LE SORELTRACY MAGAZINE     *  Dernière mise à jour : lundi 25 février 2013 21:44

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LA CHRONIQUE, DE JOCELYN DANEAU

lundi 25 février 2013

Éperviers, le meilleur usage alternatif de 2,4 millions de $ ?

Mettons les choses au clair, je suis un partisan du retour des Éperviers à Sorel-Tracy. Mais nature oblige, j’en suis un partisan lucide aux questions multiples.

La première porte sur la rentabilité financière (privée) d’un tel investissement. D’une part, dans « Un Épervier à la recherche d’altitude », je concluais que « Selon les critères formels du Conference Board du Canada, sous réserve de la structure de notre population, les Éperviers de Sorel-Tracy seraient financièrement rentables. » D’autre part, il faut conclure par un acte de foi que l’étude de marché confidentielle des actuels promoteurs du projet « Éperviers » est crédible. Suffisamment pour inciter des bailleurs de fonds privés à se commettre formellement et pour susciter l’intérêt de la Ligue de Hockey Junior Majeur du Québec (LHJMQ).

Ce qui a comme conséquence que Sorel-Tracy, endettée plus que la moyenne des villes de comparaison, a subitement sorti de son chapeau 2,4 millions de dollars en vue de rendre conforme le Colisée Cardin aux exigences de la LHJMQ.

Cette façon de faire et les événements l’entourant soulèvent cependant plusieurs interrogations qui trouvent leur fondement dans la célèbre « Théorie des choix publics ».

Essentiellement pour cette dernière, il s’agit de « … conjuguer la théorie économique à la science politique. Les politiciens et les fonctionnaires se conduisent comme le feraient les consommateurs et producteurs dans un contexte institutionnel différent : entre autres différences, l'argent en cause n'est généralement pas le leur. Les motivations des politiciens sont de maximiser leur propre intérêt, ce qui inclut l'intérêt collectif, du moins, tel qu’ils peuvent le concevoir. Ainsi, les politiciens souhaitent maximiser leurs chances d'être élus ou réélus, et les fonctionnaires souhaitent maximiser leur utilité. Par ailleurs, les biais cognitifs et émotionnels propres à l'économie comportementale se retrouvent aussi au niveau des décisions publiques. »

Si nous voulons traduire le tout en langage « Sorel-Tracy », il faut a priori remonter à l’un des mythes fondateurs de notre ville, l’industrialisation du début du siècle passé et son corollaire, le niveau de vie avantageux qui en découlait. Lequel a favorisé dans notre communauté, l’émergence d’un âge d’or où il faisait bon vivre dans un environnement autosuffisant à l’avenir radieux.  À ce titre, le succès des Éperviers de l’époque principalement pendant la saison 1973-74 est une illustration éloquente de cette période. Il est resté gravé dans notre mémoire collective.

Ceci étant, 1973, c’est aussi le moment du premier choc pétrolier qui marque le début de la désindustrialisation de Sorel-Tracy selon le modèle de développement de l’après-guerre. Ce phénomène et des taux d’inflation moyens de 8% sont en partie, une des causes du départ des Éperviers en 1977.

En 2013, ce rêve légitime du retour à la grandeur de Sorel-Tracy est toujours présent dans notre imaginaire collectif. Malheureusement, on ne peut refaire l’histoire en s’accrochant aux mirages du passé. Mais nous pouvons forger le présent et le futur avec les outils et les moyens qui sont maintenant les nôtres.

Concrètement, il nous faut dans le dossier Éperviers, gardez la tête froide, surtout avec l’argent des contribuables. En ce sens, l’enthousiasme aux relents nostalgiques de type « groupie » que j’ai perçu chez certains de nos décideurs m’incite à les inciter à la prudence décisionnelle. Même si nous avons en terme absolu, la population requise pour supporter une équipe de la LHJMQ, celle-ci est composée en grande partie de retraités aux revenus de pension soumis aux aléas des marchés financiers. Autrement dit, la moyenne de 2 300 à 2 500 spectateurs envisagée pour les Éperviers comme seuil de rentabilité est très ambitieuse. Ne perdons jamais de vue que le « dollar loisir » disponible est très sollicité.

