Une chronique de
 Jocelyn Daneau

vendredi 03 avril 2020

Verglas 1998 et COVID-19 : quelques similitudes

J’écoutais François Legault en conférence de presse hebdomadaire et je ne pouvais m’empêcher de tracer un certain parallèle entre la crise du COVID-19 aux dimensions abyssales et celle du Verglas de 1998, à laquelle j’ai participé de très près comme employé d’Hydro-Québec. J’étais alors localisé à Saint-Hyacinthe comme administrateur de contrats, responsable de l’acquisition des poteaux de bois : un produit de « commodité », normalisé et stratégique dans le contexte d’un réseau électrique. Pour plus de détails, vous pouvez lire mes « aventures » relativement à cette période charnière de ma vie professionnelle dans : Au coeur de la tempête de verglas de 1998 comme Hydro-Québécois.

Masque et poteau

Pour relever un réseau de distribution électrique comme le nôtre, détruit par l’ampleur du verglas de 1998, il faut des tonnes de matériels électriques. Mais le tout doit être installé dans un certain ordre en commençant obligatoirement par des poteaux. C’était l’urgence urgente dans les premiers moments du rétablissement du réseau; au Québec dans le fameux Triangle de glace, mais aussi aux frontières du Maine, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick touchés par le verglas.

En au moins une occasion, nous nous sommes fait détourner des voyages de poteaux. C’était un fournisseur ontarien que l’on connaissait peu, surtout préoccupé par l’argent au lieu du respect de sa parole.

Je ne suis pas surpris que des livraisons de masque soient détournées. Dans le présent contexte, avec la dimension planétaire de la crise, c’est devenu la loi de la jungle où le « cash - dollar américain » est effectivement roi et maître.

Processus et procédures en urgence

Je lisais dans les médias qu’au sein du Gouvernement du Québec, que les gens responsables des achats de matériels de santé coupaient maintenant les coins ronds en matière de processus et de procédures. Si tu es un fonctionnaire professionnel, compétent et consciencieux avec des patrons matures et qui ont confiance en eux et en leurs équipes, c’est la chose à faire : on ne peut pas naviguer dans un monde de loups sans se comporter en tant que tel. C’est une question de survie. D’un autre côté, il ne faut jamais perdre de vue les systèmes de valeurs qui nous ont forgé comme individu, notamment au niveau de l’éthique.

Mon conseil pour les fonctionnaires responsables ci-mentionnés, documentez chacune de vos actions et de vos décisions et soyez en constante communication avec vos supérieurs; surtout que, selon la bouche même du premier ministre Legault, il y a maintenant de l’argent comptant qui change de main.

Quand la crise du Verglas 1998 a été terminée, comme mes collègues, considérant tout l’argent qui avait circulé, des millions, j’ai été vérifié et enquêté selon les procédures et les processus normalement en vigueur, avant la crise du Verglas. Cela a été des heures de plaisirs; une chance que j’avais pris des notes.

Prévoir l’imprévisible

Il y a toujours eu du verglas au Québec, mais l’ampleur de la tempête de 1995 avait un degré d’occurrence d’environ 500 ans. On ne bâtit pas un réseau électrique pour ce genre de risque pas plus que l’on ne s’assure personnellement contre une chute de météorite, directement sur notre jolie tête.

Alors quand j’entends les journalistes questionner F. Legault d’un ton accusateur à savoir que nous n’étions pas prêts, le poil me dresse. Le Québec était prêt. C’est l’ampleur qui nous a joué un tour comme à presque tous les pays. On ne peut pas pour chaque risque extrême, avoir nos pantalons attachés avec une ceinture, des bretelles et une corde. Cela coûterait une fortune. Il faut gérer le risque. Ceci étant, comme certains analystes le disaient, la santé publique, c’est le parent pauvre dans plusieurs États. Si tel est le cas, nous n’avons qu’à nous regarder nous-mêmes quant aux choix que nous propose la classe politique et pour laquelle nous votons.

L’important, c’est que dans la crise extrême actuelle, qu’il y ait du leadership et que le système de santé s’adapte dans l’instant et dans la durée, sous la gestion d’une classe de gens professionnels et dédiés. C’est ce qui se passe actuellement avec le personnel de la santé sous la férule du trio Aruda-Legault-McCann, comme cela a été le cas à l’époque avec le duo Caillé-Bouchard.

La sous-traitance et la fabrication maison

Un peu avant 1998, il y a eu une mode de gestion qui a émergé où il fallait sous-traiter plusieurs des fonctions des entreprises, surtout pour les grandes. Pour employer le langage de l’époque (qui a probablement encoure cours aujourd’hui), il fallait « outsourcer » (sous-traiter) tout ce qui n’était pas dans notre « core business » (mission de base), dont les fonctions approvisionnements et achats.

Nous avons eu énormément de pression pour le faire à Hydro-Québec. Les entreprises spécialisées en sous-traitance, surtout américaines – Accenture, Capgemini, etc. – faisaient miroiter des millions de dollars en économies auprès de la direction de l’entreprise.

Puis est arrivé la crise du Verglas de 1998 où Hydro-Québec à jeté dans la bataille, toutes ses forces vives.

La question qui s’est ensuite posée lors des innombrables bilans que nous avons effectués était : « Est-ce que les Québécois auraient eu le même niveau de service si un sous-traitant américain avait été aux commandes des fonctions supports d’Hydro-Québec en janvier 1998? » Posez la question, c’est y répondre. Notons que British Columbia Hydro s’est engagé avec Accenture en 2003 dans un contrat de sous-traitance d’une durée de 15 ans, dont elle a sorti en 2017 en disant que cela avait été un mauvais « deal ».

Considérant qu’une économie de la taille de celle du Québec (8,5 millions d’habitants) ne peut se permettre de détenir de façon efficace et efficiente, tous les types d’industries sur son territoire national, il faudra dans les années à venir, poser des gestes pour réduire notre dépendance à la mondialisation. Comme le disait le gouverneur Cuomo de l’état de New York : « Il n’est pas normal qu’un pays aussi puissant que les États-Unis soit aussi dépendant de la Chine ». C’est le danger qui nous guette au Québec où l’on voit présentement les limites et les dangers de la mondialisation. Surtout que l’on apprend en dernière heure que le Gouvernement américain vient d’interdire à 3M d’exporter des masques N95 au Canada.

Bref, l’un des grands tournants de cette pandémie sera le retour de l’État-nation au sens nationaliste du terme. Non, je n’imiterai pas le Donald, l’incapable et menteur actuel président des États-Unis en disant : « Quebec First ». Mais, il faudra y songer et sans doute, revisiter et revenir à certains fondamentaux qui remettront à l’avant-plan, ce que les philosophes de l’Antiquité appelaient : « La vie bonne ».


Jocelyn Daneau, isolé, jocelyndaneau@gmail.com

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