Dehors, les dinosaures!
Voici une adaptation full libre d'un fait trop
souvent vécu…
Quand, pour quelque
raison nébuleuse ou, au contraire, trop évidente et… inavouable, oui,
quand un organisme « conduit » par des cadres soi-pensant dynamiques,
mais hélas fort mal éclairés, décide de négocier sur les chapeaux de
roue le fameux virage jeunesse, réputé très serré, c'est l'éjection
assurée pour les « vieux » passagers arrière, même ceux qui se croient
le plus solidement arrimés sur leur siège! Et ils n'auront rien vu
venir, les pauvres! Le croiriez-vous, pareil « accident » vient de se
produire… tout près de chez moi!
Le plus ironique de
l'affaire, c'est que, dans ce genre de manœuvre effectuée à vitesse
grand V, le « chauffard », lui, s'en tire généralement sans la moindre
égratignure, ayant même droit, en prime, aux félicitations d'usage de la
part des très hautes instances (genre conseil d'administration, par
exemple) qui ont commandé ou cautionné ce « nettoyage de banquette
arrière », opération aux forts relents d'âgisme! En passant – et en
guise d'explication possible –, les très hautes instances en question le
sont à ce point, « hautes », qu'elles s'en trouvent souvent tout à fait
déconnectées de la p'tite réalité terre-à-terre des « salariés
ordinaires ».
Y'a pas à dire : beau
coup de théâtre… et de balai! En provoquant cette sortie en masse des
vieux acteurs par les côtés cour et jardin à la fois, on dégage la scène
subito presto et, surtout, on rajeunit la troupe, ce qui, tiens
donc! permet d'aplatir au max l'enveloppe des cachets à verser, si
minces soient-ils déjà pour les seconds rôles, toujours les premiers
sacrifiés pourtant. Et tant pis si la qualité de la « performance »
générale risque d'en pâtir! Opération « âge d'or dehors » réussie : aux
yeux des gestionnaires d'opérette, c'est tout ce qui semble compter dans
l'immédiat!
En tout cas,
aujourd'hui, Jean qui rit est totalement éclipsé par Jean qui
pleure… Justement, y'a des gens qui pleurent, et j'en
connais!
« Ça fait que… »
L'urgence, le besoin de dire
quelque chose, je le ressens en songeant à tous ces boss – depuis
les plus grands jusqu'à ceux dits « de bécosses » – qui, en vertu de
leur sacro-saint et combien commode « droit de gérance », risquent à
tout moment de s'estimer parfaitement fondés à procéder à une
restructuration aux allures de grand ménage, style « cure de jouvence
extrême ».
Or, à l’aube de leur « sexagénat » (60 ans), nombre de
travailleurs n’ont tout simplement pas envie, et encore moins les
moyens, de se voir « retraiter » de la sorte par des coupeurs de
tête professionnels qui, eux, malgré cette terrible carence de fonds
dont ils vous martèlent les oreilles à satiété, touchent
un traitement faramineux, et qui, quelque empathiques qu'ils aient le
toupet de se prétendre à votre égard, restent intraitables dans
l'exécution de leur sale boulot : faire tourner la machine À TOUT PRIX,
quitte à faire rouler les têtes, de préférence les grises!
« Regrettable! » qu’ils disent… Essayez plutôt « indécent! »
« En voiture! » puis… « Hors voiture! »
La morale de tout ça, si tant est que l'on puisse parler de
morale ici, eh bien! la voici! Si vous avez allègrement franchi le cap
du demi-siècle depuis quelque temps déjà et que votre patron insiste
pour vous amener « faire un tour de machine » – ceinture non bouclée, et
à tombeau ouvert!?! – en invoquant des arguments qui ne tiennent pas la
route, méfiez-vous! Ce n'est plus, bien sûr et hélas, votre
« virginité » qui est menacée en fin de course, mais votre dignité,
votre fierté, votre « gagne-vie », votre job, quoi!
Croyez-moi, vous avez alors tout intérêt à vous bien cramponner
dans les virages si vous ne voulez pas, à votre tour, être proprement
« éjecté »… pour vous retrouver, dans quelques mois au mieux, sur le
trottoir en face du bureau, une boîte de carton dans les bras…
Gros-Jean-qui-pleure comme devant!
Jean-Paul Lanouette