28 avril 2004
L'important n'est pas ce qui a été accompli mais ce
qu'en rapporteront les biographes.
Un exemple: la découverte de l'Amérique. Elle n'est
pas le fait de Christophe Colomb (sinon elle se serait appelée la
Colombie), mais d'Amerigo Vespucci.
De son vivant, Christophe Colomb était considéré
comme un raté. il a traversé un océan dans le but d'atteindre un
continent qu'il n'a pas trouvé. Il a certes débarqué à Cuba,
Saint-Domingue et dans plusieurs autres îles des Caraïbes, mais il n'a
pas pensé à chercher plus au nord. Chaque fois qu'il rentrait en
Espagne avec ses perroquets, ses tomates, son maïs et son chocolat, la
reine l'interrogeait: << Alors, vous avez trouvé les Indes ?
>> et il répondait : << Bientôt, bientôt. >>
Finalement, elle lui a coupé les crédits et il a abouti en prison après
avoir été accusé de malversations.
Mais alors, pourquoi connaît-on tout de la vie de
Colomb et rien de celle de Vespucci? Pourquoi n'enseigne-t-on pas dans
les écoles: << découvertes de l'Amérique par Amerigo Vespucci
>> ? Tout simplement parce que le second n'a pas eu de biographe
tandis que le premier en a eu un. En effet, le fils de Christophe Colomb
s'est dit: << C'est mon père qui a fait l'essentiel du boulot, il
mérite d'être reconnu >>, et il s'est attelé à un livre sur la
vie de son père.
Les générations futures se moquent des exploits réels,
seul compte le talent du biographe qui les relates. Amerigo Vespucci n'a
peut-être pas eu de fils ou alors celui-ci n'a pas jugé bon
d'immortaliser les prouesses paternelles.
D'autres événement n'ont survécu que par la volonté
d'un seul ou de quelques-uns de les rendre historiques. Qui connaîtrait
Socrate sans Platon ? Jésus sans les Apôtres ? Et Jeanne d'Arc, réinventée
par Michelet pour donner aux Français la volonté de bouter dehors le
Prussien envahisseur ?
Avis aux grands de ce monde: peu importe ce que vous accomplirez, la
seule façon de vous inscrire dans l'Histoire, c'est de vous trouver un
bon biographe.