La plante vivace dans La forest ténébreuse

Guy Laforest et Robert Laplante par Devoir interposés

 

  

Texte publié dans Au Fil des Événements (http://www.ulaval.ca/scom/Au.fil.des.evenements/
du 28 novembre 2002

 

 

Effet miroir saisissant dans Le Devoir du 19 novembre dernier.

 

D'un côté, en « libre opinion » de la page éditoriale, le directeur de la revue L'Action nationale (http://www.Action-nationale.Qc.ca), Robert Laplante, nous livre comme à son habitude un texte concis et lucide sur le désolant état de délabrement de la Volonté politique québécoise dans son ensemble*. De l'autre, une dépêche de la Canadian Press signée par Mathieu Boivin nous informe que Guy Laforest – naguère 'intellectuel' (i.e... objectif, posé, informé et nuancé, comme par définition, à l'instar d'un Stéphane Dion sans doute, trônant jadis dans un département analogue de ‘Science Po’), et désormais président ainsi que futur candidat de l'ADQ aux prochai­nes élections nationales – casse du sucre avec force mesquinerie, voire démagogie à ras le perce-neige, sur les reins de M. Jacques Parizeau qui, selon lui, et je cite le lavalien professeur : « […] nous a ramenés au nationalisme ethnique, qui a affaibli le rapport de force québécois dans le Canada et affaibli notre image internationale ».

 

Et puis quoi encore… ?    

Il est étonnant de constater, véritable phénomène sociologique en soi, combien, lorsqu’ils abordent l’univers du politique, certains individus passent subito de la scientificité respectueuse des idées au dénigrement le plus trivial des personnes, et ce à l’exemple – formation réactionnelle réinvestissant ses sources pulsives ? – de ces gens qui bondissent allègrement de la vertu d’hier la plus rigoriste à la licence la plus débridée du jour (Ah ! dira-t-on : « Depuis l’temps qu’ils en rêvaient dans leur couche nickel, ces bégueules solitaires… »).  

En écoutant M. Laforest et l'ADQ nous entretenir depuis quelques années de « changement » à la duplessiste manière, on comprend au quart de tour en quoi la régression (dans le passé et dans l'obscurité tout à la fois, fond et forme confondus) constitue, de fait, un authentique changement. Pas moyen de le nier, en effet. Le professeur de l'U. Laval a ici la logique pour lui : la mutilation lobotomique, ça change son homme M’dame ! Or dans son article, pointant incidemment l’ADQ et le PLQ, Laplante écrivait ceci : « Aucune injustice n'est jamais trop grande, aucune humiliation trop cuisante, aucune perte n'est jamais trop funeste pour remettre en cause le lien canadian. Rien de ce qui a de la valeur pour le Québec n'en [n’]aura jamais assez pour renoncer au Canada. » La boucle, strangulatoire, est bouclée.  

Alors voici.  

Les plus crédibles représentants politiques et porte-parole sociaux du Québec ont depuis quarante ans témoigné d’une dignité sans pareille dans le combat pour la défense, la promotion et l’achèvement du fabuleux projet d’émancipation de la différence française en Amérique. Je saisis donc fort bien désormais – je dessille enfin les paupières – quel type de changements réclament le politologue et l'équipe adéquiste. Il faut savoir toutefois qu’en jetant la dignité aux orties (de moratoire sur l’essentiel en assourdissantes abstentions en Canadian Club), ne reste autre voie, autre choix, que celui de la prostitution.  

M. Laforest, dussiez-vous vivre deux cents ans, je ne crois pas, sur l’échelle de l’excellence, que vous parviendriez à renforcir le Québec – tel un matériau noble – au-delà du mi-mollet du grand argentier et ex-Premier ministre du Québec, que vous avez ici pourtant injurié de chenue manière par vos propos tendancieux jusqu’à la malhonnêteté intellectuelle. Aussi m'est d'avis que votre discours en raconte infiniment plus long sur votre nanisme de pensée que – ô aberration en parfaite contradiction avec la carrière de l'individu – sur la présumée fermeture « ethnique » de M. Parizeau.    

Plus je vous entends, vous lis et vous écoute, M. Laforest**, plus je comprends avec clarté les craintes publiquement exprimées récemment par l’auteur d’« Il me reste un pays ». Qui sont celles d’une jeunesse éternelle, et certes pas celles d’un « vieillard » qui tremblote (devant, « émigrés de l’intérieur », quelque Marc Lalonde ou André Ouellet d’autrefois) à l’idée de perdre sa pension. Ou ses oranges.                         

Jean-Luc Gouin
Peregrin@Q-bec.com
Nov. 2002 (Mars 2003 sur S.-T.M.)

 

 

* « La campagne des capitulards » : http://www.ledevoir.com/2002/11/19/13675.html

** « moins je vous aime… », aurait pu ajouter Alain Barrière ?

 

Note : Sans doute d’utilité publique (?), voici l’adrélec de Guy Laforest : guy.laforest@pl.ULaval.ca

lundi 10 mars 2003