Une chronique de
 Jocelyn Daneau

mercredi 25 mars 2020

CODIV-19 : Un changement révolutionnaire venu d’ailleurs

Dans ma chronique précédente, j’avais mentionné vouloir revenir sur l’Exil intérieur de Roland Jaccard afin d’y prendre appui, pour citer le psychanalyste et anthropologue Georges Devereux (1908-1985), lequel a écrit : « Des adultes intelligents et mûrs, voilà bien ce qu’aucun pays dit civilisé ne se soucie d’obtenir, car rien n’est plus difficile à gouverner que des adultes intelligents. »

On retrouve dans cette phrase, toute la différence entre le Québec et le « Rest of Canada » et encore plus, avec les États-Unis; cette différence étant moins grande avec certains pays européens à tendance sociale-démocrate comme la France.

Ainsi, au Québec, pas besoin d’être collectivement intelligent, l’État nous prend en charge dès notre naissance : assurance maladie, chômage, aide sociale et sécurité du revenu, pension de vieillesse, éducation, garderie, assurance médicaments et automobile (no fault), fourniture d’énergie, d’alcool et de drogue, des villes qui sont inféodées à l’État, etc.

Nous avons à l’autre extrême, les États-Unis : rien ou presque n’est pris en charge par l’État. On se fie systématiquement (en apparence) à l’intelligence et à la débrouillardise des citoyens pour assurer leur bien-être et tant pis, pour ceux et celles que la nature à moins bien nantis.

Dans l’ordre naturel des choses, Québécois et Américains, nous naissons tous également intelligents et nous avons tous la possibilité de devenir des adultes mûrs.

La différence se situe au niveau de notre rapport à l’État : au Québec et dans une moindre mesure dans le « Rest of Canada », la société est plus grande que la somme des individus. Chez nos voisins du Sud, c’est le contraire : la somme des individus est supérieure au groupe. Ce qui fait qu’au Québec, c’est du Pepsi pour tout le monde (ex. : SAAQ) que tu aimes ça ou non, tandis qu’aux États-Unis, tu achètes le breuvage que tu veux, si naturellement, tu en as les moyens.

En bout de piste, en se permettant de prendre des raccourcis avec les nuances, dans les 2 cas, force est d’admettre que le Québec et les États-Unis ne cherchent pas à avoir collectivement des adultes intelligents comme citoyens, surtout à l’ère de l’émergence de l’intelligence artificielle :

  • Au Québec, on s’occupe de presque tout, nous rendant depuis 2 générations accro par gavage à l’État providence.
  • Aux États-Unis, on favorise une minorité d’ultra-riches en diluant l’intelligence et les énergies de la majorité c.-à-d. en laissant ramer de plus en plus fort, une classe moyenne qui s’amenuise d’année en année, pour aller rejoindre le groupe grandissant des pauvres. Dans ce dernier cas, le tout se traduit par une prolifération d’emplois précaires à bas salaires où le petit peuple est souvent en mode survie d’une semaine à l’autre; occupé qu’il est à assurer sa sécurité alimentaire et physique (et à s’armer comme c’est le cas actuellement) en espérant ne pas être malade, parce que cela signifie souvent la faillite.

Là, arrive (de Chine), le confinement pour cause de pandémie. C’est le cas de facto au Québec et bientôt aux États-Unis, malgré les réserves de l’incapable en chef, le Donald. Mais le confinement (chacun chez vous), c’est une mesure individualiste même s’il est généralisé.

La pandémie implique donc pour les Québécois et les Québécoises, subitement, un changement révolutionnaire de paradigme. Contrairement aux Américains, nous ne sommes pas habitués à l’individualité.


Crédit photo : Jeswin Thomas de Pexels (Libre de droits)

Ce qui fait par exemple que nous sommes seuls devant l’ennemi public numéro 1 : le CODIV-19, comme les Américains. Dorénavant, comme pour ces derniers, nous ne sommes pas certains d’être soignés, malgré les efforts actuels colossaux du gouvernement Legault. C’est une première pour tous les Québécois, mais c’est un mode de vie depuis longtemps pour l’américain moyen.

