Hélène-la-gaffe
Mardi 1er juin
2010
Est-ce que ça
vous arrive, vous, de dire des
niaiseries dans les moments les
plus graves de votre existence
? D’avoir des fous-rires à un
enterrement ? De dire « mes
félicitations » au lieu de « mes
condoléances » ?
Moi, si.
Ça m’est arrivé
récemment. Le téléphone sonne.
Je sais que la mère de la
personne qui me parle est
mourante. Et pourtant, un GROS
« Comment ça va tout joyeux »
est sorti de ma bouche, comme
ça.. ! Oups… petite cloche qui
sonne dans ma tête… Je ne
devrais pas avoir l’air si
joyeux. Je me reprends, plus
sobrement : « À propos, comment
va ta mère? »
Pas bien, qu’elle
me répond.
En fait, elle
appelait pour annoncer son
décès.
Ouf… Après le
coup de téléphone, je me sens
désolée, mais mon chum me
répond, ta-ta-ta, ce n’est pas
si grave. Tu ne pouvais pas le
savoir.
Mais le pire,
c’est que ce n’est pas tout.
Le téléphone
sonne à nouveau. La même
personne. Je veux donc en
profiter pour m’excuser. Et là…
Je ne vous dis pas, mais je vous
l’écris (j’ai encore un coussin
sur la tête tellement j’ai eu
honte). J’ai voulu lui témoigner
ma sympathie :
« Je suis désolée
pour tantôt. Je t’offre toutes
mes fffff… fél….Merde-de-merde-de-merde,
qu’est ce que je suis en train
de dire là ! Je cherchais dans
ma tête le bon mot, j’avais le
cerveau gelé, et je l’imaginais,
elle, congelée au bout du fil.
J’ai fini par le
trouver, le foutu mot
(condoléances ou sympathies, je
ne sais plus), mais j’ai eu
l’impression que ça avait duré
un siècle.
À côté de moi,
mon chum, l’air perplexe, se
demandait ce que j’allais sortir
de ma bouche.
Coud’onc, faut-il
être niaiseuse ! J’ai tellement
eu honte, je me cachais la tête
derrière le coussin dont je vous
ai parlé plus haut. Je pleurais
de honte, j’avoue, j’aurais
voulu m’étrangler plutôt que de
dire de telles niaiseries.
Ah, le stress,
probablement, m’a dit mon chum.
Il est donc fin ce gars-là.
Ça m’a rappelé la
mort de mon père. Il y a bien
des années, au cimetière,
j’avais eu un de ces fous-rires
nerveux comme ce n’est pas
possible.
Mon père était
musicien. Une de mes cousines
avait donc envoyé une couronne
de fleurs en forme de clé de
sol. Mais sur le terrain, la
couronne avait été placée en
haut de la butte de terre, et la
clé de sol était à l’envers.
Connaissant le
caractère un peu bougon de mon
père, je l’imaginais chialer et
dire : Barnak (scusez, mais
c’était son expression
favorite), c’est qui le tata qui
a placé la clé de sol à l’envers
?
En imaginant la
scène, je me suis mise à rire
pendant une dizaine de minutes.
J’en pleurais, autant de peine
que de rire. Plus j’essayais de
me retenir, plus je me remettais
à rire. J’ai même entraîné ma
mère dans mon fou-rire après lui
avoir expliqué la situation.
Elle aussi, imaginait bien mon
père dans ce contexte.
Comme c’était mon
père qui était enterré, j’étais
en avant, bien en vue,
évidemment. Plus niaiseuse que
ça, tu MEURS…
…Ah non, pas
encore, ce n’est pas le temps !
Ferme-la donc, Hélène-la-gaffe. |