter
le téléspectateur-poisson, de
l'accrocher en quelque sorte; mais ce dernier ne perd rien pour attendre,
car, dans la dernière heure, alors qu'on le sait bien «ferré», qu'il est comme qui dirait «embarqué» dans la chaloupe, oups pardon!… dans le film, il se
retrouve devant une «œuvre» qu’on a littéralement découpée en
minces tranches de dix minutes, portions ridicules lourdement assaisonnées
de tonitruantes invitations à acheter ceci ou à déguster cela – de
quoi perdre le fil et voir s’émousser son intérêt, non? Les méfaits de cette politique ne s’arrêtent hélas
point là : afin de pouvoir nous servir en vrac tout leur lot de
messages, les diffuseurs privés ne se gênent pas pour charcuter les
films à tour de bras, coupant parfois sans discernement, allant jusqu'à
faire sauter des séquences, voire des scènes entières, au risque
d’embrouiller davantage le témoin «zombifié» de ce spectacle à
obstacles plutôt indigeste que lui offrent «gracieusement» toute une
flopée de descendants des «vendeurs du temple». Les ciseaux
ont peut-être changé de mains, mais ça reste de la censure!
Inadmissible que c'est, comme d'ailleurs à peu près toutes les formes de
censure. On ne ferait pas ça aux livres (en tout cas, nous ne le
laisserions pas faire); pourquoi alors le tolérer pour les films, et au
nom de quelle logique épicière? Comprendra-t-on un jour que le spectateur qui ne se fait pas harceler sans arrêt, c'est-à-dire solliciter à outrance, est forcément plus réceptif, plus ouvert parce que mieux disposé? Ce n’est pas un hasard si nous sommes devenus des
virtuoses du saute-bouton (zapping), mettant systématiquement la sourdine (mute)
pendant les réclames, ou encore préférant enregistrer les émissions
qui nous intéressent… afin de pouvoir ensuite faire défiler en accéléré
(«zipper») les nombreux blocs
de pub dont elles sont inévitablement entrecoupées. Il en va de la publicité comme de l'alcool ou du jeu : ça
passe tellement mieux avec modération! Mais allez donc faire entendre
cela à des gens chez qui le signe de piastre ($$$)
fait foi de tout! Récapitulons donc, en nous posant une question à
laquelle nous répondrons sur-le-champ. Faire suer le téléspectateur 14 minutes par heure d'antenne, cela constitue-t-il un bon calcul de la part d'un diffuseur, fût-il privé jusqu'à l'os? Qu'il suffise de mentionner que pareille stratégie, par
laquelle on risque de provoquer une «écœurite» aiguë chez les téléphages
affalés (couch
potatoes), trahit un raisonnement qui, à mon sens, n'est certes
point marqué au coin de la «luminosité»; on voudrait éventrer la
poule aux œufs d'or qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Plus payant? C'est sûr, mais à court terme uniquement.
À la longue, c'est une autre histoire, que je me promets bien de raconter
en long et en large aux grands argentiers de TVA… après
la pause publicitaire. Capsule
nostalgie : Ô combien je m'ennuie de l'époque dorée du p'tit écran où,
au moment prévu de l'annonce (au singulier!!!) où l'on était censé
nous vanter les «mérites» de la
50 de Labatt, l'inénarrable
Olivier Guimond, avec son inoubliable et irrésistible mimique habituelle
(devenue un classique du genre) venait plutôt nous rassurer en prononçant
ces mots magiques : « Y'en aura pas, d'commercial! » Jean-Paul Lanouette [1] Le CRTC a eu l'intelligence de refuser la hausse de quota demandée. On peut respirer… au moins jusqu'à l'année prochaine!?! [2] Raisonnée et, pourtant, pas très «songée»… Ouais! raisonnée, mais non raisonnable pour autant! [3] Cela pourrait s'appeller l'heure du leurre, leur truc. samedi 05 octobre 2002
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