« En passant... » --- Textes de Jean-Paul Lanouette

Le court texte qui suit se veut une réplique à un article de Jean Dion («Problème de pois») paru dans Le Devoir du mardi 22 juillet 2003. Dans cet article, le chroniqueur se met en frais pour répondre à l'interrogation fondamentale suivante : « Pourquoi il est à pois, le maillot à pois? »  

Nous rappelant d'entrée que le maillot en question sert à « honorer le meilleur grimpeur du Tour de France cycliste », mister Dion, qu'il conviendrait plutôt d'appeler mystère Dion, «flâse» ensuite jusqu'en fin de chronique… pour avouer candidement au p'tit curieux 110 % fictif qui lui demandait le pourquoi des pois sur le maillot : « Je n'en ai pas la moindre idée. » 

Y'é ben crapaud, le Dion : remonter pratiquement à l'invention du tire «balloune», celui-là même qui allait détrôner à jamais le tire «plein» (sauf sur les tricycles n'ayant point pignon sur roue), ouais! nous raconter mille histoires accessoires pour finalement négliger l'essentiel… J'le prends juste pas! Y'a d'quoi déchanter, que dis-je? de quoi déjanter!  

Mû par le souci de trouver réponse à la question ainsi éludée par le journaliste sportif susnommé, je vous livre incontinent le fruit de ma propre réflexion sur l'on ne peut plus ponctuel sujet des pois textiles : 

Pois sur la conscience

            Vous êtes un vilain, Monsieur Dion sans «de»[1] : nous tenir en haleine de la sorte bien au-dessus de notre selle pour, en fin de course, nous faire «déclipper» (déchausser) des deux bords à la fois et, du même coup, perdre les pédales, littéralement!!! Comme vous dites : « Ayoye! la barre! » 

Un maillot blanc à gros pois rouges pour le meilleur grimpeur... Pourquoi donc?

            Ouais! nous laisser en plan, dans le plus opaque des brouillards, en ce qui a trait à l'origine du maillot à pois, c'est indigne de vous, ça! Y'en a qui, à bien moins, se sont vu infliger le supplice de la «roue» ou ont fini à la «potence»! Vous mériteriez presque qu'on déversât de la poix bouillante sur votre clavier d'ordi. Magnanime, je me contenterai plutôt de répondre à votre esprit de bottine par un esprit de chaussure à clip : peut-être, à mon tour, réussirai-je à vous faire perdre les pédales; vous comprendrez alors qu'il est encore plus périlleux d'atterrir sur les deux que de filer sur une seule (gosse)... 

            Je vous imagine pourtant contrit et repentant, avec comme un pois sur la conscience. Non? Alors, rassurez-vous, je vais vous faire sauter ça en criant «bine», moi, Monsieur! 

            Non mais… pour nous pondre cette non-réponse à l'existentielle interrogation que vous avez vous-même soulevée concernant le maillot du meilleur grimpeur (en passant, il doit être populaire auprès de la gent féminine, celui-là!), fallait-il que vous eussiez les mirettes bouchées par la purée de pois pyrénéenne, celle-là même d'où, au terme d'une épique chevauchée, émergea en vainqueur le preux chevalier Lance-au-bras-fort[2], plus faible que fort d'une avance de 40 secondes sur Ulrich-le-Teuton. Aveugle, vous l'étiez certes, car des explications possibles, il n'y en a pas qu'une, mais des tas. 

            Soucieux d'éclairer la lanterne rouge du dernier de vos lecteurs, je suis allé faire un tour du côté du site Web consacré au maillot à pois (www. polka dot[3] com) – il y a tout lieu de supposer que le créateur du site en question a baptisé celui-ci en s'inspirant du style dit «en danseuse» adopté par bon nombre de coureurs confrontés à des pentes de 13 degrés «en montant»… Hélas! si l'on y trouve tout plein de trucs intéressants, dont une recette de soupe qui cloue littéralement sur place une mixture en conserve bien connue de marque Habitant (pouah!), il faut rester sur sa fringale quant à l'essentiel; en effet, rien sur le pourquoi ni sur le comment du maillot à gros points rouges! 

