Le développement
économique de notre région : une
réflexion
Dans une
chronique précédente,
je formulais une série de défis
pour le prochain1
maire de Sorel-Tracy.
Notamment :
« Fédérer la
multitude d’intervenants
économiques et mettre en
œuvre une stratégie de
développement économique
régionale cohérente ».
Pourquoi?
En avril 2010 à notre retour à
Sorel-Tracy, j’ai pris
connaissance du rapport annuel
2009 du Centre local de
développement Pierre-de-Saurel (CLD).
Le tout m’a laissé songeur.
Suite au
rapport annuel 2011 du CLD,
mes songes sont devenus des
interrogations. Je me questionne
comme contribuables, tant sur la
gouvernance de nos
activités de développement
économique que sur les
résultats que nous en
obtenons.
La gouvernance, c’est
l’art de se gouverner soi-même.
En ce sens, la pierre angulaire
d’une organisation, qu’elle soit
privée ou publique, c’est son
conseil d’administration (CA).
Celui-ci est responsable de la
stratégie, des grandes
orientations et ultimement, des
résultats qui en découlent.
Ensuite, c’est la mise en œuvre
au quotidien des décisions du CA
à l’aide d’un ensemble
d’opérations qui relèvent
généralement de la tactique.
C’est la responsabilité des 16
employées dévoués de notre CLD
Le
CA du CLD Pierre-de-Saurel
est composé de 24 personnes,
dont 19 avec droits de vote. En
termes de dynamique de groupe,
j’ai énormément de difficulté à
concevoir un processus de prise
de décision crédible alliant
vision et stratégie, avec un tel
aréopage. Il est généralement
reconnu que plus il y a de
participants dans un groupe,
plus la recherche du consensus
et la prise de décision
s’effectuent en nivelant par le
bas.
Sans égard à sa mission de
soutien/accompagnement, les
activités de notre CLD
m’apparaissent souvent
dispersées. Pensons à un de ses
projets 2012 reliés
« …
à l’attraction d’entreprises en
lien avec le projet de
valorisation des rejets
thermiques »
… revendiqué par la
Technopole en écologie
industrielle
ou à la rétention discutable en
2011
du consultant de la Fondation
Rues Principales.
Cette dispersion est à l’image
de son CA pléthorique.
Toute comparaison étant
boiteuse, le CA de Métro, c’est
14 personnes. Québécor, c’est 7
personnes et le géant Rio Tinto,
14. Hydro-Québec (23 000
employés) compte 16 personnes
sur son CA. Les membres de ces
CA sont généralement des
professionnels de très haut
niveau, expérimentés,
visionnaires et aguerris à la
prise de décision.
J’ai toujours été d’avis qu’en
matière de développement
économique, une stratégie sera
gagnante pourvu qu’elle se
concentre sur un nombre limité
de cibles. Mais celles-ci sont
inexistantes à la MRC Pierre-de-Saurel.
En effet, nous ne disposons
d’aucun plan stratégique de
développement économique
régional. L’actuel
Plan stratégique de
développement du Bas-Richelieu,
2005-2009,
adopté en 2005 est périmé et
selon la lecture que j’en fais,
il est resté sur les tablettes.
Ce plan et sa mise en œuvre sont
censés être l’un
des principaux livrables du CLD
Pierre-de-Saurel. Ce qui a
comme conséquence que nous
naviguons à l’aveuglette.
À ce problème de gouvernance
s’en rajoute un autre. Nous
contribuables, nous payons des
quotes-parts sous diverses
formes au titre du développement
économique, à la Société d’aide
au développement de collectivité
de Pierre-de-Saurel, à
la Chambre de commerce de
Sorel-Tracy,
à la Société des parcs
industriels Sorel-Tracy, aux
fonctionnaires de la ville de
Sorel-Tracy, aux deux députés, à
différents ministères, au Centre
de transfert technologique en
écologie industrielle, à la
Technopole en écologie
industrielle, à l’Orienthèque,
au Carrefour jeunesse-emploi de
Pierre-De Saurel, au Centre
d’emploi local de Sorel et j’en
oublie sûrement.
Est-ce qu’il y a quelqu’un dans
la région qui a une vision
globale dans ce capharnaüm
d’organismes?
Pour les seuls citoyens de
Sorel-Tracy en 2010 au titre de
la « Promotion
et du développement économique »,
c’est un déboursé de 1,4 million
de $ c.-à-d. 2,9 % du budget
annuel de la ville. Le budget du
CLD Pierre-de-Saurel était pour
2010, de 2,5 M$.
Matière à
réflexion
relativement au CA
du CLD Pierre-de-Saurel
· Le maire de
Sorel-Tracy
représente 68 % des
contribuables de la
MRC Pierre-de-Saurel.
Mais il ne possède
qu’un seul droit de
vote sur 19, comme
les non-élus qui y
siègent, en
majorité.
· Le député de
Richelieu monsieur
Sylvain Simard ne
participe pas à ce
CA. Il préfère y
déléguer un
subalterne. |
Concluons le volet « gouvernance »
sur une bonne note. Il y a des
succès et des beaux, comme en
témoigne éloquemment
le portfolio publié par le
journal La Presse en octobre
2011.
