«  En passant... »
Une chronique de Jean-Paul Lanouette
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jeudi 21 décembre 2017

D’la p’tite bière que ce « bonjour-hi »! 

 

        À l’heure où l’Assemblée nationale au grand complet s’émeut à outrance de l’utilisation généralisée qui est faite, dans les commerces montréalais, de la formule de salutation bâtarde « bonjour-hi », comment ne point s’étonner qu’on reste de glace, dans nos salons à écran géant, devant un message de la SAAQ pondu en anglais déguisé, message que diffusent allègrement nos chaînes télé à l’échelle de la province, et cela, à heure de grande écoute?

 

        « Empêchez vos proches de boire et conduire », nous exhorte-t-on. L’idée est noble, ô combien! mais c’est la manière de l’exprimer qui accroche… au point de « grafigner ». En effet, il se trouve que ce message qu’on nous ressort tous les ans dans le temps des fêtes, période éminemment propice aux libations, est une parfaite reproduction de l’original, conçu en anglais : “Don’t let your friends and relatives drink and drive!” Donc, sous des habits qui nous sont parfaitement familiers (l’énoncé SAAQois ne renferme en effet que des mots bien français!) se dissimule de façon insidieuse un intrus à 100 % anglais. Traduire mot à mot, c’est simple comme… bonjour-hi, mais c’est un procédé par lequel notre langue risque le plus souvent de pâtir, comme dans le cas qui nous occupe ici.

 

        BOIRE – CONDUIRE : il importe de rappeler que le lien logique à établir entre ces deux actions bien distinctes n’est pas celui de coordination (ET), mais de cause à effet (PARCE QUE). Ainsi, on aurait mieux fait de dire quelque chose comme : « Oui au verre, non au volant »; « Empêchez vos proches de conduire s’ils ont bu »; « Ils ont bu? Ne les laissez surtout pas s’installer derrière le volant »; etc. Tenez, j’y pense, dans ma prime jeunesse, on ne m’interdisait pas de manger ET nager, mais plutôt de nager APRÈS avoir mangé, ou PARCE QUE j’avais mangé. Simple question de français, m’semb’! En d’autres termes, c’était là une façon de s’exprimer non encore corrompue jusqu’à la moelle par l’on ne peut plus envahissant idiome shakespearien…

 

        À mes yeux, cela coule de source : le « bonjour-hi » servi dans les magasins de « Montréal en ville », c’est de la vulgaire bibine, d’la p’tite bière, quoi, à côté de l’infâme « bagosse », inqualifiable tord-boyaux aux effluves douteux, que nous fait avaler la SAAQ sans ménagement, soir après soir! S’il est vrai qu’on ne s’en ressent pas trop sur le coup, un fait demeure : fût-ce en publicité, sociétale ou autre, s’autoriser pareilles formules, calquées servilement sur l’anglais, ça risque fort, à la longue, de faire mal… à notre langue collective!

 
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