L'homme
bleu du… dessert
Vasy : « poque » sur
le cerveau, ou bleu à
l'intelligence!
Vous
avez quelque chose à vendre, un produit qui s'avale tout rond comme
une Viagra, se fume comme une Gitane, ou se boit comme une Labatt? À
moins qu'il ne s'agisse d'une idée – noble ou pas – à faire avaler à
vos concitoyens?
Je
n'ai qu'un mot pour vous : BE-LEU,
oui Monsieur, BLEU! En
effet, il vous suffit d'associer de quelque façon votre produit – ou
votre « belle » idée – à cette couleur, et c'est la réussite
assurée, ou presque. C'est vrai, peu de risques d'essuyer un cuisant
échec susceptible de vous pousser à en finir en allant vous jeter
sous les roues d'« un grand train bleu »
(chanson de Gilbert Bécaud) ou à l'eau… dans la grande
bleue (la mer Méditerranée), par
exemple. Mettez donc toutes les chances de vot' bord : dites-le avec
du bleu, faites-le en
bleu, empaquetez-le dans du
bleu. Ça marche!
Qui
dit bleu veut faire penser qualité.
Après tout, sang bleu n'est-il pas
synonyme de noble, et cordon-bleu,
d'excellent cuisinier? Détenir le ruban
bleu, n'est-ce point être « le plusse meilleur » dans sa
spécialité ou le mieux conformé parmi les représentants de sa race,
que l'on soit chat ou chien? Par ailleurs, pour « faire lever » une
fin de soirée plate, rien de mieux que la p'tite pilule
bleue de Pfizer,
paraîtrait-il. Et enfin, le Touareg, « homme
bleu du désert », n'est-il pas
enveloppé d'une aura de mystère qui agit comme un puissant aimant
sur notre intérêt, à tout le moins sur notre curiosité? Vive donc le
bleu!
Le
bleu, comme dirait un vendeur de
chars, c'est winner au boutte. Répétez après moi, lentement
et tout haut : « Bleu…
bleu…
bleu… » Ne trouvez-vous pas que c'est comme caresse pour les
lèvres, en même temps que musique pour les tympans? De fait, le mot
roule si bien en bouche que tout plein de paroliers n'ont pas hésité
une seconde à en émailler leurs ritournelles qui, sans être des
morceaux d'anthologie, ne sont pas nécessairement toutes à classer
dans le registre « quétaine » achevé. Rappelez-vous seulement… « Bleu,
bleu, l'amour est
bleu », chantait Roger Whittaker
entre deux longs sifflements à flanquer des complexes aux
rossignols. Il y eut aussi « La dame en
bleu » roucoulée par le crooner aux trémolos
larmoyants, Michel Louvain. Quant à la regrettée Pauline Julien,
elle n'est pas en reste : qui ne se souvient que la « lionne »
clamait sur scène n'avoir qu'à croquer une coup'e de 222 quand elle
avait les bleus?
On
le voit, on l'entend, le bleu a la
cote, et il n'est pas jusqu'aux publicitaires qui n'aient flairé la
bonne affaire! On donne dans le bleu
à qui mieux mieux, « mur à mur », pour un message qui accroche.
« Tout le monde le fait, fais le donc!» Et, n'ayez crainte, vous ne
commettrez pas un délit d'initié en vous servant de ce tuyau pour
élaborer vos savantes stratégies de vente.
Le
bleu semble in partout, dans
tous les secteurs, tous les domaines, et cela, depuis fort
longtemps, sauf peut-être en politique, où il n'a pas empêché ses
plus gros « porte-étendards » de mordre la poussière aux dernières
élections (le démocrate John Kerry aux É.-U., et le conservateur
Stephen Harper au Canada). Mais, rassurez-vous, ce sont là de rares
exceptions qui ne font que confirmer la règle (le
bleu, ça « pogne » en masse), même
s'il y en a une autre, d'exception, dont je m'apprête à vous
entretenir. Ouais! vous le verrez, il y a des risques de dérapage
non contrôlé; un certain Vasy en est la preuve patente, non
pas noir sur blanc, mais bleu sur
autres couleurs, disons.
Il
importe de se rappeler qu'en général le
bleu porte bonheur. Ainsi donc, opter pour cette couleur « à
la grandeur », c'est jouer gagnant. Fort de cette quasi-certitude,
le gouvernement du Québec lançait le 14 novembre dernier un
programme de promotion visant à inciter le bon peuple – c'est nous
ça – à adopter de saines habitudes de vie : « Vas-y, fais-le pour
toi!» Mais avez-vous vu qui c'est (ou quoi) qu'on a pris comme
porte-parole? Un bonhomme bleu de
pied en cap! Pas de doute à y avoir : ce Vasy est un
néophyte, un… bleu, et son
intervention dans nos existences de sédentaires mal nourris tombe à
plat, royalement!
Car,
cette fois, hélas! la magie bleue
n'a pas opéré, loin s'en faut… Entre vous et moi – sans oublier la
fameuse « boîte à bois » –, l'inénarrable Vasy, nouveau
personnage virtuel « mis bas » par notre provincial gouvernement,
n'est guère convaincant. En effet, cette créature d'aspect
« surgelé » pour le moins insolite, fruit indigeste d'un croisement
intempestif entre Tintin et Jonathan Bleue,
est censée nous inciter, ma famille et moi, à prendre le virage
santé en ayant pour mantra : bouger et bien manger.
Or,
avec un teint pareil, qui lui confère l'allure d'un Stchroumph
manqué, ledit Vasy, « homme bleu du dessert », ne me
donne guère envie de goûter à ce qu'il y a dans son assiette, vous
savez, ce que, dans la pub télé, il appelle des… légumes! Pour le
look santé, on aurait pu trouver mieux, me semb' : de quoi figer
à zéro le désir d'émulation chez tout être « normalement » constitué
(ou coloré). Cependant, pour ce qui est de faire bouger les
Québécois, c'est aut' chose. L'apparition de ce spectre
bleu « électrique » sur l'écran de
télé déclenche à coup sûr chez ceux qui y sont exposés une série de
mouvements saccadés et désordonnés, principalement de recul ou de
fuite, mouvements réflexes en tout cas irrépressibles, avec un temps
de réaction à faire pâlir d'envie les finalistes du 100 mètres
d'Athènes. Heureusement, le pouce toujours collé sur la « zapette »,
le maître ou la maîtresse de la maisonnée aura tôt fait d'évacuer le
monstre, de transformer Vasy en Vaten, histoire de
mettre un terme au supplice bleu.
Pour
ainsi passer de l'homme bleu du
désert à celui du dessert, il y avait plusieurs marches à descendre,
et, en haut lieu, l'on n'a pas su se priver de cet « exercice »… Ce
qui fait, Sacrebleu! que nous v'là
tous rendus pas mal bas – et l'estomac creux – avec ce Vasy à
la drôle de mine qui nous coupe l'appétit.