vendredi 28 janvier 2011
« QUESTION DE FEELING »,
une chronique de Lucie Antaya
PETIT VENIN
INOFFENSIF
« Avez-vous
r’marqué sur les trottoirs…? »,
(chanson de Raymond Lévesque ).
En fait, ce dont je veux parler
brièvement relève plutôt de
l’ouïe que de la vue. Je
remarque parce que j’entends,
non sans un haut-le-cœur, que de
plus en plus de personnes, en
fait, de plus en plus d’hommes
se raclent généreusement la
gorge avant de cracher ce qui
semble être un petit venin
inoffensif. Aurais-je le cœur
trop sensible? Peu m’importe. Je
m’empresse, en ces riches
moments de symphonie gutturale,
soit de fredonner pour couvrir
les fausses notes, soit de filer
à la vitesse de la comète.
Peut-être serait-il plus
libérateur de crier bien fort :
OUACHE!...?
L’INTEMPOREL
N’existent pas
seulement la richesse et la
magnificence des Seychelles ou
du Sahara. Quelque chose
d’aussi intensément riche
persiste, plus près de nous.
Quelque chose de si
intimement lié à soi qu’on
l’oublie. On n’en perçoit ni la
présence, encore moins l’ombre
et le poids. C’est quelque
chose qui nous touche, qu’on
ignore. Pourtant, nous sommes
paniqués à la perspective d’en
manquer. Quelque chose
qui est toujours là, avec lequel
nous carburons le plus souvent
à haute vitesse, parfois avec
délectation mais qui, en son
temps, s’arrêtera pour nous. Ô
temps, nous suspendrons notre
vol.
COMME LES GELÉES
AUX FRUITS
Douces,
acidulées, vivement colorées,
ces friandises empruntent des
formes variées à la plus grande
joie des petits et des grands.
On les aime bien tendres et
goûteuses.
Se laisser
émouvoir est tout aussi tendre
et savoureux, quand on y pense.
Laisser dissoudre la sensibilité
au fond de notre cœur, dans un
élan de tendresse justifiée ou
sans cause, se rallier en toute
sympathie à la condition humaine
avant de la juger, se sentir
partie prenante de cet
incommensurable cocon qu’est la
vie, imparfaite mais ainsi
faite, jalonnée de saisissante
beauté, composée d’êtres
imparfaits mais capables
d’édifiantes réalisations. Ne
pas craindre le feeling,
ce GPS naturel. Exprimer
fièrement et généreusement les
Je t’aime, j’aime, je
m’aime tandis que nous y
sommes encore. Nous sommes de
passage; donnons-nous donc les
plus beaux paysages.
« LES NOURRITURES
TERRESTRES »
« Ce manuel
d’évasion, de délivrance… »,
écrit lui-même André Gide à
propos de son livre.
Je voulais voir
le temps passer, au bord de la
mer. Tranquillement et
sereinement, il en a été ainsi,
en compagnie de ce livre
dont quelques grains de sable
s’accrochent sûrement encore,
tel un rêve qui ne s’évanouit
pas tout à fait, au papier
rugueux.
Lire Gide s’avère
un acte philosophique, poétique,
un geste de plaisir, surtout.
« Comprendre,
c’est se sentir capable de
faire. Assumer le plus possible
d’humanité, voilà la bonne
formule. »
EN PENSÉE…
Devoir se faire
respecter est beaucoup moins
intéressant qu’être
naturellement respecté.
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