LE SORELTRACY MAGAZINE     *  Dernière mise à jour : lundi 13 août 2012 19:23

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NÉCROLOGIE

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lundi 13 août 2012

Le primaire, le primate et moi 
En suite au machisme « ordinaire » saisi par l'oreille de Mlle Sofie Peeters
 

Réf. : http://fr-ca.etre.yahoo.com/blogues/buzz-et-trouvailles/femme-de-la-rue-l-illusion-de-l-egalite.html ou http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2012/07/31/chienne-le-machisme-ordinaire-filme-en-camera-cachee ou http://www.divertissonsnous.com/2012/08/01/sofie-peeters-se-fait-insulter-dans-la-rue-a-bruxelles  

 

« Monsieur William,
Qu'alliez-vous faire dans la 13e avenue…??? 
»

Monsieur William
(Jean-Roger Caussimon/Léo Ferré)

 

Si l'homme descend du singe, il faut bien convenir qu'il est désormais habité par la folle envie d'y remonter. (Hélas, antienne bien connue de mes proches... et que j'ai ici l'inélégance de rappeler à leur souvenir)

Et ce de mille manières, et depuis maintenant de nombreuses années.

À une époque de l'Histoire où on pavoise les Droits de l’Homme bien haut, et plus que jamais, et de loin, le Respect de la personne (celle-ci, en moult circonstances objet des préjugés les plus primaires ou triviaux, que l'on croyait pourtant éradiqués de la vie sociale depuis au moins les années soixante-dix, par exemple), lui, ce dit Respect, en revanche, nous renvoie quelques années-lumière (années-ténèbre ?) en deçà du XXIe siècle. Ou peu s’en faut.

Cette violence de tous les instants, à l'échelle microcosmique de la vie des citoyens, et qui prévaut de toutes les façons, en notre temps, dans la vie quotidienne des gens (et que ces quelques secondes de film, hélas, illustrent à merveille *), signale assez bien, à mes yeux, les lendemains qui nous attendent. À l'échelle – macrocosmique – de l'Humanité.

Car si l'agression permanente se profile de la sorte si aisément dans chacun de nos petits mondes (privés, publics ou semi-publics, quelque « coucounés » ou protégés que ceux-ci puissent se révéler à l'occasion), c'est-à-dire entre individus à de multiples égards ‘semblables’ (par la langue, la culture, la vie locale, la proximité, l'histoire commune…), c'est qu'une allumette-prétexte nous attend patiemment à chaque carrefour de nos petits trajets personnels.

Une allumette qui justifiera toutes les explosions. Tôt ou tard.

Car si nous ne souffrons même plus « le même », l'« Autre » deviendra a fortiori, rapidement et pour ainsi dire fatalement, l'ennemi à abattre. L'ennemi absolu.

Aussi je crois que l'Homme en est au point – sur le vecteur emballé (jusqu'à la démence ?) de son Histoire – où il supporte de plus en plus difficilement sa civilité au sens fort du terme. C'est-à-dire : la Civilisation.

C'est-à-dire, encore : sa propre Humanité.

L'Horreur, la véritable horreur, qui incline si peu à l'optimisme dans le cadre d'un (in)certain avenir commun à la surface du Ballon bleu océan, c'est que le phénomène, à n'en plus douter, se révèle « pleinement » universel. Je veux signifier en cela que cette espèce d'engoue­ment furieux pour le balayage, le repoussement ou la proscription hic et nunc de tout ce qui résiste au caprice du désir immédiat (« Tasse-toi mon'oncle ! » ou… « Couche-toi ma'tante ! », pour ici nous en tenir aux formes les plus triviales, je n'ose dire anodines, d'un comportement devenu une seconde nature) s'est tricotée, à la fin, une glutineuse toile d'arachnide à laquelle (microcosme et macrocosme confondus) plus rien n'échappe.

Et c'est ainsi que Téhéran, Pyongyang, Tel Aviv, Washington, Damas ou Moscou, sinon Beijing, ont pris racine aussi bien dans le « paisible » (?...) quartier où j'habite que dans ma frêle et toute petite tête d'homme. 

Car cette irrépressible « pulsion » d’oblitération, voire de néantissement, fait de (nous) Tous un Même tout entier abandonné à cette identité abolissante. Et du coup, un Même qui devient en quelque manière absolu. Parce que parvenu précisément, chemin faisant, à éradiquer tout Autre.

Lequel Autre dès lors – puisqu’il n'y a point de Même sans Autre, et inversement – trouvera à se loger nulle part ailleurs que dans ce Même même.

Qu'entendre, et que lire dans ce délire ?

Sinon que l'Humanité a folle envie d'en découdre.

Avec elle-même.

Je le crains. 

 

 (Reconnaissance à vous pour ce court film
hautement didactique, Mlle Sofie Peeters)

 

Jean-Luc Gouin
LePeregrin@yahoo.ca
Québec, le 6 août 2012 (67 ans plus tard…) 

* Autre illustration caractéristique de ce phénomène parmi cent et une, survenue il y a moins de quarante-huit heures, et que je n'invente pas (veuillez m'en croire) : me déplaçant sur un trottoir en plein Vieux-Québec, et à une heure fortement achalandée, un groupe d'adolescents en vélos décide de « prendre possession » à toute allure de cette non-piste cyclable en risquant, et sérieusement, de blesser des piétons au passage. J'ai immédiatement souligné aux intéressés, dans une interpellation en coup de vent, le caractère peu respectueux de l'entreprise… pour me faire rétorquer aussitôt : « Eh bein tass’‑toué… ! ». Exclamation accompagnée au surplus d'un superbe doigt d'honneur... exécuté à distance (aurais‑je eu moi‑même le sang froid de ne pas gifler l'agresseur si j'eusse été à proximité ? Pas sûr !). Séquence anecdotique ? Non pas, si c'est le lot de tout un chacun, jour après jour. Injures ou insultes, pour un oui ou pour un non, impolitesses de tout acabit, sinon le poing (ou le doigt…) levé à tout propos – y compris chez le jeunot à l'égard d'un adulte ! Et nul, non, nul n'y échappe (car ce n'est plus seulement, détrompons-nous, le fait de phallocrates mal dégrossis dégoulinant de testos­térone) : tantôt dans le rôle de la victime, tantôt dans celui de l'offenseur, jeunes et moins jeunes, femmes et hommes, indistinctement, tous participons activement à/de cet enfer en Cité. Bref, ce sont là des scènes désormais devenues coutumières. Or retourner si naturellement à la Jungle (in Asphalt Jungle, aurait pu naguère préciser l’icône Marilyn) – dans nos sociétés par ailleurs, ô paradoxe, hautement technicisées et sophistiquées – n'est-ce pas pour le coup remonter le temps en revêtant à nouveau le gracieux vêtement de nos aïeux aux accents darwiniens ? Cela dit, bien sûr, avec les mille pardons d'usage. Car quel primate, en effet, oserait agir de si primaire manière ?

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