LE SORELTRACY MAGAZINE     *  Dernière mise à jour : mardi 29 juillet 2014 11:41

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NÉCROLOGIE

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Robert
Barberis-Gervais

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L'opinion exprimée dans le cadre de cette chronique, est celle de son auteur
et ne reflète pas nécessairement l'opinion, ni n'engage le SORELTRACY MAGAZINE.
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mardi 29 juillet 2014

Quand la politique tue la religion

par Robert Barberis-Gervais

J'ai jadis reproché au critique littéraire du «Devoir» Jean Ethier-Blais de parler beaucoup de lui en prenant pour prétexte tel ou tel roman. Le ferais-je aujourd'hui? Je le reproche aussi à Victor-Lévy Beaulieu qui nous raconte sa vie en parlant de Jacques Ferron ou de James Joyce. J'ai prédit sur la page Facebook de VLB que la biographie du syndicaliste de choc, terreur des entrepreneurs, vedette de la commission Charbonneau, Bernard «Rambo» Gauthier qu'il publiera cet automne parlera autant de VLB que de Rambo.

On peut certes revendiquer la liberté impériale de l'auteur. L'ennui c'est que quand on a beaucoup fréquenté l'oeuvre de l'Editeur de Trois-Pistoles, on commence à la connaître cette vie du barbu de Montréal-Nord. Le biographe pourra bien faire toutes les digressions qu'il voudra. Mais espérons que ce ne sera pas trop répétitif. Un «moi» peut-il aborder un autre «moi» sans parler de son «moi» propre? Et VLB n'a-t-il pas toujours rêvé d'être un militant comme Rambo. Il le sera par procuration tâchant de faire oublier toutes ses entreprises politiques plus ou moins réussies, de son appui à Mario Dumont jusqu'à sa longue citation de la «Lettre ouverte aux indépendantistes» d'Amir Khadir qui termine son pamphlet «Désobéissez» où on peut lire ce portrait brutal, cruel et injuste de certains leaders péquistes du passé: «Nos politiciens coureurs de jupons, alcooliques, toxicomanes ou simplement naïfs, nos politiciens qui s'engagent en politique pour mieux y peaufiner leur plan de carrière «pour après», voilà ce que le citoyen «conscient» doit d'abord éliminer.»

Et on doit lire le passage suivant publié le 2 septembre 2013 en pensant à la déclaration d'appui donné par VLB le 14 mars 2014 à l'engagement indépendantiste de Pierre-Karl Péladeau: «Nous n'avons pas de Gandhi chez nous, ni de Nelson Mandela, ni de Hugo Chavez. Nous n'avons aucun homme politique qui, avant de s'engager pour la «cause» s'y soit préparé adéquatement, autant dans sa vie personnelle que par-devers les principes dont il ne dérogera pas une fois qu'il passera à l'action.»

Comment éviter de parler de soi quand c'est ce qu'on connaît le mieux et que c'est disponible sans se forcer. Comme critique de théâtre, quand il n'avait pas aimé le spectacle, Paul Léautaud parlait de ses chats. Prenez Pierre Foglia qui est notre Léautaud. Quand il se met à jouer au philosophe ou au sociologue, il est sentencieux, il tombe dans des généralités, il essaie de nous faire la leçon et devient carrément chiant. Il fait du remplissage. Ce n'est pas un penseur et il le sait, c'est un chroniqueur. Quand il raconte le sauvetage d'un chat, il est à son meilleur. Il est touchant, il est tendre. C'est un homme bon. Du moins, il veut qu'on le croit sinon pourquoi décrirait-il le sauvetage du chaton.

Montaigne a écrit: «Chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition.» Homme est ici évidemment un terme qui embrasse la femme. Ce qui ferait en 2014: «Chaque être humain porte la forme entière de l'humaine condition.» Ou, dans l'optique égalitaire de l'auteur des «Essais», pour surprendre avec une formule que je n'ai vue nulle part: «chaque femme porte la forme entière de l'humaine condition.»

Toujours est-il que ça fait longtemps que les rapports entre politique et religion m'interpellent. Ainsi l'histoire suivante arrivée en 1967 m'a coûté mon emploi au Loyola College devenue Concordia University. Je donnais un cours sur l'athéisme contemporain, Nietzsche, Marx, Freud, Sartre. J'aimais ouvrir des parenthèses devant ma classe d'une quarantaine d'étudiants qui avaient 20-21-22 ans.

Je leur posai en anglais évidemment la question suivante: «Qu'est-ce que l'Union Jack fait dans la chapelle catholique des Jésuites du Loyola collège?» J'ajoutai que la Nouvelle-France a été l'objet d'une conquête par les armes par les Anglais en 1759. Que le drapeau de l'Angleterre qui est dans la chapelle, c'est de la politique et que ça pose un énorme problème à un indépendantiste qui essaie de prier. Est-ce que la religion catholique ne devrait pas être neutre par rapport à la politique? Bonnes questions reconnurent la majorité des élèves. Certains sont même allés voir les Jésuites du Theology Department pour réclamer que l'Union Jack soit retiré de la chapelle. C'est à ce moment-là que certains Jésuites ont pris conscience de mon existence: après deux ans d'enseignement apprécié des étudiants comme en témoignait une "student evaluation" somme toute très favorable, juste au moment d'acquérir ma permanence, je fus remercié de mes services. C'est ainsi que, deux ans plus tard, j'aboutis au Collège de Sorel-Tracy pour enseigner la littérature où j'étais plus à l'aise que dans l'athéisme.

Stendhal a écrit que «la politique dans un ouvrage littéraire, c'est un coup de pistolet au milieu d'un concert». J'ajouterai, pas seulement dans un ouvrage littéraire. L'histoire suivante le confirmera qui n'aura pas besoin de longs développements.

En vacances dans les Cantons de l'Est, en compagnie de ma conjointe, j'ai assisté à la messe de onze heures chantée par les Bénédictins de l'abbaye de St-Benoît-du-Lac. Une vingtaine de moines en chasubles blanches ont co-célébré l'office divin. Souvenirs de visites passées. C'était mardi, le 15 juillet, la fête du franciscain saint Bonaventure. Le kyrie eleison fut chanté en grégorien. Tout était harmonie, paix, beauté, sérénité dans la très belle église. Merveille de la liturgie catholique. Avant la lecture d'un extrait de l'Evangile, lecture d'un texte de l'Ancien Testament. A trois reprises le nom d'Israël résonna dans l'église et, à chaque fois, on entendit des bombes éclater sur Gaza.

Robert Barberis-Gervais,

Vieux-Longueuil,
mardi 29 juillet 2014
barberis@videotron.ca

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