LE SORELTRACY MAGAZINE     *  Dernière mise à jour : mercredi 14 mai 2014 09:37

7 000 lecteurs/jour

 

NÉCROLOGIE

NOUS JOINDRE

 

«««««
L'opinion exprimée dans le cadre de cette chronique, est celle de son auteur
et ne reflète pas nécessairement l'opinion, ni n'engage le SORELTRACY MAGAZINE.
»»»»»

mercredi 14 mai 2014

Parc éolien Pierre-de Saurel : une histoire de train 

 « Les hommes ne font jamais rien de bon que par nécessité : là où abonde la faculté de choisir et où l'on a pleine licence de conduite, tout s'emplit aussitôt de confusion et de désordre. »

Nicolas Machiavel (1469-1527) 

Je vous livre un secret. Je suis un naïf professionnel. Ce qui fait que dans ma grande naïveté, je n’avais pas envisagé d'écrire cette longue chronique. Je croyais naïvement que l’Homme public post-commission Charbonneau deviendrait plus mature et plus respectueux des contribuables. Je me trompais. Grande leçon, notre vigilance ne doit jamais se relâcher.  

Nous allons donc revenir (et se répéter) sur le projet de 67 millions de dollars (juin 2013) de Parc éolien Pierre-de Saurel (PEPS ci-après). Nous allons le faire d’un point de vue citoyen, en énumérant les principales interrogations qui sont pour la plupart, toujours sans réponse. 

Premièrement, il n’existe pas à ce jour, disponible pour les citoyens et les élus de la MRC Pierre-de-Saurel, de preuve tangible c.-à-d. des documents publics qui nous démontrent noir sur blanc, la rentabilité financière de ce projet. C’est à la fois surprenant et intolérable. On en vient même à se demander si PEPS est en mesure de stabiliser son cadre financier.  

Ce qui est en cause ici, ce n’est pas le contrat et les tarifs garantis par Hydro-Québec, ce sont les anticipations de revenus (les vents) et la structure de coûts du projet. Certes, le site internet de PEPS nous annonce un « profit moyen annuel de 2,4 M$ », mais cette affirmation marketing soulève plusieurs questions. Par exemple : « Que signifie - moyen - en termes d’amplitude

Du côté des revenus, le projet de PEPS soulève la question fondamentale de la présence de vents, tant en quantité qu’en régularité. De façon intuitive, nous savons comme habitant de notre coin de pays que les vents y sont faibles et souvent peu présents. De même, de façon formelle, PEPS justifie son projet sur la base de l’étude de GL Garrad Hassan Canada, inc. (novembre 2013). Cependant, celle-ci soulève de nombreuses questions toujours sans réponse. Par exemple, les questions posées dans cette chronique n’ont jamais obtenu de réponse, PEPS préférant tourner en ridicule votre humble chroniqueur. 

D’autre part, GL Garrad introduit dans le débat une sérieuse mise en garde que je vous rappelle : « La prévision nette d'énergie P50 présentée ci-dessus représente la moyenne à long terme, d’une probabilité de dépassement de 50 %, pour la production d'énergie annuelle du parc éolien. Cette valeur est la meilleure estimation de la valeur moyenne à long terme qui peut être attendue du projet. Il y a donc une probabilité de 50 % que la production moyenne d'énergie puisse être inférieure (ou supérieure) à la valeur donnée, même lorsque considérée sur de très longues périodes (page 7) ». PEPS n’a jamais justifié et commenté publiquement cette mise en garde malgré les questions répétées de plusieurs citoyens. Ce qui amène la question suivante : « Comment cette marge d’erreur a-t-elle été prise en compte dans le modèle de calcul de la rentabilité financière du projet? » 

L’information sur la structure de coûts n’est pas disponible. Seule indication, l’orientation qui stipule que 17,725 M$ (27 %) de dollars de financement seront en contrepartie de la capacité des villes de la MRC Pierre-de-Saurel à taxer leurs citoyens, sans jamais leur avoir demandé leur avis. Il a été démontré que ce pourcentage ne tient pas la route et qu’il pourrait aller jusqu’à 82 %. Ce qui change profondément la nature du risque financier supporté par nous les contribuables. D’ailleurs, selon les informations disponibles, le financement du projet de PEPS n’est toujours pas attaché. Question : « Quel est le pourcentage réel du risque financier garanti par les contribuables de la MRC Pierre-de-Saurel? »  

Note : Dans l’hypothèse du « 82 % » ci-haut, la ville de Sorel-Tracy pourrait voir le passif inscrit à son bilan augmenter subitement de 37 M$, portant sa dette municipale à plus de 95 M$, le tout sans consultation des citoyens. 

