Foutaise !
J’ai désobéi !
Je me disais dans mon for
intérieur, je reprendrai la
course à pied au début de
janvier, pour la Nouvelle Année,
geste plus symbolique qu’autre
chose. Je tenais à prendre le
temps nécessaire pour bien
guérir. Après tout, ce n’est que
le 6 octobre dernier que j’ai
subi l’ablation de la prostate
suite à un diagnostic de cancer.
Je me souviens que j’en avais
parlé au médecin qui m’a opéré,
de ce retour tant attendu à
l’activité physique. Il m’avait
dit d’attendre au moins à la
mi-décembre. Inconsciemment, une
telle réponse n’allait pas
s’évader si facilement de mon
subconscient.
Alors voilà. Il y a quelques
jours, aux alentours du 15
décembre, vous imaginez que les
sangs me piquaient ! Cette
normalité de courir à tous les
deux jours, ancrée en moi au
cours des 26 dernières années,
commençait à peser lourd dans ma
tête. Je traversais la période
où je détenais le feu vert pour
enfiler mes espadrilles.
Et c’est ce que j’ai fait !
Ce matin-là, par un ciel
ennuagé, mes sentiments étaient
partagés entre la hâte de courir
et la peur de ne pas savoir
comment mon corps allait réagir.
Parmi mes grandes phrases
célèbres, je me plaisais à dire
à ceux et celles qui
m’interpellaient et qui me
demandaient la date de ce fameux
retour, que j’allais recommencer
avec un kilomètre à la fois,
tout en prenant soin de marcher
une minute entre eux.
Foutaise !
En fait, je n’ai jamais pensé
une seule seconde à cette
stratégie, tellement le bonheur
m’envahissait et que je me
sentais libéré.
Fidèle à ma façon de faire, je
me suis dit qu’à un certain
arrêt sur le coin d’une rue,
j’allais marcher. À ce moment,
je ne me rendais pas compte que
je venais de me taper 4 km ! Et
vous savez quoi ? Je ne m’en
voulais aucunement d’avoir
désobéi. Au retour à la maison,
j’avais couru 6 km pour cette
première sortie.
Je ne vous cacherai pas que le
rythme n’était pas tellement
rapide. Je n’ai jamais été un
marchand de vitesse alors vous
pouvez vous imaginer que j’ai
pris tout mon temps.
Musculairement, ça faisait mal
mais sans plus. Pour le souffle,
disons que j’ai apprécié les
trois pauses de marche qui ont
ponctué cet entraînement.
Toutefois, c’est mentalement que
cette sortie m’a fait le plus
grand bien. Revivre tout
simplement. Dans mes moments de
concentration, je me disais que
je pouvais me compter très
chanceux d’être en mesure de
courir allégrement, sans
complication, un sentiment
étrange et nouveau dans mon
esprit.
Elle paraissait très loin cette
folle séquence qui m’a permis de
courir 100 marathons. Après
presque trois mois d’inactivité,
étape que je n’avais jamais
traversée, je recommençais
presque à zéro.
Deux jours plus tard, je courais
le même parcours en ajoutant un
autre kilomètre, juste pour me
motiver, m’encourager car je
sais que je pars de loin. Juste
avant d’écrire ce texte, je
viens de terminer 10 km, passant
symboliquement devant l’hôpital,
histoire de lui envoyer un clin
d’œil. Voilà, j’ai brisé la
glace et je me sens bien, j’en
avais besoin.
On dirait maintenant que le ciel
est encore plus bleu. Je suis
soulagé. Et la pandémie, quelle
pandémie ?
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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