Une chronique de
 Jocelyn Daneau

jeudi 21 mai 2020

Train pandémique pour fédéralisme confortable

Ce 20 mai, cela faisait déjà 40 ans que le premier référendum sur la souveraineté du Québec avait eu lieu. J’avais alors voté non. Toute ma famille logeait à cette enseigne et avait une peur bleue du oui; le mythe des camions de la Brinks d’avril 1970 était tenace. Le résultat, autour de 40 % de oui et 60 % de non m’avait à la fois soulagé et déçu; ambivalent sur le sujet, hier comme aujourd’hui. Je me souviens surtout du discours de René Lévesque et de cette phrase restée dans la mémoire collective : « Si j'ai bien compris, vous êtes en train de me dire : à la prochaine fois ».

 

Il y a eu cette prochaine fois, le 30 octobre 1995 : oui à 49,42 %, non à 50,58 %. J’avais encore voté non. Je n’étais pas convaincu de la nécessité de ce grand bouleversement, voyant chaque jour les francophones prendre de plus en plus leur place dans le développement du Québec. Parce qu’une révolution, c’est essentiellement 2 choses : une rupture et une promesse de lendemains meilleurs. Briser le Canada était effectivement du niveau de la rupture, quoiqu’en disent toujours les amateurs de sémantiques séparatistes. Surtout, je ne voyais pas en quoi mes lendemains seraient meilleurs, moi qui étais le père aux poches toujours vides de 2 adolescents. Pour ce qui est des paroles de ce grand homme qu’était Jacques Parizeau, attribuant la défaite référendaire à l’argent et au vote ethnique, il avait raison et cela le serait encore plus aujourd’hui.

 

S’il y avait une troisième « prochaine fois »? Malgré le passage du temps, je n’ai pas changé d’idée sur le sujet. Mais depuis quelques années, je suis devenu passablement plus nationaliste; le Canada pour moi, c’est devenu un mariage de raison. Je suis donc à l’aise avec le nationalise professé par le gouvernement de François Legault, que certains qualifient d’autonomiste ou de provincialiste. J’ai souvent l’impression que d’année en année, nous voguons au Québec vers une espèce de souveraineté-association « soft » avec l’accord tacite du « Rest of Canada »; comme un couple qui décide de se laisser des libertés tout en convenant de demeurer ensemble pour diverses raisons, comme l’argent.

 

Finalement, où irait mon vote dans un 3référendum? Depuis quelques années, j’ai convenu avec moi-même de voter comme me l’indiqueront mes petits-enfants et mes enfants. Je suis rendu dans le dernier tiers de ma vie et l’avenir c’est eux. Je n’ai pas à décider du Québec dans lequel ils voudront vivre.

 

Est-ce qu’un 3référendum au Québec verrait le oui l’emporter? Il y a loin de la coupe aux lèvres. Intuitivement, avant la pandémie, il n’y avait pas d’appétit pour la lutte référendaire ou la bataille constitutionnelle. Au plan formel, le sondage le plus récent sur le sujet, trouvé, est celui de Léger-L’Actualité de novembre 2019 et l’option d’un Québec pays souverain ne récolte que 25 % d’appui.

 

Pré pandémie, où en étaient les forces indépendantistes au Québec? Intuitivement, je dirais qu’elles se cherchaient en ordre dispersé, sans général pour les guider. Tout un chacun semble y aller de son initiative seule avec sa solitude et sa nostalgie : de Catherine Fournier à Martine Ouellet, en passant par le moribond Parti Québécois retourné à la case départ de la recherche d’un chef et Québec Solidaire avec trop de chefs, dont on ne sait plus dans quelle direction se dirige son socialo-environnementalo-indépendantisme à la sauce gratos pour tous, nappée de multiculturalisme. Il y a bien eu en octobre 2019, un sursaut indépendantiste avec l’élection de 32 députés du Bloc québécois de Yves-François Blanchet; un beau succès d’estime qui se doit en grande partie à l’ineptie des Conservateurs d’Andrew Scheer. Toujours est-il qu’on a souvent l’impression que Blanchet est sur le mauvais champ de bataille, incapable de se dégager de l’ombre de François Legault.