Rappelons que le projet de PEPS ne repose sur aucune légitimité démocratique, ayant fait l’objet d’aucun référendum ou l’enjeu d’une élection municipale. Ce projet n’a donc jamais fait l’objet d’une démarche formelle d’acceptabilité sociale, sauf pour de rares sessions publiques d’information en « environnement contrôlé ». Ce qui va à l’encontre des façons de faire habituelles, en matière d’implantation de projets publics. 

Certes, le développement économique est inscrit à la mission de la MRC Pierre-de-Saurel, mais le tout est accessoire en regard des responsabilités traditionnelles des MRC. D’ailleurs, est-ce que ce mandat donnait la permission même implicitement à la MRC Pierre-de-Saurel de se lancer dans des projets comportant un volet « risque financier », surtout à hauteur de 67 M$? Poser la question, c’est y répondre. Ce problème de légitimité se révèle avec encore plus d’acuité en considérant les questionnements ci-haut. Ce faisant, ne serait-il pas approprié pour la MRC Pierre-de-Saurel de légitimer démocratiquement le projet de PEPS?  

Ce problème de légitimité nous laisse encore plus perplexes lorsque l’on se questionne sur la gouvernance de PEPS. La question fondamentale est : « Qui assume le leadership de PEPS? » Pourriez-vous mettre un nom, une image sur celui ou celle qui est le « boss » de ce projet de 67 M$ d’argent public? Aucun organigramme de projet n’est disponible. Si nous examinons les noms associés à  PEPS, nous pouvons nous questionner sur l’expérience professionnelle de ceux-ci en matière d’ingénierie-construction et exploitation d’un parc éolien. D’autant plus que ce projet est « 100 % communautaire » c.-à-d. sous l’unique responsabilité technique et financière de la MRC Pierre-de -Saurel, contrairement à ce qui se fait ailleurs au Québec. 

De même, sauf pour M. Yvon Bibeau de Sorel-Tracy, nos élus se préoccupent peu de ce projet ou semblent complètement dépassés par celui-ci. Pour un, le maire de Sorel-Tracy, M. Serge Péloquin qui est aussi membre du conseil d’administration de PEPS, n’en démontre pas une maîtrise affirmée à l’image de son prédécesseur.

À ce problème de leadership, s’en rajoute un autre de communication. Je ne parle pas ici de communication de base qui consiste par exemple, à proposer un site internet avec le logo de l’organisme. Je parle de communication stratégique qui propose une information qui traite du fond des choses et qui permet aux citoyens de se faire une idée des principaux enjeux. Une information qui ne cherche pas à convaincre pour avoir raison, mais qui force à réfléchir pour trouver une solution.  

Mais ma plus grande déception relativement au projet de PEPS, c’est l’apathie publique. Elle est le symptôme de plusieurs maux, dont le désintéressement des citoyens pour la chose publique et les mirages de l’argent facile. Elle est aussi le résultat de la stratégie d’apaisement de PEPS par le silence et la condescendance, particulièrement efficace dans un milieu à la géographie enclavée et à la population captive, souvent peu rompue aux questions complexes. 

À ce titre, il faut remercier les « Fernand Gignac » de ce monde pour mener la bataille du questionnement avec un arsenal toujours inégal, devant des machines technico-administratives qui s’auto-donnent raison et s’auto-glorifient à même l’argent de nos taxes. Fernand Gignac et d’autres font le travail que nos élus et les médias locaux auraient dû faire. Ils méritent tout notre respect. 

Au plan personnel c.-à-d. strictement comme contribuable de Sorel-Tracy, j’ai toujours été favorable à ce projet. Cependant, dans l’état actuel des choses, j’aurais des réserves importantes à donner à PEPS un « go » pour le poursuivre.

Je suis plus que jamais convaincu que ce projet doit faire l’objet d’une vérification diligente complète par un tiers indépendant. Les gestionnaires de PEPS et son conseil d’administration n’ont pas démontré à ce jour qu’ils méritaient notre confiance.

Contrairement à ce que la rumeur publique véhicule, ce n’est pas parce qu’un train est en marche qu’il faut nécessairement le laisser aller. 

Jocelyn Daneau
jocelyndaneau@gmail.com 

Note : Les audiences publiques du Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) sur le projet de Parc éolien Pierre-de-Saurel débutent le 20 mai 2014.

Bookmark and Share

PUBLICITÉ

Le SorelTracy Magazine
une filiale des Productions Kapricom
Tous droits réservés -
© 2000-2013