Considérant la présence de QIT
Rio Tinto, Alstom, Chalifoux et
autres, considérant aussi que
notre taux de chômage gravite
autour de la moyenne québécoise
de 8,2 %, au premier trimestre
de 2012, notre façon de faire du
développement économique
est-elle adéquate? Aurions-nous
le même résultat si on ne
faisait rien? Si nous faisions
différemment?
Pour tenter de répondre,
examinons les résultats 2011 de
notre CLD (p. 9 de son rapport
annuel). On y annonce
potentiellement, la création
ou le maintien de 120 emplois
pour des investissements
potentiels de 6,6 M$. Le
mot « potentiel »
n’apparait pas dans le rapport
annuel du CLD, mais c’est une
réalité en matière de
développement économique. Ce
résultat doit être examiné sous
deux angles : sa crédibilité et
sa rentabilité sociale.
Crédibilité :
Chacun des résultats des
interventions du CLD est
introduit dans le système
d’information de gestion du
Ministère du Développement
Économique, Innovation et
Exportation (MDEIE) et ils sont
consolidés. Ce qui donne les 120
emplois et le 6,6 M$
d’investissement potentiels. Il
n’y a aucune vérification par un
tiers indépendant des hypothèses
qui sous-tendent les résultats
obtenus. Autrement dit, le
CLD est juge et partie de sa
performance. C’est un grave
problème de gouvernance. À sa
décharge, j’ai examiné les
rapports annuels de plusieurs
autres CLD et les résultats sont
tous aussi éclatés et
questionnables.
Du point de vue de la
rentabilité sociale (à ne
pas confondre avec la
rentabilité financière), ces 120
emplois potentiels représentent
moins de 1 % des
19 366 emplois (des 25 à 64 ans,
2010) de la MRC Pierre-de-Saurel.
Il s’agit en majorité d’emplois
du secteur tertiaire à valeur
ajoutée relativement faible.
D’un point de vue économique, il
y a fort à parier qu’ils
auraient été créés de toute
façon, sans intervention, par
les mécanismes naturels de
l’économie et la débrouillardise
humaine.
Ce qui précède amène de
sérieuses questions sur notre
modèle de développement
économique régional, tel que
pratiqué actuellement par nos
élus. Je pense que tout en
gardant les acquis du volet
« soutien/accompagnement/économie
sociale », une réorientation
s’impose pour faire face aux
défis de la mondialisation. À ce
titre, je vous invite à lire le
bilan 2011 des HEC Montréal sur
la
Productivité et la prospérité au
Québec 2.
Un bilan factuel qui n’est ni
gauche ni de droite et qui doit
nous interpeller, devant ce qui
menace notre niveau de vie.
Dans l’état actuel des choses,
la question est de savoir si
nous avons le luxe d’attendre
novembre 2013 et l’émergence
espérons-le, d’une nouvelle
génération d’élus pour nous
doter d’une stratégie de
développement économique. Les
élus de la MRC de qui relève
notre CLD, ont donc une « job »
à faire, le monde économique
n’attendra pas Sorel-Tracy et sa
région pour saisir les
opportunités. Je leur suggère
donc immédiatement, deux
actions : nous doter d’une
vision stratégique en matière de
développement économique et
mettre en place un véritable
commissariat industriel.
Premièrement, comme petite
communauté avec des moyens
limités, nous devons cesser
de nous disperser et de répartir
la pauvreté. Il faut mettre
l’accent sur la recherche et la
création d’emplois et
d’investissements liés à
l’amélioration de la
productivité et l’innovation.
Nous devons avoir une vision qui
concentre
exclusivement nos actions sur la
création d’emploi à forte valeur
ajoutée dans les secteurs qui
sont notre force régionale :
métallurgie, matériel de
transport, le mécano soudé,
l’agroalimentaire et l’écologie
industrielle. De plus, nous
devons privilégier des formes
d’entreprises qui nous
affranchissent des décisions
extérieures uniquement basées
sur la rentabilité à court terme
et le profit. À ce titre, le
modèle coopératif d’entreprise
est une voie d’avenir.
Cette stratégie sans une
structure intégrée pour la
supporter ne vivra pas. Il nous
faut migrer vers une structure
de développement de
type commissariat à l’industrie
et au tourisme (ex. :
Société de développement
économique de Drummondville -
CLD Drummond).
Il faut que ce commissariat soit
supporté par un véritable
conseil d’administration (7 ou 9
personnes), composé d’élus et
des gens les plus allumés de
notre communauté. Des gens
désintéressés qui auront
l’indépendance d’esprit
suffisante pour « faire
arriver les choses » c.-à-d.
« brasser la cage ».
Nous n’avons pas le choix
d’affronter les défis
économiques qui se présentent à
nous. Si nous les ignorons, nous
serons tout simplement exclus de
la prospérité avec un niveau de
vie qui déclinera.
Jocelyn Daneau
Saurelois, fier citoyen de
Sorel-Tracy!
Adresse courriel :
jocelyndaneau@gmail.com
Site internet :
www.jocelyndaneau.com
Sur TWITTER:
http://twitter.com/#!/JocelynDaneau
1
Les candidates féminines à la
mairie me pardonneront ici,
l’utilisation du masculin.
2
Le hasard fait drôlement les
choses. Mon confrère de classe
et ami, Robert Gagné, professeur
titulaire au HEC Montréal et
directeur du
Centre sur la productivité et la
prospérité sera conférencier
par la Chambre de commerce de
Sorel-Tracy, le 25 avril 2012. |