lundi 03 août 2009
Le polyuréthane… « Parle-moué-z’en pus, tu
m’tannes! »
Contrairement aux très étanches maillots en
polyuréthane, mon intérêt à l’égard des derniers Mondiaux de natation
tenus à Rome a vite pris l’eau. En fait, il a coulé à pic, sombrant
« corps et records »!
En bout de couloir, la désolante combine des combinaisons n’aura fait
que des perdants, selon moi. De nombreux rebondissements sont à prévoir
sur les tablettes des records; en effet, le 1er janvier 2010, date à
partir de laquelle le polyuréthane sera enfin materia non grata (matière
non bienvenue), qu’adviendra-t-il de la flopée de « records en
caoutchouc » établis jusque-là? Va-t-on les « effacer du
Livre » comme
ils le méritent… oubedon les alourdir de l’infamant astérisque (*)? Et,
que vaudront réellement toutes ces rubber-aided performances dans
l’esprit des gens, nageurs y compris? Moi, en tout cas, la fameuse
glisse miracle qu’autorise la combinaison Jaked me hérisse tous les
poils : c’est loin de couler comme sur le dos d’un canard, croyez-moi…
Ainsi donc, ce à quoi l’on vient d’assister à Rome, c’est une course de
maillots… et non point de nageurs. Je ne suis pas contre le progrès,
tant s’en faut; je souhaite seulement que la natation reste de la nage…
à saveur et à dimension humaines. Il n’y avait pas que les sacs en
plastique à bannir : les costumes en plastique itou! Dieu merci, on a
fini par le comprendre, mais trop tard pour Rome!
Ma bonne volonté n’est hélas pas aussi élastique que la conscience des
bonzes qui ont autorisé le port du « maillot tout poly » au cours des
récents Mondiaux et, du même coup, plongé le monde de la natation dans
un sale bain. Vous l’aurez compris : la fibre synthétique ne me titille
pas la fibre sportive : elle me la fige carrément, au risque de la…
noyer! Imaginez, moi, naguère fan fini de la FINA (Fédération
internationale de natation), je suis resté tout à fait imperméable à
l’enthousiasme débordant de nos propres « porte-couleurs ». « Je savais
que je l’avais en moi », a glissé une Annamay Pierse bien saucissonnée
dans le polyuréthane après avoir établi son record du monde au 200 m
brasse. Eh ben! je suis désolé, mais, à mes yeux, elle l’avait surtout
sur elle… Je veux parler de son maillot, of course!
Dans la conjoncture actuelle, n’eût-il point été de mise de remettre aux
vainqueurs « polyuréthanés » des médailles en chocolat pur plutôt qu’en
métal dur? Pour compenser, histoire de donner un peu de lustre à des
Championnats irrémédiablement ternis par la controverse, on aurait pu
songer à décorer de l’Ordre du Mérite celui ou celle qui enfilait le
plus vite sa « seconde peau », ou s’en délestait le plus élégamment, tel
un serpent en mue, pour retrouver son costume d’Adam ou d’Ève…
Je sais bien! On n’en a que pour la performance, que pour les records!
Dans les courses d’accélération, on a bien des chars « jackés »; alors,
pourquoi pas, en natation, des corps « jakés » (c.-à-d. encapsulés dans
des maillots de marque Jaked)? Voyez un peu où ça nous a menés!
Aux nageurs et –euses qui tiennent mordicus au maillot en « robbeur »,
je lance non point une bouée, mais cette invitation : si vous tenez tant
à mieux flotter, à fendre l’eau plus efficacement qu’avec votre épiderme
d’origine, lâchez la natation, puis recyclez-vous dans le yachting!
Jean-Paul Lanouette |