D’la p’tite bière que ce
« bonjour-hi »!
À l’heure où l’Assemblée
nationale au grand complet
s’émeut à outrance de
l’utilisation généralisée qui
est faite, dans les commerces
montréalais, de la formule de
salutation bâtarde
« bonjour-hi »,
comment ne point s’étonner qu’on
reste de glace, dans nos salons
à écran géant, devant un message
de la SAAQ pondu en anglais
déguisé, message que diffusent
allègrement nos chaînes télé à
l’échelle de la province, et
cela, à heure de grande écoute?
« Empêchez vos proches
de
boire et conduire »,
nous exhorte-t-on. L’idée est
noble, ô combien! mais c’est la
manière de l’exprimer qui
accroche… au point de
« grafigner ». En effet, il se
trouve que ce message qu’on nous
ressort tous les ans dans le
temps des fêtes, période
éminemment propice aux
libations, est une parfaite
reproduction de l’original,
conçu en anglais : “Don’t let
your friends and relatives
drink and drive!”
Donc, sous des habits qui nous
sont parfaitement familiers
(l’énoncé SAAQois ne renferme en
effet que des mots bien
français!) se dissimule de façon
insidieuse un intrus à 100 %
anglais. Traduire mot à mot,
c’est simple comme…
bonjour-hi,
mais c’est un procédé par lequel
notre langue risque le plus
souvent de pâtir, comme dans le
cas qui nous occupe ici.
BOIRE – CONDUIRE :
il importe de rappeler que le
lien logique à établir entre ces
deux actions bien distinctes
n’est pas celui de coordination
(ET),
mais de cause à effet (PARCE
QUE).
Ainsi, on aurait mieux fait de
dire quelque chose comme : « Oui
au verre, non au volant »;
« Empêchez vos proches de
conduire s’ils ont bu »; « Ils
ont bu? Ne les laissez surtout
pas s’installer derrière le
volant »; etc. Tenez, j’y pense,
dans ma prime jeunesse, on ne
m’interdisait pas de manger
ET
nager, mais plutôt de nager
APRÈS
avoir mangé, ou
PARCE QUE
j’avais mangé. Simple question
de français, m’semb’! En
d’autres termes, c’était là une
façon de s’exprimer non encore
corrompue jusqu’à la moelle par
l’on ne peut plus envahissant
idiome shakespearien…
À mes yeux, cela coule
de source : le
« bonjour-hi »
servi dans les magasins de
« Montréal en ville », c’est de
la vulgaire bibine, d’la p’tite
bière, quoi, à côté de l’infâme
« bagosse », inqualifiable
tord-boyaux aux effluves
douteux, que nous fait avaler la
SAAQ sans ménagement, soir après
soir! S’il est vrai qu’on ne
s’en ressent pas trop sur le
coup, un fait demeure : fût-ce
en publicité, sociétale ou
autre, s’autoriser pareilles
formules, calquées
servilement sur l’anglais, ça
risque fort, à la longue, de
faire mal… à notre langue
collective! |