Par ailleurs, la ville de Sorel-Tracy montre une situation financière difficile. Sa performance financière et de gestion est inférieure à celle des villes de comparaison. En ce sens, en cette année électorale, est-ce que notre conseil municipal agit avec le projet Éperviers dans les meilleurs intérêts des citoyens ou pour des motifs purement électoralistes? Autrement dit, le présent conseil municipal a-t-il la crédibilité et la légitimité requises à la veille des élections de novembre 2013, pour nous embarquer dans un investissement de 2,4 M$? Ne serait-on pas mieux d’investir ce montant dans la réduction de la notre colossale dette municipale? Ou faire un investissement dans la réfection de nos infrastructures? 

D’autant plus que ce conseil municipal chicanier depuis 2009, nous présente subitement cette décision RAPIDE sous l’angle d’une unanimité de bon aloi. Le tout ressemble plus à de l’unanimité électoraliste où personne ne veut être en rupture d’une décision présentée comme étant un consensus social, mais qui a surtout l’allure d’un « Crois ou meurs » sous pression. Cette unanimité subite est surtout questionnable de la part des conseillers du NON d’octobre 2012. Eux qui nous ont habitués avec les années, à avoir une position rétrograde sur une multitude de dossiers, notamment lors de la rénovation du Marché Richelieu, un équipement culturel. Bref, la façade des bons sentiments électoralistes est installée. 

Soyons réalistes sans être impolis, mais qui peut accorder la moindre crédibilité au maire Dauplaise quand il déclare que le plan d’affaires du groupe de Yanick Lévesque est de qualité ? Le maire refuse d’expliquer publiquement tant sur ce 2,4 M$ que sur ce plan d’affaires ou sur la signification de la « saine gestion ». 

D’ailleurs, QUI du conseil municipal de Sorel-Tracy a lu au complet ce plan d’affaires et son étude de marché ? QUI de nos élus peut se vanter d’avoir une compréhension maîtrisée et d’adhésion aux hypothèses qui supportent ces documents? 

Par ailleurs, on envisage d’avoir une équipe ici à Sorel-Tracy par transfert d’une franchise aussitôt que pour septembre prochain. C’est très rapide. Surtout quand l’on comprend que dans le monde complexe d’aujourd’hui, le Diable est dans les détails.  D’autant plus qu’en terme d’opérations au jour le jour, il n’y a actuellement personne ni structure pour organiser les opérations de la future équipe. Bref, la précipitation est toujours un signe précurseur de dépassement de coûts, particulièrement avec l’argent public. Autrement dit, le mode « fast track » de gestion de projet pour aménager le Colisée Cardin pourrait être coûteux pour les contribuables. Les soumissionnaires pour ce genre d’appels d’offres savent affûter leurs crayons.  

NOTE : Selon Gilles Courteau, aucun club ne serait actuellement disponible pour un transfert. Ainsi, les opérations hockey pourraient débuter en 2014-2015 ou plus tard. Donc, le 2,4 M$ promis sera gelé en partie ou en totalité. Ce qui hypothèque la capacité de réalisation de Sorel-Tracy pour d’autres projets. 

Globalement, il faut comprendre que c’est maintenant que l’opportunité Éperviers se présente. Il faut aussi comprendre que les promoteurs et le « cash » sont au rendez-vous. Il faut comprendre que Sorel-Tracy est à la recherche de projets stimulants comme la rénovation du marché Richelieu pour se hisser au rang de ville attrayante et dynamique. Il y a aussi l’attrait des « sacro-saintes » retombées économiques pour lesquelles il ne faut pas confondre intérêt personnel et collectif.  

D’un autre côté, il ne faut pas se laisser aveugler parce ce que l’on pourrait appeler, le « Veau d’or du junior » et réfléchir a ce que nous avons réellement besoin à Sorel-Tracy. 

Ceci étant, il convient de se poser la question suivante, que personne ne semble s’être posée au conseil municipal et qui est la seule valable : « S’agit-il du meilleur usage alternatif de 2,4 M$ au plan socio-économique, au bénéfice de l’ensemble des citoyens de Sorel-Tracy? ». C’est la question classique et fondamentale dans un contexte d’évaluation des choix publics. 

Cette question, par souci de transparence et de « saine gestion », Réjean Dauplaise et le conseil municipal de Sorel-Tracy doivent y répondre immédiatement et publiquement, sans les prometteurs ou l’intéressée Chambre de commerce de Sorel-Tracy pour leur tenir la main.

Jocelyn Daneau
jocelyndaneau@gmail.com

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