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Mise à Jour : 
samedi 19 février 2005

Langue noire
Solution finale

Lettre à ZDnet France
                     Réflexion générale à partir d'un cas particulier 

       (Version préliminaire d’abord publiée sur le site cybernéen « Impératif français ») 

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On le parle de mémoire pas besoin de traducteur
On a tous sans le savoir un Larousse dans le coeur
Avec ses tournures de province et ses pointes d'accent
Il a fait trembler les princes, tomber les présidents

 [...]

Si le rêve de quelques-uns est d'en faire un patois
Une langue de rien, un parler d'autrefois
Ne prenons pas la gomme à effacer les mots
À effacer les hommes qui chantent à la radio

 [...]

Qu'on écrive les Droits de l'Homme ou « Ne me quitte pas »
Se comprendre d'abord c'est s'entendre déjà
Avec ma femme je l'avoue les « je t'aime » sont naturels
Dois-je dire « I love you » pour être universel ?

Laissez chanter le français
Laissez chanter le français
 

Pierre Bachelet, Laissez chanter le français 

Ça devient tout à fait insupportable ce charabia franglais, gens de ZD-net France.  

Dans chacun des courriels quotidiens d'information que vous m'acheminez (e-mail, as you say), un mot sur trois, ou quatre, n'est pas français. Mais qu'est-ce donc à la fin que cette maladie contagieuse française – car la Belgique et la Suisse s'y mettent allègrement à leur tour dans la foulée – qui consiste en France à se gausser dans l'indifférence générale de la France même ? 

Vous jetez littéralement votre idiome aux ordures, comme si celui-ci était congénitalement inapte à nommer et à penser le monde. Or pour ma part je ne peux plus, mais vraiment plus, manger de ce pain-là. De ce pain noir. Décidément indigeste. 

L' anglais vous vient désormais à l'esprit spontanément ; les guillemets en surnuméraires, fussent-ils « français », ne changeant rien à l'affaire. À croire que le français est devenu rien moins, rien de plus, qu'une langue seconde dans votre propre maison, dans vos propres châteaux – de Versailles, de Blois, de Chenonceau, de Chambord, de Fontainebleau. Ou de Montségur. Les entreprises et les commerçants de chez vous (en priorité quoique nullement en exclusivité, car la société française dans sa quasi-totalité s'abandonne en effet « avec bonheur » à cette joyeuse déliquescence nationale) ont-ils donc perdu jusqu'à la plus infime parcelle de dignité, à l'exemple d'un peuple totalement colonisé de l'intérieur par quelque bactérie mangeuse de chair ?

Il est vrai que zdnet.fr net ne constitue qu'une illustration ponctuelle, quoique exemplaire, de l'auto-éradication de la francité depuis son berceau même. Et vraisemblablement, les phoques de madame Bardot (nonobstant la beauté du geste) semblent aux yeux des Français infiniment plus cruciaux pour l'avenir de l'humanité que la disqualification définitive d'une langue et d'une culture. La leur de surcroît. 

Celle des Molière, des LaFontaine, des Vaugelas, des Racine, des François 1er, des Montaigne, des Diderot, des Voltaire, des Chateaubriand, des George Sand, des Balzac, des Flaubert, des Lamartine, des Colette, des Pasteur, des Mallarmé, des Marie Curie, des Clemenceau, des Jaurès, des Simone Weil, des Queneau, des Prévert, des Mendès-France, des Malraux, des Blanchot, des Brassens, des Camus, des Anne Sylvestre, des Deleuze, des Derrida. 

Or une France non française n'a plus d'intérêt pour quiconque. Pas plus qu'une Pologne américaine, une Chine italienne ou un Québec canadian. Voilà ce qu'il faudrait peut-être un instant méditer tous ensemble. 

Quand nous serons tous « identiques », et que nous aurons extirpé avec force asepsie toutes nos différences, l'autre – mon trop semblable – ne sera plus d'aucun intérêt. Car ce ne sera plus que du même. Qui soudain n'aura plus rien à m'offrir ou à partager, ni, réciproquement, de moi à recevoir, recueillir ou accueillir. Sous le couvert de l'Universel – au nom de quelque Nous vide de toute substance, « pacifié » sous l'égide d'une puissance plus ou moins occulte, et d'ailleurs moins réfléchie, choisie et assumée qu'instillée en douce par le biais des fissures béantes inhérentes au refus véritable de la pensée, de l'acte créateur et de la liberté – nous construisons dans notre présent moyen-âge un monde où l'homme devient pour lui-même inutile, superflu. Sans intérêt. Appelons-le, ce monde, le monde sac-de-billes. Ou l'Aliénation comme sommet de Civilisation. 

