Un déplacement en zone chaude pour trois infirmières de Sorel-Tracy


Par Annie Bourque, mardi 28 avril 2020

Une jeune infirmière dans la vingtaine de Sorel-Tracy et deux autres collègues ont prêté main-forte la semaine dernière dans un établissement pour aînés dont 15% des résidents étaient atteints de la Covid-19, soit 23 cas. Cette statistique a été relevée le 23 avril.
Toutefois, une semaine plus tard, le 27 avril, ce centre a été classé dans la zone rouge avec 27 cas. Cela signifie que 25 % des patients ont le coronavirus.

Lundi le 20 avril, à 7 heures le matin, Juliette * (nom fictif), infirmière à l’Hôtel-Dieu de Sorel-Tracy, a été appelée par son coordonnateur pour aller travailler dans ce CHSLD de la rive-sud.

Durant la journée, Juliette croise une collègue normalement en poste à l’Hôtel-Dieu à Sorel-Tracy. Cette dernière est alors jumelée avec une infirmière qui a travaillé toute la nuit et qui vient combler les besoins de personnel.

Durant la journée, Juliette s’occupe de 25 patients en compagnie d’une autre employée. D’habitude, en temps normal, à l’Hôtel-Dieu, ce nombre varie entre 4 à 6 patients.
En matinée, de 8h à 13h, Juliette distribue des pilules aux patients. Par mesure de précaution, elle doit se changer avant d’entrer dans chaque chambre. Elle revêt une nouvelle blouse entre chaque visite. Elle porte aussi un masque avec visière. Sa collègue n’a toutefois pas de coussinet qui permet de supporter la visière. Qu’à cela ne tienne, elle en improvise un en utilisant un masque chirurgical.

En après-midi, une autre ronde l’emmène à prendre la température des patients.
« Jamais, je n’aurais pensé vivre ça, dit la jeune Soreloise. Ce n’est pas humain ni pour nous ni pour les patients.»


« J’ai eu l’impression d’être un numéro ajoute-t-elle. Je ne veux plus retourner là et si on m’y oblige, je lâche mon travail. J’adore mon métier, mais on ne travaille pas dans les meilleures conditions, ce n’est pas agréable. »

« Ce n’est pas humain ni pour nous ni pour les patients », confie Juliette * nom fictif, une infirmière de Sorel-Tracy qui parle sous l’anonymat par crainte de représailles

En cas de refus

Si un employé refuse de se rendre au travail, cela a des répercussions en raison d’un arrêté ministériel adopté le 21 mars.  « Un arrêté ministériel, c’est comme une Loi spéciale : les conventions collectives ne tiennent plus », explique Alexandre Bégin, président par intérim de la FIQ-SPSME (Syndicat des professionnelles en soins de Montérégie-Est.)

« Si les gens refusent de se présenter, précise-t-il, cela entraîne un avis disciplinaire, une suspension et cela peut même aller jusqu’au congédiement. »

Mémo

Le SorelTracy Magazine a reçu copie d’un mémo daté du 21 avril, transmis par Louise Potvin, la directrice générale du CISSS de la Montérégie-Est.

La missive relate l’adoption de l’arrêté ministériel du 21 mars de la ministre de la Santé et des services sociaux Danielle McCann. Durant la pandémie, certains employés à temps partiel devront travailler à temps complet.  « À tout moment, une annulation des vacances et congés fériés est possible si des employés doivent être requis dans la lutte contre la Covid-19 », lit-on.

En ce moment, les anges-gardiens vivent une véritable détresse et ne comprennent pas pourquoi leurs vacances pourraient être annulées, déplore M. Bégin.

Le mémo fait la mention d’un possible déplacement d’un établissement à l’autre. « Cela concerne les employés liés aux soins infirmiers, les soins d’assistance et hygiène salubrité. Cependant, les mesures sollicitent le volontariat de l’ensemble des employés afin de s’assurer que les ressources sont en nombre suffisant pour combler les besoins engendrés par la pandémie », a précisé de son côté Hugo Bourgoin, conseiller des relations avec les médias au Centre intégré de la santé et services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Est.

Pas de test

Concernant les déplacements d’un établissement à l’autre, le représentant du syndicat privilégie de mettre en place une liste spéciale d’employés attitrée à une zone chaude ou froide. « Il ne faut pas mélanger les employés d’un établissement à l’autre », dit M. Bégin.
À leur retour à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, les infirmières ont-elles été testées à la Covid-19 ?, a-t-on demandé. « Il n’y a aucun test de fait lorsqu’un employé retourne dans son milieu. Les seuls tests effectués sont faits à la demande de la Santé publique ou si un employé développe des symptômes liés à la Covid-19 », ajoute le représentant syndical.

Un non-sens

Le maire de Sorel-Tracy Serge Péloquin a eu connaissance du mémo de Louise Potvin. « Il n’est pas question que des travailleurs sortent de la région pour aller se contaminer dans les zones qu’on appelle rouge. Surtout, qu’on a pris tous les moyens pour éviter la propagation du virus et nos gens ont fait des efforts pour rester chez eux », a-t-il affirmé la semaine dernière au SorelTracy Magazine.

Lui-même s’est entretenu avec des représentants du CISSS de la Montérégie-Est. « On m’a assuré qu’on n’obligerait pas les Sorelois à travailler dans un établissement d’une zone chaude », précise M. Péloquin.

En apprenant que des employés de Sorel-Tracy sont allés travailler dans un établissement accueillant des patients infectés à la Covid-19 et que ceux-ci ont repris leur boulot sans être testés au préalable ni même mis en quarantaine, le maire a rétorqué : « Je ne suis pas content. Je comprends les employés d’être en colère. Ce n’est pas sérieux cette façon de travailler. »

 

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