            Force m'est donc de me résoudre à vous proposer – à vous ainsi qu'au peloton des cocos et cocottes qui aspirent à en connaître un rayon sur le vélo –, oui! à vous servir sur grand plateau les interprétations fantaisistes (à peine!) qu'a suscitées chez moi votre dernière chronique. On va enfin, peut-être, trouver des pistes de solution, découvrir à quoi ça rim un chandail pareil… Joli programme, n'est-ce pas? Embarquez dans ma roue : c'est parti, mon kiki! 

Ø      Le chandail à pois, ça serait-y pas un peu comme le secret de la Caramilk (de Cadbury, société qui a racheté les chocolats Poulain, « l'instigateur de la caravane du Tour », avez-vous appris aux ignares que nous sommes)? En d'autres termes, les pois sur le maillot et le caramel dans la «palette», n'est-ce point idem? Impossible, en effet, de ne pas établir de rapprochement entre ces deux «réalités» somme toute triviales, tant elles semblent assujetties à la même logique bassement épicière. Dès lors, on se dit que l'explication véritable de l'une et l'autre manifestation (pois et caramel) doit être à ce point inintéressante, tellement «drable» en fait… qu'il vaut mieux en faire un mystère, voire un mythe… à entretenir auprès d'une populace bon enfant et commodément crédule. Y'a pas à dire, on nous prend vraiment pour des gourdes faciles à «emplir»! 

Ø      Soyons un peu plus sérieux, mais pas trop tout de même : c'est connu, en altitude, il y a moins d'oxygène. Faire l'ascension d'un col hors catégorie à vélo, c'est forcément s'exposer à des hallucinations. Tout devient à pois devant soi, y compris et surtout le chandail du meneur. « Tant qu'à faire, aussi bien y apposer des pois pour de vrai, sur ce maillot-là! » a-t-on pu se dire dans les hautes sphères du cyclisme. C.Q.F.D. 

Ø      La tendre moitié de Georges Bouton, génie de la mécanique qui faisait tandem avec votre ancêtre à particule (Albert de Dion – voir la première note infrapaginale), la bergère de Georgy Boy, donc, ne voulait pas être en reste dans les salons de la haute. « Votre mari a fondé le journal du Tour de France. Eh bien! le mien fournira les maillots aux coureurs; tenez, nous avons justement à la maison un restant de coupon de tissu pour rideaux… » Ce qui fut dit fut fait. Or, compte tenu de l'expression «grimper aux rideaux», il était normal – et quasi fatal – que le tissu de dame Bouton, qui se trouvait être à gros pois rouges sur fond blanc (pas la dame, mais le tissu), il était normal, dis-je, que ledit tissu servît à confectionner le maillot destiné à souligner la haute performance d'un… grimpeur.  C'est sans doute ainsi que, taillé dans un vulgaire coupon, le maillot à pois est devenu un ticket pour les sommets! « Ç'a ben du bon sens, même si ç'a pas grande allure », pas vrai? 

            Voilà ma musette déballée. Prochaine étape : la vraie explication..., que je continue d'attendre de votre part, tout en la cherchant sans relâche de mon côté. Toutefois, devenu plus sage à cause de vous, je reste désormais en roue libre, l'arrière-train bien campé sur ma selle ergonomique dite «anatomique», stratégiquement rembourrée de gel comme il se doit… là où l'on ne veut pas que ça fasse mal : assis, c'est moins risqué pour l'intégrité des deux gros «pois» enserrés dans mon cuissard. T'sé veux dire? 

Debout sur les pédales? Non merci! Plus jamais… Une voix de soprano, ça ne me tente pas, «pantoute»! Monter haut à vélo, je veux bien, mais monter haut en chantant, pas question : j'débarque!

[1] Au bénéfice des lecteurs, il convient ici de préciser que, dans le «cadre» de son exposé savant, M. Dion s'est trouvé un lien de parenté avec le comte Albert de Dion, pionnier de l'automobile et fabricant de vélos. Comme il le dit si bien lui-même : « Oui, c'est mon arrière-arrière-grand-mononcle de la fesse droite, très à droite […] »
[2] Lance Armstrong que ça donne, en anglais.
[3] Comme on le sait, la polka est une danse, alors que polka dot veut dire… pois.

Jean-Paul Lanouette
jplanouette@sympatico.ca

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