Vaincre sa
peur !

Je dois reconnaître que
celui-là, je le reluquais depuis
quelques années. Or, vous serez
peut-être étonné d’apprendre
qu’il m’effrayait. Oui, pour
courir l’hiver en entraînement
mais pour un marathon, cela
diffère. Je me sentais quelque
peu chouchoune. J’en ai le
droit, non ?
Le Winterman d’Ottawa se déroule
pendant le Bal de Neige. Avec
une température de -8 Celsius au
départ, pimenté d’un vent assez
frisquet et un 2 degrés Celsius
vers la fin, disons que pour une
première dans mon cas, Dame
Nature s’est montrée
agréablement courtoise.
Un parcours composé de huit
boucles près du Musée de la
guerre, ce qui dans les
circonstances, me rassurait. Je
me disais que si jamais une
défaillance survenait, j’allais
aisément remédier à la
situation.
Quelques minutes avant le
départ, quelle surprise de
croiser sur les lieux mon bon
ami Roger Smith, qui réside à
Gatineau, 77 ans, toujours aussi
dynamique et cela malgré une
blessure à un genou, une veille
avec un souper bien arrosé et
une nuit inconfortable. Inscrit
au 5km, il m’a étonné.
Je suis parti confiant et sans
attente….fidèle à mes habitudes,
n’est-ce pas ! Posté derrière
deux coureurs qui racontaient
leurs péripéties et un chapitre
de leur vie, j’hésitais avant de
les dépasser. « Hey les gars !
Vous me distrayez tellement par
vos propos que ça me chagrine de
vous devancer ». Heureusement,
ils allaient me rejoindre, ce
qui fait que lors de la première
portion du marathon, ils m’ont
changé les idées et ces 21km ont
passé avec une aisance
remarquée.
Après leur fin de course, j’ai
dû forcément m’ajuster. Le
moment devenait idéal afin que
j’entre dans ma bulle.
Que dire de la présence de ma
compagne Pasquale ! À chacun des
tours, je pouvais la voir, une
source d’inspiration non
négligeable, on s’entend. Postée
stratégiquement lors des tours
initiaux pour prendre des
photos, elle s’est retrouvée par
la suite, confortablement assise
sur un banc de ville le long du
parcours, face au soleil.
Stupéfaction de la voir tricoter
ses fameux bas de yoga sur place
! Même que quatre autres
coureurs l’ont remarqué et ont
osé lui commander des tuques !
Pour les quatre derniers tours,
l’un des deux coureurs qui
jasaient entre eux, est resté
sur place afin d’encourager l’un
de ses amis qui était venu du
Brésil pour courir ce marathon.
Voilà ce qui m’a permis de le
revoir après mon marathon et le
remercier pour son aide à mon
égard. Étonné, j’ai dû lui
expliquer que sa conversation
avait fait en sorte de me
distraire et de me faire oublier
que je prenais part à un
marathon.

C’est dans une grande
satisfaction que j’ai franchi le
fil d’arrivée. Une autre
surprise m’attendait. Oui, Roger
était revenu de chez-lui pour
m’accueillir. Wow ! Quel beau
geste de sa part. Pour se faire,
il m’a dit qu’il avait dû
retarder sa séance d’aspirateur
à la maison ! Mais parions qu’il
l’a remise à une date
ultérieure, dû à cette fatigue
accumulée.
« Il faut vérifier les résultats
», ne cessait de me dire
Pasquale. « Je suis certaine que
tu as terminé dans les trois
premiers de ton groupe d’âge. »
Une bénévole nous a alors
confirmé mon premier rang et
remis un ruban d’or. Pasquale,
toute heureuse pour moi, a
répliqué : « Je le savais, je te
l’avais dit ! » Quelques minutes
plus tard, nous apprenions après
vérification, que j’étais seul
dans cette branche d’âge.
Inutile de vous dire que nous
avons bien ri de cette anecdote.
Considérant toutes les distances
offertes, le Winterman attire
aux alentours de 500
participants dont seulement 25
pour cette 10e édition ont
complété le 42km. Une belle
organisation qui manque
assurément de publicité car à
mon avis, l’événement pourrait
facilement drainer davantage
d’adeptes.
Voilà. La glace est brisée pour
moi. Je peux maintenant dire que
j’ai vaincu ma peur pour vivre
un marathon hivernal, preuve
qu’il n’est jamais trop tard
pour bien faire.
À un certain moment en courant,
j’ai senti comme une présence.
J’en ai conclu qu’il s’agissait
peut-être de ma petite maman,
décédée en septembre dernier,
qui venait me donner un p’tit
coup de pouce et me confirmer
combien elle était fière.
À bien y penser, ce fut presque
un marathon réalisé en équipe
pour moi !
Puis, dans l’auto sur le chemin
du retour, j’ai entendu : Man on
the Moon, de REM où il chante :
If you believe !
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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