Une chronique de
 Jocelyn Daneau

lundi 11 mai 2020

L’improvisation au Horacio Arruda Show

Vous connaissez l’expression : Qui vit par l’épée périra par l’épée? Alors ce qui devait arriver arriva. Depuis quelque temps, le bon docteur Arruda est victime de sa trop grande « exposure » médiatique, de sa propension à être un bon gars et à vivre ses émotions en direct et en télé-réalité.  Pour d’autres, il a fait une erreur majeure : quitter le terrain scientifique pour mettre le bout des pieds dans l’arène politique, un terrain autrement plus miné. Si vous ajoutez la lassitude et l’impatience associées au passage du temps d’une épidémie dont on ne voit pas la fin. Il n’est pas étonnant que les gérants d’estrade commencent à s’en donner à cœur joie.

C’est ainsi que les journalistes et autres chroniqueurs ont commencé à analyser ce qu’ils qualifient de Horacio Arruda Show et ce faisant, à le critiquer; ce qui a eu pour effet notamment, d’obliger le gouvernement Legault à lui imposer un stratège politique, genre « communicant ». C’est le prix de la franchise et de l’authenticité dans nos sociétés médiatiques où le lissage des personnalités et du message est trop souvent la norme à respecter; même en mode pandémie.

Ainsi, même en temps normal, la gestion de la chose publique, c’est un sport extrême comme le disait feu Jean Lapierre, tant les situations sont à la fois compliquées et complexes. Il faut donc le (re)dire, le constater et même, le répéter, en temps de pandémie, nous sommes dans une dimension inconnue de notre vivre ensemble national et international. C’est historiquement pas banal.

Ainsi, de tout temps, l’Homme (et la Femme) a cherché des réponses pour essentiellement, vivre dans un monde de certitude. L’exemple classique et concret au Québec, ce sont les prévisions météorologiques où les miss Météo sont littéralement devenues pour plusieurs, des stars de la télévision. On veut savoir ce qui va se passer demain et avec certitude, même si rien de particulier n’est inscrit à notre agenda. Il y a qu’à voir la psychose médiatique par enflure verbale et enchère de centimètres de neige avec l’arrivée de la moindre bordée, pour s’en rendre compte; sans oublier la déception du lendemain, souvent à la hauteur inverse du résultat finalement reçu. Nous sommes des accros de la recherche de certitude dans un monde plus en plus incertain.

Et là, arrive subitement dans nos vies, la pandémie et le bon docteur Arruda : deux sources majeures d’incertitude. Concernant la pandémie et son véhicule, le COVID-19, on le sait, on le voit tous les jours dans les médias, l’ensemble du corps médical et scientifique apprend en continu à connaître ce virus. Comme le disait le grand Albert Einstein : « Plus j’apprends, plus je réalise que je ne sais pas. ».

Le bon docteur Horacio se situe également dans cette dynamique malgré toute son intelligence, son savoir-faire, son bagage scientifique et son titre de médecin en chef de notre santé publique. Nous le savons tous, il a son style personnel un peu excentrique et probablement, d’artiste ou de comédien frustré que la vie a obligé à un rôle de médecin. Mais d’un autre côté, peut-être profite-t-il présentement de la plus grande scène que son talent artistique n’aurait jamais autorisée? Bref, en connaissez-vous beaucoup vous, des gens qui sont obligés chaque jour, d’improviser sur la place publique sur un sujet scientifique aussi grave qu’une pandémie?

Au sens classique du terme, improviser, c’est faire sans préparation, organiser sans planifier, ordonner sans vision. Mais au sens de la mission et de la tâche de notre directeur de la Santé publique, l’improvisation prend une dimension tout à fait différente. Je dirais que l’improvisation d’Horacio Arruda relève du phare dans la nuit, qui doit avancer seul en avant des autres, devançant son général, pour montrer le chemin malgré les écueils et les dangers.

Imaginez-vous que vous devez faire une conférence de presse publique, en direct, regardée par plus d’un million de personnes concernant un sujet technique, en anglais et en français. Vous devez pour ce faire, avoir une excellente maîtrise de votre sujet c.-à-d. de l’état de la science. En plus, vous devez être au fait de ce qui se dit et se publie quotidiennement sur internet concernant la pandémie, « Fake News » incluses.

Vous devez aussi avoir une maîtrise raisonnable de la situation sur le terrain quant à l’évolution de la pandémie, au moins assez pour ne pas avoir l’air fou à la télévision. Finalement, vous devez donner la direction à prendre et la cadence de marche, par comparaison de ce qui se fait de pire et de mieux, ailleurs (ex. : le modèle suédois à l’approche de déconfinement relax). Le tout dans le contexte où presque personne de vivant sur la planète Terre n’a vécu de pandémie et n’en a encore moins géré. Ensuite, vous devez répondre aux questions des journalistes, lesquels fonctionnent toujours selon la devise d’Albert Londres (1884-1932) du prestigieux Prix journalistique du même nom : « Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie ».

L’un des grands débats présentement, c’est de faire l’arbitrage et donc, de gérer le risque entre l’économie et la vie. C’est simplement résumé, sachant qu’il y a une multitude de limites ne serait-ce que physique à rester confiné. Autrement dit, on peut avoir peur et rester chez soi, enfermé. Mais à un moment donné, il faut sortir ne serait-ce que pour s’approvisionner et donc, espérer que la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire fonctionne; et que le numéraire pour la faire fonctionner, fonctionne. Le tout ne se réalisera que par nous-mêmes, pas par une opération du Saint-Esprit ou par les Autres.

Alors, les Horacio de ce monde, y incluant l’incapable Donald, doivent prendre des décisions concernant le déconfinement, dans un contexte d’information incomplète; laquelle varie en continu. Pour prendre des décisions en période de grande incertitude, que l’on ne peut reporter et qui peuvent avoir un impact colossal, il faut être conscient que cela exige comme corollaire, le droit à l’erreur. Sans ce droit fondamental, il n’y a pas de prise de risque; y incluant le droit au pardon.

Je sais, nous sommes tous des gérants d’estrade. Pour chaque opinion, il en existe une autre et son contraire. C’est la vie. Mais nous sommes dans une période exceptionnelle de l’Histoire de l’humanité et au surplus, notre monde d’avant pandémie était déjà très complexe. Il faut en tenir compte dans notre recherche de réponse.

Comme le dirait le philosophe : « Ce n’est pas parce que l’on se trompe que l’erreur devient la vérité. Elle peut elle-même se révéler fausse. » C’est le contexte pandémique où nos dirigeants évoluent. Nous ne devons jamais le perdre de vue.

Alors, faisons confiance au bon docteur Arruda. Même s’il improvise quelques fois par nécessité, nous avons tous pour le reste, notre part de responsabilité.

Jocelyn Daneau, isolé, jocelyndaneu@gmail.com

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