LE SORELTRACY MAGAZINE     *  Dernière mise à jour : jeudi 20 décembre 2012 14:04

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NÉCROLOGIE

NOUS JOINDRE



           
LA CHRONIQUE, DE JOCELYN DANEAU

jeudi 20 décembre 2012

Noël avec mon père 

Dans la vie, il y a les « petites » surprises comme la rencontre fortuite d’un compagnon d’école duquel on se dit : « Il a vieilli en … ». Sans comprendre qu’on a suivi le même chemin. Il y a aussi les grandes surprises. Celles qui vous scient les jambes pendant des jours et qui vous influencent pour le reste de votre vie. C’est de l’une de celles-ci dont je veux vous parler. Moment d’intimité certes, mais qui marque pour moi une profonde rupture entre aujourd’hui et demain.  

Pourquoi vais-je vous raconter tout ça? Pour me faire plaisir. Pour vous dire que j’ai eu récemment, le plus beau des cadeaux de Noël. Parce que je peux enfin dire, contre toute attente : « Maintenant, je suis presque comme tout le monde ». Parce que c’est Noël et que c’est le temps de se faire plaisir. Surtout après les événements horribles du Connecticut et pendant que meurent dans l’indifférence, des enfants en Syrie, en Palestine, en Haïti, en Afrique et ailleurs.  

Le 30 juin dernier marquait le 50ième anniversaire du décès de mon père, mort sur la 132 entre Yamaska et Pierreville, à la hauteur des « flasheurs ». Un bête accident d’automobile à la suite d’un dépassement risqué par l’un des deux individus qui coursaient, en sens inverse. 

Vous comprendrez que je n’ai jamais connu mon père. Il était pour moi et ma sœur, un être inconnu vivant statiquement sur quelques photos, que la tradition orale fait de moins en moins vivre, mais en l’embellissant chaque fois de plus en plus. C’est la vie. Les premières années de ma vie, j’ai vécu le fait de ne pas avoir de père comme une normalité. Une barrière que les Guy Corneau de ce monde expliqueraient facilement.

J’ai fait mon deuil à 35 ans en allant brailler comme un veau sur sa tombe. C’est arrivé comme ça, sans avertissement, sans raison, comme un besoin sans cause. Depuis, il me manque chaque jour. Avant 35 ans comme plusieurs, je n’avais que des réponses. Et quelques fois, des réponses à des questions que je ne maîtrisais même pas. Depuis, j’ai de plus en plus de questions et de moins en moins de certitudes, mais il n’est pas là. 

Bref, 50 ans, ça se fête. On fait chanter une messe à l’église St-Pierre. Ensuite on se dirige vers le cimetière de St-Joseph. On sort le « cooler » et on prend un verre à la santé de tous, les morts comme les vivants. Surtout que mes grands-parents maternels et quelques parents sont justement voisins. Ma mère capotait, boire du vin dans un cimetière pour l’apéro.  

Est-ce la fin de l’histoire? Non! 

Au mois d’août dernier, on découvre dans le sous-sol d’une de mes cousines, une série de bobines de film muet que l’on fait transférer sur DVD. Il est apparu là, Noël 1961, son dernier, aussi subitement qu’il était parti, sans avertissement, l’homme que je n’avais jamais vu bouger. C’est le plus gros "motton" que je n’ai jamais avalé.  

En une fraction de seconde, mon père venait de passer de Dieu mort à Homme vivant. Vous dire que je repasse en boucle depuis ce temps, ces quelques secondes de film est un euphémisme. Je me suis même transformé en psychologue de l’au-delà, à faire ce que les ingénieurs industriels appellent, de l’étude du temps et des mouvements y incluant les mimiques. 

À ce sujet, une des découvertes fascinantes de ces bouts de film, c’est qu’un de me neveux lui ressemble dans les gestes du quotidien. Mais il y a encore plus fascinant, en examinant mon fils de 31 ans et mon père parti à 32 ans, je me suis retrouvé à 53 ans à être comme le « père » de mon père. Une drôle de sensation. 

Je savais que mon père avait un côté espiègle et il s’est montré fidèle à sa réputation. Nous lui avions organisé une fête. Mais le cadeau, c’est lui qui nous l’a envoyé sous la forme de ces bouts de film. On dirait qu’il avait planifié son coup, choisi son moment et attendu patiemment. Il doit sûrement rire à gorge déployée c.-à-d. la « gueule fendue aux oreilles. » Maintenant, quand je lui rends visite pour placoter, sa pierre tombale me renvoie un écho qui se transforme dans ma tête, en images vivantes. Un jour, dans l’ordre naturel des choses, je le retrouverai. 

En attendant, je passerai Noël 2012 avec mon père. 

Je profite donc de cette fin d’année pour souhaiter à tous, une très Bonne Année 2013. Je souhaite surtout à chacun, la santé. C’est le bien le plus précieux.

 

Jocelyn Daneau

jocelyndaneau@gmail.com

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