 

Naturellement, les médias ont couvert ce 40anniversaire et j’ai retenu 2 textes pour tenter de savoir si le Grand soir est sur le point de se matérialiser. Décevant.

 

Le premier est de Paul St-Pierre Plamondon paru dans La Presse sous le titre de « Reprendre une conversation honnête sur l’Indépendance ». Jeune loup de la souveraineté, Plamondon fait dans ce que l’on appelle, l’uchronie (pandémique), un genre littéraire de fiction à partir d'un point de départ historique (Source : Wikipédia). Ainsi, à l’aide d’une série d’exemples, il postule que si nous étions souverains, nous aurions été en meilleure position pour gérer la pandémie. Bravo, mais pour ceux-ci, il existe une multitude de contre-exemples. Sa conclusion, c’est : « Reprenons dès maintenant une conversation honnête sur les mérites de l’indépendance et sur la légitimité d’un exercice comme une consultation populaire. » Jusqu’à maintenant, la conversation n’était-elle pas honnête?

 

Le second, « D’égal à égal, le Québec, 40 ans plus tard? » (Le Devoir) est de Daniel Turp, professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. En résumé, il écrit : « … comment peut-on prétendre que le principe d’égalité… lorsque l’on constate que le Québec vit sous l’empire d’une Loi constitutionnelle de 1982 et de sa Charte canadienne des droits et libertés, auxquelles… (le) peuple québécois lui-même, n’ont (n’a) donné leur (son) assentiment? ». Cette approche strictement juridique semble rigoureusement exacte et pourrait sûrement servir de base argumentaire devant un tribunal. Le problème, c’est que depuis 1982, par le biais de ce que l’on appelle la coutume, le Québec se gouverne très bien et prospère. Mon cher Daniel Turp, le Québec est rendu en 2020 et le citoyen ordinaire ne déchire plus sa chemise sur la place publique pour ce genre de sujet.

 

Post-pandémie, est-ce qu’un oui dans un éventuel référendum sur l’indépendance du Québec aurait des chances? Aucunement.

 

Le Québec compte à ce jour pour 60,5 % des décès au Canada pour 22,4 % de la population. Nous sommes sur le point de maîtriser cette première vague de la pandémie, en grande partie avec l’aide d’Ottawa, que l’on aime ou non. Depuis le début, Justin Trudeau joue la nulle avec humilité, se positionnant au-dessus de la mêlée. Il distille les milliards de nos impôts et taxes, même imprimés, en jouant les grands frères humanistes. Au besoin, il nous fournit une main d’œuvre militaire et déguisement oblige, en y allant d’une bienveillance étudiée d’un air juvénile, cheveux longs de circonstance au vent; surtout en regard d’un François Legault plus mature, quasiment à genou à implorer de l’aide pour les CHSLD.

 

Avons-nous reçu à ce jour, plus que notre part d’Ottawa ? Je ne sais pas. Mais dites-vous que si Justin Trudeau joue présentement au généreux bon père de famille, la machine Libéral-gouvernementale prend des notes… pour le jour où il faudra de nouveau remettre le Québec à sa place.

 

Et ce jour pourrait venir plus vite que l’on pense. Pensez au pétrole albertain coincé dans le centre du Canada et au défunt projet d’oléoduc Énergie Est. Une patate chaude pour Justin Trudeau et un danger pour l’unité nationale du Canada. Sachant qu’il n’y a pas de volonté québécoise de référender, considérant toute la question de la péréquation et maintenant, l’aide milliardaire d’Ottawa pour la pandémie, certains se sentiront en droit de demander au Québec de cesser ses soi-disant comportements d’enfant gâté de la fédération et de revoir sa définition de « pétrole sale » avec à la limite, de lui en imposer une nouvelle.

 

Nous sommes bel et bien dans le train confortable du fédéralisme canadien et il est en marche. Nous jeter en bas ferait trop mal. Comme le disait mon ex-beau-frère : « Ventre plein ne se révolte pas ».

 

Jocelyn Daneau, de moins en moins isolé, jocelyndaneau@videotron.ca
 

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