Si la « différence » se révèle fauteur de guerre à l'occasion*, il est vrai, elle est en revanche la voie indépassable et obligée du lien constructif, de la communication authentique et – osons l’obscénité de ce terme ringard pour tout Français qui se « respecte » – de l'amour. Et ce, dans toutes les déclinaisons imaginables de cette main tendue – du respect et de la reconnaissance à l'amitié et l'admiration. 

En conséquence (soyons presque brefs en cette présente), voilà pourquoi, ZDnet.fr, je me retire de votre service d'abonnement que je résilie à l'instant. Congruence intellectuelle, santé mentale et oxygénation culturelle obligent. 

Tant qu'à lire de l'anglissh à pleines pages, n'est-ce pas, aussi bien se diriger directement et sans détour vers les sites cybernéens (web sites, as you say tout de go) proprement britanniques, étatsuniens ou australiens. 

Vaut mieux l'original. Et il faut bien convenir qu'une France non française sera toujours une vulgaire copie – tout calque étant d'essence vulgaire par son caractère de pastiche sinon d'imposture. 

Visiblement, la Fille de Clovis, de Charlemagne, de Louis XIV et de Napoléon opte désormais pour le statut de rémora par opposition à celui de la force tranquille de l’orque, voire du magnifique pachyderme des savanes du Tchad ou du Sénégal où, incidemment, la langue de l'ex-métropole se voit autrement étreinte, soignée, attifée – avec tendresse, respect, fierté, intelligence et, par-dessus tout, loyauté. Puisque en la matière, il faut bien le dire, les « colonisés » de jadis (dont les Québécois, à leur manière, de 1759 à 1959) semblent depuis lors s’être investis d'un amour-propre qui paradoxalement, tragiquement aussi, fait cruellement défaut chez les anciens « maîtres », lesquels s'accordent dorénavant dans la plus parfaite insouciance l’insigne honneur de chausser les boots du valet. Et ma foi ! de les trouver chaudes et confortables à telle enseigne qu'il ne leur vient plus à l'esprit d'en changer.** 

Comment en quelques années à peine, une décennie tout au plus, une nation aussi fière et cultivée que la vôtre a-t-elle pu sombrer dans un asservissement pareil : volontaire, satisfait, heureux...? 

Nation toujours fin prête à sonner la retraite et à justifier par tous les sophismes possibles – sous couvert tantôt de pragmatisme, tantôt d’ouverture (béante comme piège à ours), tantôt de lucidité – la démission et l'exil intérieur. Et moi qui croyais que la Collaboration n'avait été qu'un dramatique accident de l'Histoire au pays des Jeanne d'Arc et des Charles de Gaulle. Hélas ! il semblerait que les Jacques Doriot, les Joseph Darnand et les Robert Brasillach de notre époque, voire les Maurice Papon, les René Bousquet, les Klaus Barbie et les Paul Touvier, soient remontés aux barricades pour en finir – une fois pour toutes – avec ce concept ridicule que l'on appelle : dignité des hommes et des peuples.  

So, Welcome all Yellow Cabs ! 

Ça fait mal, très mal, vous savez, de voir un être aimé (car les Québécois restent profondément attachés à la France, du moins à la haute idée qu'ils persistent désespérément, à tort ou à raison, à s'en faire) culbuter de la sorte dans l'insignifiance de sa propre négation tranquille, qu'il vit du reste comme étant tout à fait naturelle et, pour ainsi dire (parce que ça ne veut rien dire, tout justement) dans l'ordre des choses.  

« Chose ». Voilà manifestement le concept-pivot de notre humanité dépensante. 

Quand la dignité disparaît progressivement des rapports humains, individus ou collectivités, il n'y a plus rien qui tienne. Tout, hommes et choses, se réduit alors à une même valeur uniforme, objectale, interchangeable. Marchande. 

