Une chronique de
 Jocelyn Daneau

samedi 21 mars 2020

Isolé à Saurelgrad au Québecski

Au tout début de ma carrière chez Hydro-Québec, je me suis retrouvé dans une rencontre avec de vrais Soviétiques (c.-à-d. avant le 26 décembre 1991, date officielle de l’effondrement de l’URSS). Nos visiteurs voulaient nous vendre de l’acier de pylônes. La rencontre, surtout de courtoisie, n’a pas été longue, nous connaissions déjà la très grande faiblesse des niveaux de qualité des produits soviétiques.

Je me souviens très bien de ce moment, surtout de la mine patibulaire de l’un des membres de la délégation soviétique : Vladimir Trofimenko qu’il s’appelait. Taciturne et massif, allure d’ours et ce n’est même pas un cliché, il n’a pas dit un mot de la rencontre (comme moi, d’ailleurs).  En connaissez-vous beaucoup, des Saurelois qui ont rencontré un jour, un vrai agent du KGB?  Bref, Vladimir était à l’image de ce que l’on percevait à l’époque de la société soviétique : oppressante et ténébreuse avec son absence de liberté civile et de parole, économie cherchant son souffle et peu dynamique, état perpétuel de (pseudo) guerre, entrave à la circulation des individus, agriculture en lambeaux, rationnement et tablettes vides dans les épiceries, etc.

C’est l’image perdue de vue depuis des années, qui m’est subitement revenue à l’esprit, quand je me suis retrouvé devant des tablettes vides, dans un supermarché local. Pour beaucoup d’items, il n’y avait plus rien. Je ne dis pas qu’il y a pénurie sachant que les spécialistes du domaine nous disent que ce n’est pas le cas. Mais je vous avoue que j’ai trouvé le tout assez oppressant et que le sentiment de vouloir me transformer en écureuil et de me faire des caches de nourriture, m’habite depuis ce temps.

D’ailleurs, le commis sur place m’a gentiment précisé que les tablettes vides ne traduisaient pas des inventaires de bas niveau, mais l’absence de bras pour les combler. Comme l’écrivait récemment un analyste en commerce de détail dont je ne me souviens plus du nom, le modèle de gestion des supermarchés est construit dans un contexte d’abondance continue. Quand il y a une hausse (très) subite et extraordinaire de la demande comme celle des derniers jours, il est normal malgré des entrepôts pleins, qu’il y ait des ruptures de stock et donc, de la chaîne approvisionnement. Bref, pour Métro, IGA et les autres, c’est un modèle de gestion de temps de paix. Comme nous ne sommes pas en temps de guerre, le tout devrait se rétablir, considérant les contraintes qui sont maintenant les nôtres, en ces temps de pandémie. L’important, c’est de retrouver notre calme et de faire preuve de solidarité. Nous ne sommes pas à Kaliningrad ou à Volvograd de l’ancienne URSS, ni dans un nouveau Saurelgrad au Québecski.

Ceci étant, confinement et quarantaine obligent, je ne peux m’empêcher de penser à ce « bon » Vladimir, quand je constate comment nos libertés individuelles ont été subitement soviétisées. Je ne critique pas. Dans le Québec social-démocrate où nous vivons depuis la Révolution tranquille, le bien collectif a toujours été supérieur à celui de la somme des individus. Mais il n’en demeure pas moins, qu’il faut le constater, l’accepter et le vivre : on nous demande et c’est notre responsabilité individuelle et sociale, de changer subitement et même radicalement, nos modes de vie. Grosse commande à court terme, mais le défi sera sur le moyen et long terme. Ce qui fait que la photo du jour, c’est celle ci-contre, que j’ai piquée sur internet.

Le message est clair : Aidez-nous à vous aider. Sauf lorsque nécessaire, restez chez vous à la maison. Bref, respectez l’ensemble des consignes gouvernementales et celles du bon docteur Horacio Aruda. Nous nous en porterons tous, collectivement, bien mieux.

Suggestion de lecture, pour réellement vous faire peur, un classique de la littérature américaine, roman post-apocalyptique – Prix Pulitzer 2007 : La route de Cormac McCarthy. Je viens de le ressortir de ma bibliothèque.

Citation du jour, il y a plusieurs variantes à celle-ci, retrouvées sur internet, du grand historien Arnold Toynbee (1889-1975) qui a écrit dans Civilization on Trial (1948) : « À la fin de l’Histoire, après une catastrophe [...], deux peuples survivront: les Chinois par leur nombre, les Canadiens français par leur obstination. »

Donc, combattons l’ennemi, la pandémie, avec obstination … en la fuyant dans le confinement.

Au 20 mars 2020 à 13h., il y aurait 21 cas en Montérégie. Donc, à Saurel, on peut estimer qu’il y aurait 0,46 cas. Considérant qu’il s’agit de « cas confirmés » et que selon certains analystes, selon la région du monde et la disponibilité des tests, il faut multiplier au moins par 10, sinon par 100, pour obtenir le nombre de cas réellement en circulation. Nous pouvons donc raisonnablement dire qu’il y a au moins 5 cas réels de CODIV-19 à Saurel. Avec l’accélération de la disponibilité des tests, ici et ailleurs, surtout aux États-Unis, la situation devrait se dégrader.

Jocelyn Daneau, dont le plus grand défi présentement, outre le contrôle de sa peur, est de ne pas prendre de poids, avec la sédentarité qu’amène le confinement.

Pour me rejoindre : jocelyndaneau@gmail.com

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