Certes, notre système de santé universel nous a habitués depuis des années, aux longs délais. Mais, différence majeure, dans la présente situation, comme aux États-Unis, le service pourrait ne pas être au rendez-vous. Nous laissant démunis, potentiellement sans prise en charge et à la merci d’un réseau de la santé qui lui aussi, fonctionne dorénavant dans un autre univers, sur la base de nouveaux paramètres. Bref, un privilège collectif que l’on croyait acquit depuis 1969, pourrait nous échapper et nous amener dans la même position qu’une majorité de citoyens américains.

Nous ne sommes pas rendus là. Il s’en faut. Mais pour la première fois de notre vie, nous nous trouvons dans une position d’individualité; confinés chez nous, dans un État toujours très solide mais entré subitement en gestion de crise extrême.

Il ne s’agit pas ici d’être pessimiste ou apocalyptique et le comportement des autres pays comme l’Italie en pleine catastrophe sanitaire en fait foi, nous nous en sortirons.

Mais il nous faudra faire preuve d’esprit communautaire, de sens du partage, de patience, de courage, de confiance en nous-mêmes et autres et donc, de résilience pour passer à travers. Surtout, nous ne devrons pas tomber dans l’individualisme même si la tentation sera grande.

Un chose semble maintenant acquise, nous sortirons profondément marqués par les présents événements, jusqu’à la fin de nos jours et pour les générations qui nous suivront. La crise du Verglas 1998 dont on pouvait facilement prévoir l’aboutissement, était de la petite bière à comparer à la présente pandémie.

Situation (statistique) à Saurel

RAPPEL : Ce qui suit relève de la spéculation statistique et non pas de l’information réelle ou issue de la rumeur publique véhiculée par les médias sociaux.

Il y a actuellement 148 cas confirmés de CODIV-19 en Montérégie selon le Gouvernement du Québec (25 mars 2020 à 13 h.). À Saurel uniquement, nous sommes 35 000 habitants et 1,6 million en Montérégie. On peut donc calculer par simple règle de 3, à l’aide d’une hypothèse raisonnable de répartition équitable sur le territoire, qu’il y aurait 3,2 cas confirmés dans notre ville.

On sait aussi à cause de la dynamique des tests que le nombre de cas confirmés est inférieur au nombre de cas réels, par un facteur multiplicatif. J’ai retenu, non scientifiquement, le nombre de 10 (Rappel, hypothèses de Pueyo). Donc, nous pouvons estimer qu’il y aurait à Saurel, présentement, 32 cas réels de CODIV-19.

Malheureusement, il nous faut maintenant introduire le taux de létalité du CODIV-19. Un sujet qui ne fait pas consensus tant les méthodes de calcul sont variables d’un pays à l’autre. Cependant, une constante s’impose, il y a plus de morts chez les 60 ans et plus. À Saurel (uniquement), nous avons 37 % de notre population dans cette classe d’âge, un des plus hauts taux au Québec (26 %) et au Canada (24 %). Sans être pessimiste, soyons réalistes.

Au Québec, il y a actuellement 6 décès pour 1 339 cas confirmés (25 mars à 13 h.) c.-à-d. un taux de létalité de 0,44 % (Canada : 0,92 %). Sans vouloir être désinvolte et pour l’instant, nous établirons ce taux arbitrairement à 1 %, sachant que notre population est nettement plus vieille que pour la moyenne québécoise et sachant aussi que celui-ci est nettement en retrait de ce que nous pouvons observer dans les médias et par le biais des données disponibles sur internet. Pueyo précédemment cité dans cette chronique a calculé un taux de létalité de 4 % des cas confirmés, tandis que l’Italie où l’épidémie frappe très fort en est à 9,8 %.

Donc, pour Saurel pour l’instant, sans aucune autre source d’information que l’inférence statistique, nous pouvons estimer le nombre de décès issu du CODIV-19 à 0,3. Si l’hypothèse de Pueyo se confirmait, ce qui fait du sens, il pourrait y avoir (à ce jour) à Saurel, 1,3 décès.

Jocelyn Daneau, jocelyndaneau@gmail.com

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