Comment un pays tout entier – les exceptions, de Dutourd à Orsenna, Druon, Pivot, Berger ou Cassen, Duteil à la rigueur (vivants et disparus ici réunis), se faisant fort rares et plutôt discrètes parmi la gent informée et réfléchie des lieux – peut-il viser à son propre anéantissement ? Voilà une pathologie aussi répandue que « le bon sens » selon Descartes – et que l’on nommera servitude volontaire – à proposer en examen aux Pontalis et aux Lacan de votre camp, de notre temps.  

Sur-le-champ.

Jean-Luc Gouin
LePeregrin@yahoo.ca
Capitale nationale, Québec,
9 février 2005
 

* Qui donne parfois sur des énormités auxquelles même les grands de ce monde, sociologiquement sinon dans leur personnalité singulière, et loin s'en faut, n'échappent nullement : « Le nationalisme, c'est la guerre ! » (dixit François Mitterrand, à la faveur de son second mandat présidentiel si je n’abuse personne). Bref, éliminons les enfants : il n'y aura plus de bagarres dans les cours d'écoles ; éliminons les femmes : on résoudra du coup les conflits conjugaux ; éliminons la francité : on s'épargnera le travail de Résistance face à l’absolutisme anglo-américain. En un mot : Soyons veules ! Ça nous évitera le harassant labeur qui est de nous conduire comme des hommes. Soyons « cartésiens », toutefois. Et saisissons bien que pour obtenir la paix, la sainte paix, il nous faudra en dernier ressort éradiquer « le mal » à sa racine : l'homme tel qu'en lui-même. À cette condition, et à cette condition seulement, se déploiera enfin le grand rêve de l'Universel : la fin de l'humanité comme ultime finalité de la civilisation. Ah... écrivait le Cioran de De l'inconvénient d'être né : « N'être pas né, rien que d'y songer, quel bonheur, quelle liberté, quel espace... » Fabuleux projet, en effet. Et toujours à portée de main d'homme. Suffit d'interdire l'avenir.  

** Il n’y a pas jusqu’au Monde – symbole incontestable (?) de la France pensante, éclairée, vigilante et instruite des souffrances de ce monde (à tout le moins, avant qu’Edwy Plenel et alliés idéologiques « francofrancophobes » {Alain Minc, Jean-Marie Colombani…} n’aient investi les lieux) – qui n’accueillît ses lecteurs à coups de Desk, de E-mail, de Newsletters, de Blogs, de Shopping, de Check-list, de Web, de Webmaster, de Sponsors, de Big Picture, de Cocooning, de PlugIn et autres douceurs typiquely hexagonales. France-Culture, icône analogue du raffinement intellectuel grand’public dans la matrie des Foucault et des La Rochefoucauld (et dieu sait combien, a contrario, cette antenne européenne reste à tous égards supérieure aux chaînes publiques de Radio-Canada, ô combien dérisoires depuis qu’elles se voient assujetties à la funeste inculture de ces gérants à la Rock-Détente nommés par nos Jean Chrétien de service, et qui s’appellent Robert Rabinovitch, Daniel Gourd ou Sylvain Lafrance), France-Culture, disais-je donc, n’échappe pas non plus à ce dépérissement calamiteux en nous offrant – parmi moult illustrations hélas ! toutes aussi ostensibles les unes que les autres par leur caractère systématique d’acculturation/dénaturation –  une section « Hugo Story » (dont au surplus, cela dit au passage, la plupart des hyperliens ne mènent nulle part). Victor Hugo en personne fondu comme beurre en poêle dans le Chicken Salad de tous les MacDonald’s de l’ensemble du territoire de la République. Bref rien n’est plus tabou désormais, alors même que tout se dissout dessous la chape de l’englissement réclamé à cors et à cris par… les francophones européens.

            À n’en pas douter, Friedrich W. Hegel lui-même, indéfectible admirateur du génie français en dépit (notamment) de la Terreur robespierrienne, eût été un témoin inconsolable du spectacle désolant de cette bascule Maître/Serviteur (« Her / Knecht Dialektik ») – dont jadis il thématisa le principe, on le sait, depuis ses foyers de la romantique Iéna. C’est d’ailleurs aux fenêtres de ceux-ci qu’il eut, dans une vive émotion, l’occasion d’apercevoir l’Empereur de ces étonnants Français - « cette âme du monde concentrée ici dans un point assis sur un cheval » qui venait tout juste de pilonner la paisible cité…

 

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